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La lampe de ma vie
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chronique du 16 mai 2014

 

L’image violente de Dieu dans le récit du déluge

QuestionIl est difficile de croire que Dieu a pu détruire l’humanité en ne sauvant que Noé et sa famille. Comment expliquer que Dieu n’est pas violent, alors que ce geste est assez extrême? (Daniel, Jonquière)

RéponseLe lecteur de la Bible doit faire attention de ne pas tomber dans une interprétation fondamentaliste ou historicisante. Pour une juste lecture des textes bibliques, nous devons nous tourner vers l’étude de l’histoire ancienne, des genres littéraires, en faisant attention à l’évolution des croyances. C’est alors qu’on peut en tirer profit pour sa vie de croyant aujourd’hui.

Le déluge n’a pas eu lieu

     Commençons par les genres littéraires. Le complexe de Gn 1–11 est appelé « histoire des origines ». Il est constitué de mythes [1] fondateurs qui entendent enseigner bien plus la vision du monde, de l’humanité et de la divinité des Hébreux que l’origine du monde (dont ils ne savaient rien, pas plus que nous d’ailleurs). Tous les épisodes racontés dans ces chapitres ne se sont jamais passés. Jamais. Pour être certain d’avoir été compris, je vais le répéter. Tout cela ne s’est jamais passé, jamais. Toute lecture historicisante fausse donc, dès l’abord, l’intention originelle du récit. Chaque épisode de Gn 1–11 présente plutôt un aspect de l’humanité en relation avec Dieu, les humains et la terre. L’ensemble est relié par le thème de la progression du mal et des moyens adoptés par Dieu pour y remédier. Le déluge se situe dans cette perspective. Le mal arrive dans un premier péché contre Dieu au chapitre 3 puis un premier péché contre l’humain au chapitre 4. Par la suite il se répand inexorablement au point qu’au début du chapitre 6, Dieu se rend compte qu’il est partout. La destruction de l’humanité se présente comme un remède radical à la propagation du mal. Noé est sauvé parce qu’il est juste. Il y a deux présuppositions sous-jacentes :

  1. la création a été faite une fois pour toutes et ne peut pas être refaite, même si le monde retournera à un état de chaos originel;

  2. la descendance d’un homme juste, Noé, sera juste également.

Pour faire bref, disons simplement que les choses ne se passent pas comme cela et que le mal continue de se répandre après le déluge. C’est pourquoi un autre remède devra être trouvé, qui sera l’histoire du salut commençant avec Abraham au chapitre 12.

     Il faut dire un mot des ancêtres littéraires du récit du déluge. Il y a de nombreux mythes mésopotamiens plus ou moins parallèles. La différence la plus intéressante est la cause du déluge. Dans la Genèse, elle est morale, alors que dans les mythes mésopotamiens, les divinités sont dérangées par le bruit que font les humains, où les humains se sont trop multipliés, etc. Il est évident que la Genèse s’inspire des récits mésopotamiens plus anciens, même s’il est évident aussi qu’elle les adapte à son propos et intègre son récit dans le complexe de l’histoire des origines.

Un Dieu violent

     De tout cela il ressort une série de conséquences. Historique d’abord : si ces récits ne se sont jamais passés, l’humanité n’a jamais été détruite, le monde n’a jamais été submergé par un déluge. Le plus important, c’est la conception de Dieu qui a évolué à travers les siècles. Pour les anciens, un dieu qui tue ou qui punit n’est pas un problème. Est-ce que le Dieu de la Bible, de l’Ancien Testament surtout, est violent? Oui, mais ce n’était pas un problème pour les anciens qui concevaient les divinités de cette manière. La conception de la nature de Dieu s’affinera avec les siècles et recevra une forme définitive dans le Nouveau Testament. Il ne faut donc pas plaquer indûment ces conceptions ultimes sur des textes plus anciens qui ne les partageaient pas encore. Ainsi donc, même si le déluge universel ne s’est jamais passé dans l’histoire, sa seule idée dans un récit mythologique n’a jamais été problématique ou contre-indiquée pour les Anciens. Il y a d’autres exemples du même genre, comme le livre de Josué.

Un Dieu qui veut le bien

     Théologiquement, il faut s’attacher davantage à l’intention de Dieu dans le récit du déluge. Dieu veut ni plus ni moins que refaire le monde. Pour que le bien triomphe, le mal doit être détruit. Dieu est donc un Dieu qui veut le bien et déteste le mal. Bien plus, il travaille à la destruction du mal. Ses moyens à lui aussi vont s’affiner avec le temps. Le Bible n’a pas honte de présenter une image assez humble de Dieu. On n’a qu’à lire Gn 2 pour constater que ce texte est loin du Dieu majestueux de Gn 1. Dans ce contexte, le déluge se présente comme une première tentative, pas très « subtile » il est vrai, de détruire le mal.

Pour une juste interprétation

     Les textes bibliques sont anciens, très anciens. La première transposition nécessaire est donc culturelle et historique avant d’être théologique. Une interprétation juste des textes bibliques pour aujourd’hui doit nécessairement passer par ces étapes pour une relecture pertinente. Encore une fois, tout lecteur de la Bible est invité à profiter pleinement des divers moyens mis à sa disposition pour une lecture intelligente de la Bible. C’est un texte ancien qu’il faut lire en contexte. Il y a toute une série de guides, d’introductions et de livres très bien faits qui permettent une approche profitable de la Bible et qui permettent de désamorcer les pièges. C’est une aventure fascinante qu’il faut entreprendre avec les bons instruments!

[1] Le mot « mythe » ne s’entend pas ici comme dans le sens populaire. On dit aujourd’hui : « c’est un mythe » pour signifier que quelque chose n’est pas vrai. En exégèse, le mot mythe signifie un récit parlant de réalités tellement vraies, profondes et universelles qu’elles ne peuvent pas s’exprimer par des concepts. Le mythe est donc très positif, car il tente de cerner les aspects mystérieux de Dieu et des humains.

Hervé Tremblay

Article précédent :
Les prédestinés des épîtres aux Romains et aux Éphésiens

 

 

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