La guérison de l’hémorroïsse. Fresque des catacombes des saints Pierre et Marcellin à Rome (photo : Wikipedia)

L’audace d’une femme

Roland BugnonRoland Bugnon, CSSP | 8 octobre 2018

Lire Marc 5, 25-34

Jésus est de retour avec ses disciples en Galilée. La nouvelle se répand très vite alentour et une grande foule se rassemble. Tous veulent voir le prophète dont on entend parler dans la région. La curiosité, l’espoir de le voir accomplir quelque miracle, le désir d’entendre son message, motivent cette curiosité. Jésus se trouve bousculé et sollicité de toute part. C’est à ce moment qu’arrive Jaïre, le chef de la synagogue, peut-être l’un de ces responsables religieux qui étaient scandalisés de voir Jésus guérir l’homme à la main desséchée, un jour de sabbat. Mais la détresse le pousse à le supplier de venir imposer les mains à sa jeune fille très malade. Jésus accepte et s’apprête à le suivre chez lui en se frayant un passage dans une foule qui le presse de tous côtés. À cet instant survient un événement assez curieux, mais hautement significatif, que Marc tient à relater à cet endroit.

Une femme qui a entendu ce qu’on dit de Jésus, s’est approchée de lui. On apprend qu’elle souffre de pertes de sang depuis douze ans et que tous les traitements qu’elle a essayés n’ont servi à rien, si ce n’est à enrichir les médecins qui les lui ont prescrits. Elle vit dans une profonde détresse et ses pertes de sang, plus ou moins continues, font d’elle une exclue. Elle est « impure » au regard de la loi et rend impur tout ce qu’elle touche. Elle a probablement fait l’objet de rejets violents de la part de personnes désireuses de se garder pures. Voilà ce qui explique sa venue « par derrière » et ce désir minimal de toucher le vêtement de Jésus. Pour elle, c’est suffisant, étant convaincue d’une chose (v. 28) : « Si je parviens à toucher seulement son vêtement, je serai sauvée. » L’effet est immédiat : l’hémorragie s’arrête et elle ressent dans tout son être qu’elle est guérie. La joie commence à l’inonder toute entière.

Un nouveau rebondissement se produit alors. Jésus se retourne aussitôt, regarde toutes ces personnes qui l’entourent et demande (v. 30) :  « Qui a touché mes vêtements ? » Pour les disciples, une telle question est ridicule et n’a pas lieu d’être posée. Depuis qu’ils sont arrivés, la foule le presse et le bouscule de toute part. N’importe qui peut le toucher à un moment ou un autre. Jésus en est pleinement conscient, mais il sait qu’une personne a posé un geste particulier, bien consciente de ce qu’elle faisait. Il continue à regarder comme s’il désirait porter le geste de cette femme à son achèvement. Jusqu’à cet instant, elle est restée enfermée dans son désir de guérison entourée du vêtement qui l’enveloppe et la cache aux regards de ceux qui pourraient la reconnaître. Elle comprend alors qu’elle doit sortir de l’anonymat et de sa peur. Elle se jette toute tremblante à ses pieds et lui dit toute la vérité.

Pourquoi tant d’insistance, Seigneur? Pourquoi obliger cette femme à parler du mal qui la ronge devant une foule qui risque de lui être hostile? Elle sait bien, pour l’avoir souvent expérimenté, que les hommes religieux, les rabbis en particulier, sont très soucieux que se garder pur au regard de la Loi et se méfient particulièrement des femmes susceptibles de communiquer leur « impureté mensuelle ». Et toi tu l’invites à révéler son visage, à sortir de l’ombre pour venir en pleine lumière… Je crois comprendre, Seigneur. Le vécu de cette femme doit venir en pleine lumière, prendre la forme d’une parole pleine de confiance et devenir devant tous, un témoignage. Ce que j’ai pu bénéficier de toi aujourd’hui, je ne dois pas craindre de le dire et de manifester à la face du monde les hauts faits de ton amour au cœur de l’histoire humaine. Et puis, en osant parler devant la foule qui l’entoure, cette femme se remet debout sur ses deux pieds. Elle reprend librement possession de sa propre vie. Merci, Seigneur, pour cette invitation à s’affirmer devant les autres. Cela n’est ni facile, ni évident, mais je sais que cela me concerne aussi.

Prêtre spiritain, Roland Bugnon est l’auteur de Voyage de Marc en Galilée : récit imaginaire et romancé de la naissance d'un livre (Saint-Augustin, 2013).

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La lampe de ma vie

Les événements de la vie nous confrontent et suscitent des questions. Si la Bible n’a pas la réponse à toutes nos questions, telle une lampe, elle éclaire nos existences et nous offre un certain nombre de repères.