La confession du centurion. James Tissot, 1886-1894. Aquarelle opaque et mine de plomb sur papier vélin, 16,4 x 27,6 cm. Brooklyn Museum, New York.

Fils de l’homme et Fils de Dieu

Roland BugnonRoland Bugnon, CSSP | 13 mai 2019

Comme je l’ai souligné, la crucifixion de Jésus est un signe d’échec et marque la fin de tous les espoirs suscités par lui. Marc nous a proposé deux clés pour en comprendre la signification : l’évocation de la rupture du voile du sanctuaire et les paroles surprenantes du centurion romain : « Vraiment, cet homme était Fils de Dieu ! » Il veut ainsi éclairer d’une lumière particulière cette mort-là et laisse entendre une annonce nouvelle qui survient le lendemain du sabbat (voir Mc 16,1-8).

Emmenées par Marie-Madeleine, des femmes se rendent au tombeau pour achever la toilette du corps de Jésus et l’embaumer. C’est le premier jour de la semaine, au lever du soleil. Leur discussion tourne autour d’un détail pratique important pour elles : « Qui nous roulera la pierre pour dégager l’entrée du tombeau ? » Cette question souligne la faiblesse de ces femmes incapables de libérer par leurs seules forces l’entrée du tombeau. On peut y voir aussi le sentiment humain d’impuissance face à la mort. La surprise est totale quand elles constatent que la pierre a été roulée sur le côté et l’entrée dégagée. Quand elles entrent, elles sont saisies de frayeur – signe biblique de l’irruption du divin dans leur vie –. Le corps du défunt a disparu et elles voient « un jeune homme vêtu de blanc » qui leur parle : « Ne soyez pas effrayées ! Vous cherchez Jésus de Nazareth, le Crucifié ? Il est ressuscité : il n’est pas ici. Voici l’endroit où on l’avait déposé. Et maintenant, allez dire à ses disciples et à Pierre : “Il vous précède en Galilée. Là vous le verrez, comme il vous l’a dit.” » Ces femmes saisies de frayeur sont les premières à recevoir l’annonce de la résurrection de Jésus, portée par « cet être vêtu de blanc », un envoyé divin. Ce qu’elles viennent de vivre est tellement inouï ou extraordinaire qu’elles restent sans voix. Elles s’enfuient du tombeau toutes tremblantes et hors d’elles-mêmes. Elles ne disent rien à personne, car elles ont peur. Ayant écrit cela, Marc referme son récit, laissant son lecteur avec beaucoup de points d’interrogation et libre de décider du sort qu’il donnera à son évangile. Pour lui tout est dit ! Jésus est bien le Fils de Dieu, sorti vainqueur de son combat contre tous ceux qui ont voulu sa perte. Le caractère abrupt de cette fin et la curiosité des croyants pousseront plus tard quelque scribe à donner une deuxième conclusion plus descriptive et explicite à ce texte (Mc 16, 9-20).

Il est ressuscité : il n’est pas ici. Cette affirmation traduit la conviction qui naîtra et grandira dans le cœur des disciples de Jésus. Alors que certains s’apprêtent à rentrer chez eux et à reprendre leurs anciennes activités, voilà que ce cri retentit avec suffisamment de force pour bouleverser des foules de personnes prêtes à affirmer avec force que le crucifié du Golgotha, lui dont le cœur a été percé d’un coup de lance et qui a été mis dans un tombeau, est vivant et il est entré dans la gloire divine, vainqueur de son combat contre le mal et la mort. Les autres évangélistes parlent de multiples apparitions ou de rencontres personnelles avec le ressuscité. Ils s’efforcent de raconter en termes compréhensibles une expérience qu’ils ne maîtrisent pas parce qu’elle échappe au sens commun. De plus ils se découvrent habités par une force intérieure qui les libère de la peur et les pousse en avant. L’Esprit de Jésus les transforme en témoins de sa Parole. Le mouvement est lancé ; il ne s’arrêtera plus. Ces femmes et ces hommes ne cesseront de proclamer ce que Pierre ose affirmer avec force (voir Ac 2,36b) : « Dieu l’a fait Seigneur et Christ, ce Jésus que vous aviez crucifié. » Reprise de différentes manières au cours des siècles qui suivront, cette affirmation résume la foi l’Église naissante. Partout ils diront qu’en Jésus de Nazareth s’est manifestée la figure de l’homme pleinement accompli grâce à l’amour qu’il a osé vivre jusque sur la croix. Bien plus, en lui s’est révélé le véritable visage du Dieu vivant. Le Dieu miséricordieux qui est pour tout être humain un Père plein de tendresse. Pour eux, Jésus est le chemin qui conduit vers le Dieu source de tout amour et aboutissement de toute existence humaine. Pour l’affirmer ils utiliseront les deux titres que Marc fait apparaître dans son évangile. Jésus est le « Fils de l’homme » et le « Fils de Dieu ».

Je n’oublie pas que nous sommes au 21e siècle et que le monde a bien changé depuis le début du christianisme. Une évolution prodigieuse s’est faite tant au niveau de la compréhension du monde qui nous entoure que de l’apport des nouvelles connaissances scientifiques et technologiques à tous les niveaux de l’existence humaine. Les croyances religieuses d’une époque ancienne ont été bousculées et mises à mal, obligeant le croyant à poser un regard critique sur le contenu de sa foi et à prendre position sur celui en qui il croit ou met sa confiance. Je sais également que les mêmes croyants sont loin d’avoir su se montrer à la hauteur du message dont ils sont les porteurs. Pourtant je n’oublie pas tout ce que le message transmis a introduit dans les cultures humaines et continue à le faire. Les paroles de Jésus interpelle avec autant de force le monde d’aujourd’hui. Elles sont « paroles de vie » pour qui les accueille et accepte de les entendre au plus profond de son cœur.

Dieu. Père au cœur rempli de tendresse ! Tu connais l’immense désir qui habite en mon cœur, comme une soif d’exister librement et dignement, d’être reconnu et aimé. Certaines voix me poussent à chercher du côté du pouvoir, du paraître, de l’argent ou du plaisir exacerbé. J’en suis ressorti déçu, profondément insatisfait Je me suis mis à écouter la Parole de ton Fils Jésus et mon cœur a été comblé de la joie d’être reconnu et aimé tel que je suis, avec mes défauts, sans conditions. À cet amour qui ne connaît pas de limites et qu’aucune violence n’est capable d’arrêter, j’ai accepté de répondre. Je me suis mis à l’écoute de ton Fils Jésus et j’ai connu la Paix et la Joie. Béni sois-Tu Dieu notre Père à jamais !

Prêtre spiritain, Roland Bugnon est l’auteur de Voyage de Marc en Galilée : récit imaginaire et romancé de la naissance d’un livre (Saint-Augustin, 2013).

Caravane

La lampe de ma vie

Les événements de la vie nous confrontent et suscitent des questions. Si la Bible n’a pas la réponse à toutes nos questions, telle une lampe, elle éclaire nos existences et nous offre un certain nombre de repères.