(photo © Greg Nunes / Unsplash).

Naissance de la communauté arc-en-ciel

Roland BugnonRoland Bugnon, CSSP | 13 avril 2020

Après sa visite à Corneille, Pierre revient à Jérusalem avec ses compagnons de route. Mais son geste à Césarée, n’est pas passé inaperçu. Il doit se justifier devant les frères de Jérusalem qui lui reprochent d’avoir permis l’entrée de païens parmi les adeptes de Jésus, sans les soumettre aux prescriptions de la loi mosaïque.

La liberté qu’il a prise, dit-il, est « obéissance à la volonté de Dieu ». Il reprend l’argumentation donnée à ses compagnons de route avant de baptiser Corneille et sa maisonnée : « Et si Dieu leur a fait le même don qu’à nous, parce qu’ils ont cru au Seigneur Jésus Christ, qui étais-je, moi, pour empêcher l’action de Dieu? » (11,17) Un premier pas officiel a été fait ; la porte est ouverte à toute personne qui voudrait partager la même foi en Jésus, mort et ressuscité. Voilà ce que Luc entend montrer désormais en poursuivant son récit. Il revient sans plus attendre à un événement qui s’est produit à la suite de l’agitation causée par la mort d’Étienne :

Les frères dispersés par la tourmente qui se produisit lors de l’affaire d’Étienne allèrent jusqu’en Phénicie, puis à Chypre et Antioche, sans annoncer la Parole à personne d’autre qu’aux Juifs. Parmi eux, il y en avait qui étaient originaires de Chypre et de Cyrène, et qui, en arrivant à Antioche, s’adressaient aussi aux gens de langue grecque pour leur annoncer la Bonne Nouvelle : Jésus est le Seigneur. La main du Seigneur était avec eux : un grand nombre de gens devinrent croyants et se tournèrent vers le Seigneur. La nouvelle parvint aux oreilles de l’Église de Jérusalem, et l’on envoya Barnabé jusqu’à Antioche (Ac 11,19-21).

Que se passe-t-il? La bonne nouvelle reçue des apôtres a suscité beaucoup d’enthousiasme et ces nouveaux disciples ne peuvent pas ne pas témoigner de la foi qui est devenue la leur. Des petits groupes se forment, on en parle à ses amis et aux amis des amis… Sans bruit, la Parole semée en terre nouvelle germe, grandit et finit par produire du fruit. Dans le souffle de l’Esprit, une église, de type familial, prend racine dans différentes villes du Moyen Orient. Personne n’imaginait cela à Jérusalem. Quand ils apprennent que des « païens » entrent en nombre dans la communauté, certains ont peur d’une sorte de contamination. Il faut aller voir, prendre la mesure de ce qui se passe.

C’est presque naturellement que l’on se tourne vers Barnabé, un disciple venu de la Diaspora. Antioche étant une grande ville gréco-romaine, il sera plus apte que d’autres à comprendre ce qui se passe dans ce milieu que les apôtres ne connaissent guère. Arrivé sur place, il découvre dans la joie que l’Esprit Saint ne l’a pas attendu pour agir. Une communauté nouvelle et nombreuse est née. Il se lance alors dans une action de consolidation des groupes de disciples de Jésus. Antioche est une très grande ville, la troisième, par le nombre de ses habitants, de l’Empire romain. Elle est au carrefour de toutes les routes commerciales du Moyen-Orient. Pour Barnabé, la tâche est trop grande pour l’assumer seul. Il prend l’initiative d’aller chercher Paul à Tarse où il s’est retiré depuis sa conversion. L’heure est venue pour lui de commencer la tâche pour laquelle Dieu l’a appelé. Moment extraordinaire que cette initiative prise, sans qu’il n’en soit rien dit, sous l’impulsion de l’Esprit Saint. Face à une nécessité grandissante, Barnabé ne reste pas paralysé. Il prend une décision qui va faire évoluer l’église d’Antioche dans une direction nouvelle. Les connaissances et les qualités de Paul font merveille. Avec Barnabé, ils forment un tandem efficace. La première église vraiment « catholique » ou « universelle » prend naissance et rassemble en son sein des femmes et des hommes de différentes origines religieuses et culturelles. Ils adoptent pour eux-mêmes le nom de « chrétiens » dont certains, par dérision, les affublent. Le « mur de la haine », comme écrira Paul aux Éphésiens, qui sépare juifs et païens, est en train de tomber. Cette situation nouvelle est loin de faire l’unanimité, mais « l’Église arc-en-ciel » est née, avec ses visages et ses cultures très variées.

J’apprécie particulièrement ce moment qui voit la véritable naissance de l’Église qui a poursuivi son chemin jusqu’à aujourd’hui. Qu’est-ce qui la caractérise? Elle ne tombe pas du ciel, elle naît de l’initiative de croyants désireux de se rassembler et de mettre tout simplement en pratique la foi qu’ils ont découverte à Jérusalem. L’Esprit est à l’œuvre en eux. S’ils s’appuient au départ sur le type d’assemblée que l’on trouve dans les synagogues, le jour du sabbat, ils inventent aussi une nouvelle manière de vivre la solidarité, de prier ensemble, de parler de Dieu et de Jésus son envoyé, de se souvenir de ses paroles et de son message. Ce nouvel art de vivre suscite de l’intérêt. Les premières conversions se font naturellement, tant dans le milieu juif que gréco-romain. Barnabé est venu voir ce qui se passe à Antioche. Ce qu’il découvre ne peut que susciter en lui une joie profonde. Il comprend, lui aussi, que l’Esprit ne peut être contrôlé par qui que ce soit, qu’il agit librement dans le monde. Il n’hésite pas à s’adjoindre les services de Paul pour donner à cette communauté en pleine croissance, une meilleure compréhension de leur foi et un éclairage nouveau à partir des Écritures que ce dernier connaît particulièrement bien depuis son passage à l’école de Gamaliel. Contrairement aux églises qui ne vivent guère plus que la fidélité à d’antiques traditions sans oser en changer, l’église d’Antioche laisse l’Esprit la guider sur les chemins qu’elle doit prendre ou inventer. Quitter sa peur et pousser vers le large… Voilà qui pourrait également inspirer l’Église de notre temps.

Béni sois-tu Seigneur, pour le travail de ton Esprit au cœur du monde. Comme hier à Antioche, il est à l’œuvre aujourd’hui, dans les différentes communautés de croyants qui composent ton Église. Qu’il vienne dynamiser de l’intérieur un monde chrétien qui se délite peu-à-peu par manque de foi et d’enthousiasme! Qu’il remette en ces paroisses qui se lamentent sur le manque de prêtres un esprit d’inventivité! Qu’elles n’attendent pas tout de l’évêque ou de Rome, mais n’hésitent pas à oser de nouveaux rassemblements autour de ta Parole et retrouvent le désir d’échanger, de partager, de vivre une solidarité concrète avec celles et ceux de toutes origines, qui partagent les mêmes idées. Viens Esprit Saint, viens renouveler les communautés paroissiales qui se meurent d’ennui. Que se lèvent en leur sein, les hommes et les femmes qui ranimeront en elles la flamme de l’Évangile.

Roland Bugnon est membre de la congrégation du Saint-Esprit. Après 17 ans de ministère pastoral et d’enseignement en Centrafrique, il est revenu dans son pays, la Suisse. D’abord à Bâle, puis à Fribourg, il s’est  investi dans des tâches d’animation spirituelle et biblique. 

Caravane

La lampe de ma vie

Les événements de la vie nous confrontent et suscitent des questions. Si la Bible n’a pas la réponse à toutes nos questions, telle une lampe, elle éclaire nos existences et nous offre un certain nombre de repères.