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11. Une valeur à ne jamais oublier

Roland BugnonRoland Bugnon, CSSP | 18 avril 2022

Cette série s’inspire de l’invitation pressante faite par le pape François à tous les baptisés : devenir des disciples missionnaires de l’Évangile de Jésus Christ. En s’inspirant d’un texte de la Première lettre de Paul aux Corinthiens, l’auteur rappelle l’importance de l’amour dans nos rapports les uns avec les autres.

Rappelez-vous ! Dans sa première lettre aux Corinthiens, Paul commence par mettre en garde la jeune communauté contre le risque d’éclatement provoqué par le désir des uns et des autres de s’identifier aux différents prédicateurs passés chez eux, plus qu’à celui qu’ils ont annoncé, le Christ Jésus. Ils se sont organisés en suivant le modèle des écoles philosophiques qui existent dans les cité grecques. Pour Paul, seul le Seigneur Jésus constitue le centre de la vie de l’Église. Il est la tête du grand corps qu’elle forme avec tous ses membres.

Mais un autre danger menace la cohésion de la communauté dans laquelle différents « charismes » sont apparus : une volonté de les hiérarchiser. La vieille envie des origines de l’humanité refait surface avec le désir d’être le plus grand ou le plus fort ou le meilleur, d’être en mesure d’imposer sa volonté à tous. Voilà bien le désir de toute-puissance qui se manifeste même sous des habits religieux. Paul est conscient de ce danger. Après avoir répondu à diverses questions, il prend un soin particulier à éclairer cette situation. Il commence par rappeler que les dons de chacun viennent de l’Esprit qui anime la communauté.

Les dons de la grâce sont variés, mais c’est le même Esprit. Les services sont variés, mais c’est le même Seigneur. Les activités sont variées, mais c’est le même Dieu qui agit en tout et en tous. À chacun est donnée la manifestation de l’Esprit en vue du bien. (1 Co 12,4-7)

Conscient des dangers qui menacent la jeune communauté chrétienne, Paul insiste sur la nécessité de vivre et d’agir« en vue du bien de tous ». Les charismes de chacun sont multiples et variés mais proviennent de la même source, l’Esprit Saint. Pour mieux se faire comprendre, il développe encore l’image du corps et de ses membres, tous solidaires les uns des autres, il ajoute : « Or, vous êtes corps du Christ et, chacun pour votre part, vous êtes membres de ce corps. » (1 Co 12,27)

Appliquant cette image du corps vivant et de ses membres à l’Église, Paul évoque les différents dons que l’on y trouve : l’un sera apôtre, l’autre prophète ou encore enseignant ou guérisseur ou encore apte à prononcer des paroles mystérieuses ou les interpréter (12,28-39). Tous ces dons sont donnés par l’Esprit pour le service de la communauté. Il n’y a donc pas de hiérarchie à établir entre eux. Mais pour celle ou celui qui cherche à vivre ou partager le meilleur de tous les dons spirituels, Paul ajoute : « Et maintenant, je vais vous indiquer le chemin par excellence. » (1 Co 12,31b)

Ce que Paul a découvert d essentiel, dans sa rencontre avec Jésus, apparaît ici en pleine lumière. Il tient à le faire connaître à celles et ceux qui désirent être ses disciples. Les paroles qu’il écrit, restent comme l’un des plus beaux messages de la sagesse humaine. Paul s’adresse à des chrétiens, mais ses paroles ont de quoi susciter une résonance dans le cœur de toute personne qui réfléchit aux valeurs fondamentales de l’existence humaine. Paul affirme avec force que seul l’amour est en mesure de donner une vraie valeur à tout ce que l’être humain entreprend. Le texte vaut la peine d’être lu dans son intégralité

J’aurais beau parler toutes les langues des hommes et des anges, si je n’ai pas la charité, s’il me manque l amour, je ne suis qu’un cuivre qui résonne, une cymbale retentissante. J’aurais beau être prophète, avoir toute la science des mystères et toute la connaissance de Dieu, j’aurais beau avoir toute la foi jusqu’à transporter les montagnes, s il me manque l amour, je ne suis rien. J aurais beau distribuer toute ma fortune aux affamés, j’aurais beau me faire brûler vif, s’il me manque l’amour, cela ne me sert à rien.  (1 Co 13,1-3)

Paul évoque ici les grands rêves des gens de son temps : posséder la connaissance de toutes les langues humaines, être capable de percer les mystères de Dieu et du monde, avoir une foi sans faille et une générosité sans bornes… On pourrait y ajouter les ambitions de notre temps, suscitées par la science, la technologie, la culture, l’économie, la politique… Parce qu’il est un être de désir, l’être humain développe en lui la volonté d’être le meilleur, le plus grand, le plus fort, le plus brillant… Ces désirs sont légitimes s’ils ne l’enferment pas en lui-même. Ils ne prennent leur vraie valeur que par l’amour qui les soutient et le souci des autres. Nous le voyons chaque jour : sans compassion ni ouverture à l’autre, le plus grand chef politique, d’entreprise ou religieux se transforme en dictateur et c’est la violence qui l’emporte et détruit toute forme de vie sociale harmonieuse. La guerre en Ukraine en est aujourd’hui – en avril 2022 – la plus terrible démonstration. Chacune ou chacun peut en faire le constat : sans amour, la vie en société, en couple ou en communauté se transforme en enfer. L’amour ne se réduit pas à une chanson ; il ne peut exister que par un engagement personnel fondamental et un combat pour le préserver et le faire durer.

Paul ne se contente pas de parler de l’amour, un terme qui prend différentes significations en français. Il en précise le sens qu’il lui donne, dans les versets qui suivent : « L amour prend patience ; l amour rend service ; l amour ne jalouse pas ; il ne se vante pas, ne se gonfle pas d’orgueil ; il ne fait rien d inconvenant ; il ne cherche pas son intérêt ; il ne s emporte pas ; il n entretient pas de rancune ; il ne se réjouit pas de ce qui est injuste, mais il trouve sa joie dans ce qui est vrai ; il supporte tout, il fait confiance en tout, il espère tout, il endure tout. L amour ne passera jamais. » (1 Co 13,4-8)

Vivre ainsi n’a rien d’évident.Choisir d’aimer, envers et contre tout, demande une grande force de caractère. C’est un choix de vie. On reconnaît, dans les mots de Paul, la longue méditation qu’il a faite lui-même sur le Christ en croix auquel il se rattache désormais. En même temps, il interpelle celles et ceux qui l’entendront ou le liront. Suis-je vraiment disposé à fonder ma vie sur un tel amour? Le véritable témoignage chrétien passe par là et prend une dimension universelle.

Roland Bugnon est membre de la congrégation du Saint-Esprit. Après 17 ans de ministère pastoral et d’enseignement en Centrafrique, il est revenu dans son pays, la Suisse. D’abord à Bâle, puis à Fribourg, il s’est  investi dans des tâches d’animation spirituelle et biblique. 

Caravane

La lampe de ma vie

Les événements de la vie nous confrontent et suscitent des questions. Si la Bible n’a pas la réponse à toutes nos questions, telle une lampe, elle éclaire nos existences et nous offre un certain nombre de repères.