« Allons, debout! Prends l’enfant et sa mère, fuis en Égypte et restes-y. Je te dirai quand revenir. Hérode veut s’emparer de l’enfant pour le faire mourir. » (voir Mt 2,13-23). En se basant sur le récit de la fuite en Égypte, Francine Lemay propose un visage de Marie bien différent de celui du dogme et des théologiens. Sur la base de quelques versets de Matthieu, la romancière imagine l’exil en Égypte de la famille la plus célèbre de Nazareth comme si le récit évangélique était un souvenir historique plutôt qu’une construction théologique. En ce sens, La fugitive ressemble à un évangile apocryphe cherchant à combler une période de l’enfance de Jésus. Mais l’auteure s’en défendrait probablement en disant plutôt qu’elle a cherché à rendre Marie plus humaine.

     Le roman raconte l’histoire d’une femme passionnée, fougueuse, mais qui doute et se révolte devant certaines situations. Malgré une certaine naïveté devant le texte évangélique, le roman a le mérite de dépeindre Marie comme une femme et une mère véritables. C’est un long hommage à la maternité et plusieurs lectrices reconnaîtront leur propre expérience dans les pages qui nous parlent de la relation de Marie avec son enfant. À travers plusieurs expériences qui sont décrites, on pense également à l’influence que Marie et Joseph ont dû avoir sur les choix de Jésus et sa manière de comprendre le monde. Un autre intérêt du roman, c’est que l’histoire est racontée du point de vue de Marie alors que l’évangéliste la raconte à partir de celui de Joseph.

     Dans le roman, Marie se demande si son fils est vraiment le Messie. Posée de cette manière, on peut se demander si l’auteure est à l’aise avec la question qui surgit à plusieurs reprises. Mais du point de vue du lecteur, l’identité de Jésus demeure, encore aujourd’hui, une question cruciale que toute personne croyante doit se poser. Si le roman n’apporte pas de réponse claire à cette question, il nous rappelle qu’une réponse qui écarte l’humanité de Jésus (et celle de sa mère) ne correspond pas à la Tradition et à bien peu de chance de s’accorder avec les sensibilités de notre époque.

Sylvain Campeau
Bibliste, Laval