Au pays de Jésus
Les chrétiens et la lignée d’Abraham
Alain Duphil
Nantes, Amalthée, 2006, 140 p.

Alain Duphil, 47 ans, père de sept enfants et gérant d’une exploitation céréalière en Haute-Garonne, a fait, entre janvier 2003 et février 2005, trois séjours en Israël et dans les Territoires palestiniens. Interpellé par la situation des arabes chrétiens pris dans le conflit israélo-palestinien, ce diacre du diocèse de Toulouse cherche à sensibiliser nos Églises à la cause de ces chrétiens en Terre sainte. Un ouvrage de nature à nous éclairer dans le douloureux et interminable conflit entre Israël et Palestiniens!

     Son livre comporte deux parties d’allure différente. La première témoigne de la situation des chrétiens catholiques, arabes à 99%, qui vivent aux pays de Jésus. L’auteur révèle son admiration pour la vitalité de l’Église latine locale et il manifeste son empathie pour les arabes chrétiens dont la vie est rendue très difficile par les multiples problèmes quotidiens. À la suite de son émouvant témoignage, il propose de voir les chrétiens du pays de Jésus comme porteurs d’une signification théologique dans l’Église universelle et dans le dialogue judéo-chrétien.

     La deuxième partie est un peu plus élaborée (environ 80 pages). Elle présente un point de vue chaleureusement argumenté sur les délicates questions concernant les rapports de l’Église catholique avec les Juifs et Israël. L’auteur se penche ainsi sur le paragraphe 4 de la déclaration conciliaire Nostra Aetate. Il reprend la lecture de textes pauliniens qui touchent à des notions comme « lignée d’Abraham », « peuple élu », « l’olivier franc » versus « l’olivier sauvage ». Il aborde également, en faisant une délicate critique, les paroles de Jean-Paul II lors de sa visite à la synagogue de Rome en 1986.

     Le témoignage engagé d’Alain Duphil sur la situation précaire des chrétiens palestiniens m’a ému. Son plaidoyer pour une meilleure reconnaissance et pour une plus grande écoute des arabes chrétiens de Palestine mérite d’être entendu. Sa discussion de sujets brûlants peut susciter d’utiles débats. Elle est clairement engagée mais présentée avec des ouvertures qui appellent au dialogue.

     Je partage beaucoup de ses points de vue. Sur des questions pour lesquelles les textes bibliques sont impliqués, je suggère cependant d’inverser la perspective de lecture. Par exemple, « l’élection » ce n’est pas le privilège d’un peuple, mais le signe visible d’un Dieu qui accepte de se montrer dans un peuple. Quelle responsabilité pour le peuple qui doit faire voir Dieu dans ce qu’il est? N’est-ce pas le défi de l’Église. Quelle terre et à quelles conditions pourrait-elle dignement être reconnue comme la terre donnée par Dieu? Quant aux oliviers de Rm 11, pour atteindre l’unique racine, tant des rameaux naturels que des rameaux greffés, ne devons-nous pas remonter au-delà de Moïse et d’Abraham jusqu’à Dieu, l’unique source de vie pour les uns et les autres. Les rameaux peuvent être différents, l’important est qu’en eux se montre la vie de l’unique tronc divin. Quelle communauté croyante peut s’afficher comme le vrai rameau de la souche divine?

Jean-Yves Thériault