couvertureFemmes du Nouveau Testament
Yves-Marie Blanchard
Paris, Salvator, coll. « Bible en main », 2020, 182 p.
ISBN : 9782706719028

Saint Paul traîne la réputation d’être un indécrottable misogyne, tandis que mêmes les évangiles, par certaines de leurs figures – douze apôtres masculins – peuvent être soupçonnés d’être marqués par une mentalité patriarcale. Mais qu’en est-il réellement? Seul un retour aux textes permet de clarifier la situation et c’est bien l’exercice auquel se livre dans cette étude Yves-Marie Blanchard, professeur honoraire de l’Institut catholique de Paris. Le spécialiste des écrits néotestamentaires, et en particulier du corpus johannique, démontre de plus une volonté bien affirmée, tout au long de son ouvrage, de dépasser les biais imposés aux textes par des siècles de lecture masculine, voire machiste [1].

Le titre du livre pourrait laisser entendre qu’on y trouvera une série de portraits de femmes du Nouveau Testament. Ce n’est pas tout à fait cela. L’auteur s’applique plutôt à y repérer systématiquement toutes les femmes et figures féminines et celles-ci deviennent le prétexte pour une étude exégétique plus ou moins poussée des textes où elles apparaissent. Le parcours à travers les livres néotestamentaires est bien ordonné et balisé. Il suit grosso modo l’ordre canonique. À certains égards, de larges passages de ce livre peuvent être assimilés à une introduction au Nouveau Testament ; les lecteurs et lectrices avides de creuser leurs connaissances bibliques y trouveront donc leur compte. On peut cependant se demander quel public vise précisément cette étude parue dans la collection « Bible en main ». Les novices pourront être un peu déroutés par le recours fréquent aux mots grecs et par l’usage de certaines notions d’exégèse, tandis que les lecteurs plus aguerris pourront s’étonner de n’y trouver aucun renvoi à d’autres études. Par ailleurs, du point de vue du style, si le texte est en général clair et si l’auteur sait à l’occasion faire preuve de lyrisme [2], certaines phrases interminables gagneraient à être abrégées.

Quoi qu’il en soit, ce livre demeure efficace pour montrer la place éminente des femmes dans le Nouveau Testament.  Il met bien en lumière l’estime et la considération que Jésus leur a manifestées et les rôles de premier plan qu’elles ont tenu à des moments cruciaux des évangiles, par exemple au matin de Pâques. L’auteur abat aussi de manière convaincante le mythe d’un Paul sexiste. Il sait se montrer très critique des marques de sexisme qui affligent certains textes. Par exemple, il ne mâche pas ses mots lorsqu’il dénonce l’écrivain derrière la première lettre à Timothée : « notre auteur ne manque aucune occasion d’exprimer une misogynie vulgaire et insupportable » (p. 137), se plaçant ainsi en décalage par rapport à l’ensemble du Nouveau Testament.

Tout au long de son ouvrage, Yves-Marie Blanchard est fidèle à repérer toutes les ouvertures qui pourraient renouveler la manière de considérer la place des femmes dans l’Église et d’éventuels ministères féminins. Il dénonce fermement le penchant ecclésial à se saisir des quelques textes plus problématiques pour oublier ceux, plus nombreux, où les femmes assument visiblement des rôles d’apôtres et détiennent des positions d’autorité ou de leadership dans leur communauté. L’auteur montre ici clairement où il loge et cela se confirme bien dans les quelques pages qui tiennent lieu de conclusion à son livre. Il y indique sept « points d’appui » pour renouveler la réflexion sur « la place des femmes dans les communautés chrétiennes, tout particulièrement la question des ministères dans l’Église catholique » (p. 177). Puisse cette voix masculine d’un prêtre catholique, qui s’ajoute à tant de voix féminines, être entendue!

Anne-Marie Chapleau est bibliste et professeure à l’Institut de formation théologique et pastorale de Chicoutimi (Québec).

[1] On pourrait toutefois malicieusement inviter l’auteur à repasser lui-même par le texte source qui raconte l’histoire de Bethsabée, l’un des quatre femmes qui apparaissent dans la généalogie de Jésus dans Matthieu. À relire attentivement 1 S 11—12, il découvrirait sans doute que cette belle femme ne mérite pas qu’il la traite de « femme fatale » et qu’il reporte sur elle l’odieux d’une faute commise par David et dont elle est avant tout la victime (p. 13-14).
[2] Voir le chapitre 8 sur les femmes de l’Apocalypse.

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