couvertureLa Bible. Traduction liturgique avec notes explicatives
Association épiscopale liturgique pour les pays francophones
Paris, Salvatore, 2020, 2872 pages
ISBN : 978-2-7067-2010-9

Il y a peu de temps, la postière m’a remis un nouvel ordinateur et une nouvelle Bible. Bien entendu, j’ai mis l’ordinateur de côté pour découvrir cette nouvelle édition de la Bible! La traduction biblique est celle qui est utilisée lors des célébrations liturgiques. Ce texte était déjà disponible depuis 2013 chez Mame et il se retrouve aussi gratuitement sur le site de l’AELF.org, l’Association épiscopale liturgique pour les pays francophones.

Si le texte n’est pas nouveau, cette édition présente des introductions pour chaque livre biblique et des notes de bas de page publiés pour la première fois. L’avant-propos indique que ces notes ne visent pas l’érudition, mais l’explication des informations utiles pour comprendre et savourer le texte.

Élément intriguant, la traduction a été réalisée par 70 collaborateurs anonymes. On rejoint le mythe de la Septante, la première traduction en grec de la torah qui, selon la lettre d’Aristée, a été réalisée par 70 personnes qui sont arrivées au même texte de façon indépendante.

Les notes et les introductions ont été composées par un groupe de 37 personnes. Si ce livre vise à ouvrir les Écritures pour l’ensemble de la francophonie, il est manifeste que le groupe d’auteurs ne représente pas du tout la variété du public visé. Il n’y a que 6 femmes sur 37 (16%). Seulement deux de celles-ci ne sont pas religieuses. Pour les hommes, il n’y en a que deux qui ne soient pas prêtre ou religieux (6%). Enfin, seulement deux des auteurs ne sont pas européens, deux prêtres québécois : Yves Guillemette (directeur d’interBible.org et prêtre du diocèse de Montréal) et Paul-Hubert Poirier (professeur à la Faculté des sciences religieuses de l’Université Laval). En sommes, ces notes ont été très majoritairement réalisées par des ecclésiastiques mâles et européens. Les auteurs sont tous des exégètes très compétents, mais le manque de diversité ne peut que jouer contre cette édition de la Bible qui vise à rejoindre les hommes et les femmes de tous les pays francophones.

La note qui commente la présence de femmes dans la généalogie de Jésus en Mt 1 illustre bien ce problème. « Si quatre femmes sont ici mentionnées, c’est peut-être parce que toutes quatre ont vu leur enfant bénéficier, comme ce sera le cas de Jésus, de la droiture et de la bonté du père réel ou supposé. Ces enfants ont été reconnus loyalement comme leurs par Juda, Salmone, Booz et David. » Ce commentaire montre bien que les notes ont été écrites par un groupe d’hommes, prêtres, qui ne voit pas vraiment les femmes dans ce texte. Selon la note, ces femmes sont mentionnées pour diriger l’attention des lecteurs vers les pères et leur fils! Quelle aberration! Pourtant Tamar, Ruth, Rahab, Bethsabée et Marie sont des personnages à part entière des récits bibliques dans lesquels elles incarnent des valeurs positives comme la justice, la débrouillardise et la confiance.

Un autre élément à la fois intéressant et problématique est le nombre de notes qui donne un sens littéral au texte biblique. Si l’invitation aux lecteurs de mieux comprendre ce qui est signifié dans les langues d’origine est excellente, la prolifération de ce type de note indique que cette traduction du texte biblique est parfois assez loin de ce qu’on retrouve en hébreu, en araméen ou en grec. Un exemple, en Mt 4,13 la traduction indique que Jésus « quitta Nazareth », alors que la note précise qu’il « abandonna Nazareth ». On pourrait croire que le traducteur de ce verset ne voulait pas attribuer une connotation négative au village d’origine de Jésus, alors que celui qui a écrit la note essaie de corriger cette traduction. Cela dit, la plupart des notes donnent des explications utiles pour comprendre des éléments du texte.

Les introductions que j’ai consultées jouent bien leur rôle. Elles présentent de bonnes informations historiques sur la composition du texte ainsi que des éléments narratifs comme l’intrigue et la caractérisation des personnages principaux. Quelques rares introductions comme celle de Marc traitent de l’effet du texte sur ces lecteurs, mais en général l’histoire de l’interprétation et sa réception contemporaine ne sont pas présentées. Un élément original : la présence d’une table des matières au début de chaque livre biblique permet de voir la structure du livre et de faciliter le repérage de passages.

Je vais certainement apporter cette Bible lors de célébrations liturgiques. Elle est un bon outil pour les groupes ou les individus qui veulent lire, prier, échanger sur la Bible en contexte liturgique. Par contre, cette édition de la Bible perpétue une longue tradition catholique d’offrir une perspective masculine, ecclésiale et européenne aux lecteurs et lectrices provenant de contextes fort variés.

Sébastien Doane est professeur d’exégèse biblique à la Faculté de théologie et de sciences religieuses de l’Université Laval (Québec).

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