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chronique du 27 mars 2009
 

Massada l’invincible

Massada est un monticule rocheux de 300 mètres de haut situé en plein désert sur la rive orientale de la mer Morte. Son nom, de l’hébreu Messuda, signifie « forteresse ». C’est en effet le premier rôle qu’elle occupa dans l’Antiquité. Aujourd’hui, ce site archéologique fascinant devenu le symbole de la résistance juive est le lieu le plus visité en Terre sainte après Jérusalem.

Massada vue de l’est

Massada vue de l’est. Dans le haut, à droite, on voit de profil
les trois niveaux en escaliers du Palais Nord. (photo : C. Boyer)

     Un des sentiers qui permettaient d’accéder au sommet de Massada dans l’Antiquité porte le nom de « sentier du Serpent ». Ce sentier, qui effectivement « serpente » le versant Est du rocher, existe encore aujourd’hui et c’est celui qu’empruntent la plupart des visiteurs de nos jours. L’idéal, surtout lorsqu’on visite Massada pour la première fois, est de s’y rendre avant l’aube; la fraîcheur de la nuit rend agréable l’ascension d’une quarantaine de minutes, et lorsqu’on arrive au sommet on peut assister au lever du soleil sur la mer Morte. Il faut cependant être prudent lorsqu’on gravit le sentier de nuit car celui-ci n’est pas sécuritaire, et au moins une personne s’est déjà tuée, il y a quelques années, lorsqu’elle est tombée dans le vide. On peut aussi aujourd’hui prendre un téléférique.

vue matinale sur la mer Morte

Une vue matinale sur la mer Morte du haut de Massada.
(photo : C. Boyer)

     C’est au tournant du premier siècle avant notre ère, à l’époque des Hasmonéens, que Massada fut d’abord utilisée comme forteresse. Mais c’est Hérode le Grand qui a entrepris les travaux les plus importants. Hérode était un grand bâtisseur, et si le récit évangélique du « massacre des innocents » (Mt 2,13-18) est peut-être légendaire, il illustre cependant bien deux aspects réels du personnage : Hérode était un monarque cruel et paranoïaque. En fait, il n’avait pas tout à fait tort de croire que la population pouvait se rebeller à tout moment, et c’est dans cette optique qu’il a fait construire différentes forteresses dans tout son royaume, et notamment Massada. Il a fait de cette forteresse naturelle une place-forte imprenable en ceinturant toute sa surface d’une muraille et d’une trentaine de tours de guets. Et bien sûr, avec Hérode, sécurité n’est jamais incompatible avec luxe et confort. C’est ainsi que Massada fut dotée de palais où on pouvait retrouver tout le faste de n’importe quel palais royal. Le palais le plus majestueux de Massada était le « Palais Nord », érigé en flanc de montagne sur trois niveaux.

Massada : palais Nord

Dans le Palais Nord, des fresques hérodiennes ont été en partie conservées.
Elles ont été restaurées récemment. (photo : C. Boyer)

     Mais comment peut-on survivre au sommet d’un piton rocheux en plein désert? L’eau potable provenait de wadis à proximité et était acheminée par deux aqueducs jusqu’au pied de Massada où des esclaves la portaient ensuite jusqu’au sommet du rocher. On récupérait aussi l’eau de pluie. Toute cette eau était conservée dans des citernes géantes creusées dans le roc. L’eau à Massada n’était tellement pas un problème, qu’on s’était même permis d’aménager non seulement quelques bains rituels (mikvaot), mais aussi des bains publics, des thermes! Hérode et son entourage pouvait s’y prélasser, en plein désert... L’eau permettait aussi, bien sûr, d’arroser les jardins potagers. Pour la conservation des aliments, de grands entrepôts avaient été aménagés; on y stockait de la nourriture mais aussi des armes et des outils.

entrepôts et citernes

Les grands entrepôts qu’on voit ici, ainsi que les citernes,
permettaient l’abondance en plein désert. (photo : C. Boyer)

     C’est cette importante infrastructure ainsi que l’inviolabilité de Massada qui, lors de la première révolte juive, celle de 66-70, permirent à cette forteresse de devenir le dernier bastion de la résistance juive. Après la mort d’Hérode, Massada était passée aux mains de son fils Archélaüs, et avait accueilli ensuite une garnison romaine. Au cours de la révolte juive, des groupes de rebelles juifs et leurs familles parvinrent à se réfugier à Massada. Environ un millier de rebelles, sous la conduite de leur chef Éléazar ben Yaïr, résistèrent au siège romain pendant plus de six mois.

     Flavius Sylva, le commandant de la 10e légion chargée de prendre Massada, établit huit camps de siège au pied de la forteresse et, afin d’empêcher l’approvisionnement et la fuite d’assiégés, fit réaliser un blocus par une muraille qui encerclait tout le rocher. Son projet le plus ambitieux fut la construction, sur le versant Ouest de Massada, d’un remblai formant une rampe d’assaut. Les Romains purent ensuite hisser jusqu’à la plateforme aménagée au sommet de la rampe les catapultes et le bélier qui servit à faire une brèche dans le rempart. La rampe d’assaut romaine existe toujours et elle permet encore d’accéder au sommet de Massada par le « sentier de la Rampe ».

rampe romaine

La rampe construite par les Romains pour prendre la forteresse est visible sur cette photo
du versant ouest de Massada. Au-delà de la forteresse, la mer Morte .
(photo : C. Boyer)

     Jérusalem était tombée depuis trois ans lorsque Sylva et ses troupes parvinrent enfin à pénétrer dans l’enceinte de Massada. Mais derrière la muraille, les Romains ne découvrirent que des cadavres : 953 individus, les rebelles et leurs familles, s’étaient donné la mort plutôt que de se rendre. Seuls deux femmes âgées et cinq enfants avaient survécu, cachés dans les aqueducs. Les rebelles avaient tout brûlé à l’exception des vivres, pour bien montrer aux Romains que ce n’est pas la famine qui les avait poussé à se suicider, mais bien leur « résolution première de préférer la mort à la servitude » (Guerre juive VIII,6). C’est ainsi que prit fin la première révolte juive.

     Deux mille ans plus tard, Massada est devenue en Israël un symbole fort pour le peuple juif. Même que c’est à Massada que les nouveaux militaires israéliens prêtent serment, par la formule « Massada ne tombera plus jamais ».

Le tracé des camps romains au pied de Massada

Le tracé des camps romains au pied de Massada est toujours visible du haut de la forteresse.
(photo : C. Boyer)

     C’est l’historien juif Flavius Josèphe qui est notre première source d’informations sur ce qui s’est passé à Massada (GJ, VII, 8-9). Des historiens se demandent si le suicide massif des rebelles relaté par Josèphe ne serait pas largement légendaire. Le nombre de squelettes retrouvés lors des fouilles archéologiques de Massada appuie difficilement le récit de Josèphe qui parle de près d’un millier de rebelles. Et il faut dire que les récits de suicides collectifs semblent avoir été un genre littéraire plutôt répandu à l’époque. Même Josèphe en relate d’autres, dont celui de Gamala, presque identique à celui de Massada (GJ, IV,1), et celui de Jotapata, auquel Josèphe lui-même aurait assisté et survécu en se rendant aux Romains (GJ VIII,3,7).

     Si certains aspects du récit de Josèphe soulèvent des doutes sur sa véracité, le siège romain de Massada et la résistance juive sont bien historiques. Le tracé des camps romains est toujours visible et l’archéologie de Massada corrobore la présence de résistants ayant vécu là plusieurs mois; les bâtiments ont été réaménagés pour accueillir un nombre d’individu visiblement bien supérieur à celui prévu à l’origine, des cloisons ont été ajoutées aux chambres et même les casemates du mur d’enceinte ont servi d’habitations. On a aussi retrouvé plusieurs objets ayant appartenu aux résistants, dont des manuscrits, des ustensiles, des vêtements, et des pièces de monnaie frappées durant la révolte juive et encourageant la résistance par la mention « Pour la liberté de Sion »...

Chrystian Boyer

Article précédent :
Césarée, la cité portuaire d’Hérode

 

 

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