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chronique du 25 septembre 2009
 

L’Égypte de Joseph

On a mis en question l’historicité de la présence des Hébreux en Égypte, dont la Bible raconte les origines dans la belle et célèbre histoire du patriarche Joseph (Gn 37-50). C’est qu’on n’a retrouvé en Égypte aucun vestige de ces épisodes bibliques. En fait, si les Hébreux n’ont pas laissé de traces en Égypte, l’Égypte, quant à elle, pourrait bien en avoir laissé dans la Bible.

Le Nil, en Égypte

L’Égypte est un désert traversé par un fleuve, le Nil.
(photo : C. Boyer)

     L’histoire de Joseph comporte très peu d’indications précises sur l’époque à laquelle elle se serait déroulée, mais elle semble supposer une certaine connaissance de l’Égypte pharaonique et de ses traditions. Ainsi, lorsque Joseph révèle le sens prémonitoire des songes du pharaon (Gn 41,1-36), il s’inscrit dans une tradition d’interprétation des rêves bien ancrée en Égypte. Même le contenu de son interprétation cadre bien dans le contexte de l’Égypte pharaonique.

     « L’Égypte est un don du Nil », selon la célèbre expression de l’historien grec Hérodote. En effet, c’est ce fleuve qui permet l’agriculture dans un pays dont le désert constitue environ 95% de la superficie! À l’époque pharaonique, on pouvait compter sur la crue du Nil : année après année, le fleuve débordait de son lit et inondaient les champs cultivables. En se retirant, le Nil laissait derrière lui le limon, qui rendait les champs extrêmement fertiles.

Le travail des champs, sur un papyrus égyptien.

Le travail des champs, sur un papyrus égyptien.
(photo : C. Boyer)

     L’agriculture dépendait directement de la crue du Nil. Même que les paysans étaient imposés en fonction du niveau qu’avait atteint le fleuve au cours de la crue. Car si cette dernière était prévisible –elle survenait immanquablement année après année- son niveau en revanche, mesuré à l’aide de « nilomètres », était fort inconstant. Les Égyptiens connaissaient le niveau exact que le Nil se devait d’atteindre pour garantir les récoltes (16 coudées). Lorsque le niveau était trop faible, c’était la famine assurée. Les songes de Pharaon dans le récit de Joseph, ces « sept vaches maigres » sortant du Nil et ces « épis desséchés », expriment en fait le cauchemar de tous les Égyptiens. Même la durée de la famine annoncée dans le récit n’est pas exagérée, si l’on en croit une stèle retrouvée à proximité d’Éléphantine. Sur cette stèle dite « de la famine », rédigée au IIe siècle avant notre ère, on peut lire : « Depuis sept ans, le Nil n’était pas monté. Le blé nous manquait, les champs étaient desséchés et nous avions très peu à manger. »

L’île d’Éléphantine, en Haute-Égypte

L’île d’Éléphantine, en Haute-Égypte, près de laquelle a été retrouvée la « stèle de la famine ».
(photo : C. Boyer)

     Dans le récit biblique, après qu’il ait été nommé intendant par le pharaon, Joseph se charge de mettre à profit les années d’abondances en entreposant des réserves pour les années difficiles à venir. Les pèlerins chrétiens au Moyen-âge se plaisaient à croire que les pyramides égyptiennes étaient les « greniers à blé » de Joseph... Comme tout le monde le sait aujourd’hui, les pyramides étaient des tombes royales. À l’intérieur, ou en dessous de celles-ci, dans le cas des plus anciennes, se trouvait une chambre funéraire qui abritait à l’origine le sarcophage contenant la momie du pharaon ou du notable pour lequel la pyramide avait été édifiée. Le défunt y avait aussi fait entreposer tout ce qu’il voulait emporter avec lui dans l’au-delà. Il existe une centaine de pyramides en Égypte. Cependant la pyramide n’est pas la seule forme de tombeau ayant été expérimentée par les Égyptiens de l’époque pharaonique. Ces derniers ont « essayé » plusieurs sortes de tombes tout au long de leur histoire, du mastaba (structure rectangulaire) à l'hypogée (tombeau souterrain).

Une tombe égyptienne de type mastaba, provenant de Saqqara

Une tombe égyptienne de type mastaba, provenant de Saqqara,
qu’on peut visiter au Metropolitan Museum of Art à New York. (photo : C. Boyer)

     Dans la Bible, il est précisé que les Hébreux travaillaient non pas à la construction de pyramides, mais à l’édification de villes  (Ex 1,11-14), dont l’une d’elles est la capitale de Ramsès II. Parmi les différents travaux énumérés, rien ne ressemble à l’image à laquelle le cinéma nous a habitués, présentant une foule d’esclaves qui, sous le fouet de leurs maîtres, tirent de lourdes pierres destinées à l’édification de pyramides ou de divers monuments égyptiens. Cette situation ne correspond d’ailleurs pas à la réalité. En Égypte, ceux qui travaillaient sur les chantiers de construction des entreprises monumentales du pharaon étaient principalement des paysans égyptiens qui, lors de la crue du Nil et alors que leurs champs étaient totalement inondés pendant presque quatre mois par année, prêtaient main-forte au pharaon en échange sans doute d’un maigre revenu. Les esclaves étrangers n’ont jamais constitué une force de travail importante en Égypte.

Les pyramides de Gizeh

Les pyramides, comme ici celles de Gizeh, les plus hautes d’Égypte,
n’ont probablement pas été construites par des esclaves.
(photo : C. Boyer)

     Les Égyptiens étaient, sinon obsédés, du moins très préoccupés par l’après-vie. C’est à cette fin qu’ils emportaient avec eux, dans leur tombe, les multiples objets de la vie courante qu’ils désiraient continuer à  utiliser une fois rendus dans le royaume des morts. Il était surtout important que leur corps soit bien préservé dans leur tombe, car la survie dans l’au-delà n’était pas possible sans l’existence du corps physique. Les pharaons, puis éventuellement tous ceux qui en avaient les moyens, se faisaient donc momifier lorsqu’ils mouraient. C’était évidemment des professionnels qui s’en chargeaient. Le cerveau et les entrailles du mort étaient retirés du corps, et afin que ce dernier déshydrate complètement, on le laissait reposer plusieurs jours dans le natron, une sorte de sel. Le délai nécessaire pour procéder à la momification était de soixante-dix jours et correspondait à la période de deuil de la famille et des proches. Ensuite, on plaçait le corps dans un sarcophage et on l’inhumait dans une tombe.

     Jacob était venu retrouver son fils Joseph en Égypte avec toute sa famille, raconte la Bible. Lorsque Jacob mourut, les médecins l’embaumèrent, sur l’ordre de Joseph, et il est précisé que « cela dura quarante jours, car telle est la durée de l’embaumement » (Gn 50,3). N’est-ce pas un peu long, quarante jours, pour embaumer un cadavre? Pas si le texte veut signifier que Jacob a été momifié... Selon l’historien grec Hérodote, les embaumeurs égyptiens laissaient le cadavre dans le natron pendant trente-cinq jours. Et le corps de Jacob ne fut emmené en Canaan pour être inhumé (dans la grotte de Makpéla) qu’au terme d’un deuil « de soixante-dix jours », précise le texte (Gn 50,3-8). Ces indications correspondent parfaitement avec la coutume égyptienne.

Sarcophages égyptiens, conservés au musée du Louvre.

Sarcophages égyptiens, conservés au musée du Louvre.
(photo : C. Boyer)

     Joseph a-t-il lui-aussi été momifié? Ce n’est pas impossible : « on l’embauma et on le mit dans un cercueil en Égypte ». Chose certaine, l’âge de Joseph à sa mort, correspond exactement à l’âge « idéal » d’une longue vie selon les Égyptiens anciens : cent dix ans (Gn 50,26). Décidément, cette histoire de Joseph est pleine de réminiscences égyptiennes!

Chrystian Boyer

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Massada l’invincible

 

 

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