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chronique du 27 mars 2015

 

Tell as-Sultan, la plus ancienne ville du monde

Vue sur la vallée de l’oued Nueima (Naaran) qui irrigue l’oasis de Jéricho

Vue sur la vallée de l’oued Nueima (Naaran) qui irrigue l’oasis de Jéricho
(photo © Rosario Pierri)


Hérode l’avait choisie pour y installer son palais d’hiver afin de goûter à la clémence de son climat. A-t-il jamais connu à Jéricho les températures négatives dont l’a gratifiée l’hiver 2013? En route vers la plus vieille ville du monde.

     Au-delà du mont des Oliviers, la route descend raide de Jérusalem à la vallée du Jourdain. En quelques minutes, le chaos de la ville disparaît pour laisser place à la sérénité du désert de Judée.

     Jéricho se situe à 30 km de Jérusalem et à 10 de la mer Morte. La ville se trouve dans la fosse jordanienne, 250 m en dessous du niveau de la mer. Les plaines de Jéricho ne reçoivent que peu de pluie l’hiver, mais l’eau pour les champs et pour les habitants est fournie par les deux sources d’Ayn as-Sultan (source d’Élisée) et Ayn Dyuq (Naaran), et également par d’autres cours d’eau qui descendent de la montagne.

     Le climat toujours chaud, la végétation luxuriante, la sympathie des gens sont les ingrédients qui donnent de la saveur à la visite de « la plus vieille ville du monde ». Le paysage désolé de l’Araba est dominé par l’âpre Mont de la Tentation, avec sur son flanc le monastère orthodoxe bâti sur la roche. La source d’Élisée fait référence à la figure du prophète de l’Ancien Testament, et un sycomore à la conversion de Zachée. Dans les fouilles de Tell as-Sultan résonnent les guerres de Josué et la lutte sans effusion de sang des archéologues. Dans l’imaginaire collectif, Jéricho est liée à une scène précise : les murs des Cananéens s’écroulant au son des trompettes des Lévites, faisant démonstration de la vérité de la Bible.

Panorama de l’oasis de Jéricho depuis la colline de Tell as-Sultan

Panorama de l’oasis de Jéricho depuis la colline de Tell as-Sultan

Les fouilles de Tell as-Sultan

     Le centre de notre attention est la petite colline de Tell as-Sultan, qui s’élève d’à peine 24 m au-dessus du terrain environnant. La zone de l’ancienne colonie s’étend sur 4 hectares. C’est la Jéricho la plus ancienne, qui fut habitée à partir du XIIe millénaire av. J.-C.

     La recherche archéologique a trouvé dans les fouilles de Tell as-Sultan un banc d’essai de valeur absolue. Au cours du XIXe siècle, des archéologues de différentes écoles s’y sont relayés, apportant chacun un grain de vérité, mais aucun n’a réussi à trouver les arguments définitivement solides. Qui a construit la tour au VIIe millénaire av. J.-C. ? Et qui a détruit Jéricho au milieu du IIe millénaire av. J.-C.? Questions à ce jour sans réponses suffisamment simples ou convaincantes.

     Les débuts des fouilles d’as-Sultan ne furent pas vraiment passionnants. En 1868, l’anglais Charles Warren avait creusé des tunnels atteignant presque la tour néolithique, et il en conclut : « Il n’y a rien à découvrir ici ! » Mais les fouilles des expéditions successives ont invalidé cette affirmation et ont mis à jour une civilisation inconnue.

     Les archéologues de Tell as-Sultan ont toujours cherché à trouver des réponses ou des confirmations du récit de Jos 6. Aujourd’hui, le récit biblique n’est plus considéré comme une chronique fidèle de la conquête de la ville. Mais plutôt une élaboration tardive, orientée de manière à expliquer comment la prise des terres cananéennes fut l’œuvre exclusive de l’intervention divine. Les trompettes, les Lévites et l’arche sont le symbole de l’intervention miraculeuse de Dieu, qui livra aux enfants d’Israël la première ville du pays de Canaan. Le personnage de Rahab, la prostituée de Jéricho qui ouvrit les portes de la ville à Josué, prophétisa bien à l’avance ce que le Seigneur s’apprêtait à faire : « Maintenant, je sais que le Seigneur a délivré le pays », Jos 2,9. Le sort des Cananéens était scellé, pendant que la famille de Rahab faisait son entrée dans le peuple des croyants.

Jéricho dans les fouilles

     Les premières fouilles datent de l’expédition allemande menée par E. Sellin et C. Watzinger, de 1907 à 1909. Dans cette première phase de recherches, les murs de la ville datant du Bronze Ancien et du Bronze Moyen ont été mis à jour. La chronologie des deux villes est sûre : la première entre 3000-2000 av. J.-C., la seconde de 1900 à 1500 av. J.-C.

     L’anglais John Garstang, alors directeur du nouveau Département des antiquités de Palestine, a poursuivi l’exploration de Tell as-Sultan dans les années 1930-1936. Sa contribution principale est d’avoir découvert les civilisations préhistoriques qui avaient occupé le site avant la fondation de la ville, mais ses découvertes ne furent pas d’emblée interprétées correctement. Cette tâche a été confiée à miss Kathleen M. Kenyon, la véritable spécialiste de l’archéologie biblique.

     Miss Kenyon a effectué les fouilles définitives de Tell as-Sultan dans les années 1952-1958 en introduisant la méthode de la tranchée, méthode capable de « lire » l’histoire du site sans le détruire. Elle mit également en lumière la succession des phases préhistoriques de Jéricho. À partir du XIIe millénaire av. J.-C. se succédèrent la civilisation kébarienne, la culture natoufienne et le Néolithique céramique (VIIe millénaire av. J.-C.), la plus intéressante étant la natoufienne qui vit apparaître les premières tentatives de culture de céréales et de légumineuses.

     Les instruments de travail étaient obtenus en taillant des pierres pour obtenir des microlithes bifaces, des pics, des rasoirs, des pointes de lance. Ces outils de pierre ont également été utilisés pour la chasse aux animaux sauvages attirés par l’eau de l’oasis : gazelles, bovins, chèvres et cochons sauvages. La nouveauté introduite dans la période néolithique fut l’utilisation de la céramique, apportant une amélioration notable pour la conservation des aliments et l’hygiène de l’homme.

La tour de pierre

La tour de pierre de la période néolithique

     La tour de pierre de Jéricho, qui offre toujours un beau spectacle dans la tranchée de l’ouest, a été construite dans la période néolithique céramique (VIIe millénaire av. J.-C.). Il s’agit d’une tour massive, d’un diamètre de 9 m à la base, appuyée contre un mur de 3 m de large et de 5 m de haut. Haute de 7,7 m, un escalier intérieur de 20 marches mène à son sommet. La fonction de cette tour n’a pas encore été clarifiée. Diverses explications offertes par les chercheurs, telles que la défense ou l’observation, ne purent être prises en considération, car la tour n’offre pas d’espaces intérieurs et se situe à l’intérieur du mur de défense. La fonction religieuse serait l’explication la plus intéressante : il s’agirait d’une tour au sommet de laquelle un prêtre allait rendre un culte aux dieux du ciel. Donc, il serait préférable de corriger le titre donné à la ville par Miss Kenyon : Jéricho n’est pas « la plus ancienne ville du monde », mais « la ville de la Lune ».

     Après une interruption qui perdura pendant tout le IVe millénaire av. J.-C., la colline fut réoccupée, témoins les premiers murs de la ville et leurs fortifications, au début du IIIe millénaire av. J.-C. Ce sont des murs de briques rouges visibles dans les tranchées ouvertes sur trois côtés du tell. La ville a été brutalement détruite vers 2200 av. J.-C., mais elle fut reconstruite avec des murs massifs, appelés cyclopéens, au début du IIe millénaire av. J.-C. K. M. Kenyon a également fouillé les tombes de cette ville du Bronze Moyen, situées à l’intérieur et à l’extérieur du site de la ville. La caractéristique des sépultures se trouve dans les masques en céramique appliqués sur les crânes des morts.
La tranchée au sud montre les murs cyclopéens du Bronze Moyen au niveau inférieur. Ce sont les murs qui, selon le récit de Jos 6, dans un genre littéraire particulier, sont tombés au son des trompettes des Lévites. Ces murs détruits vers 1550 av. J.-C. sont la preuve qu’Israël a reçu la ville des Cananéens comme un don de Dieu.

Le mur cyclopéen du Bronze Moyen

Le mur cyclopéen du Bronze Moyen qui a inspiré l’histoire de la conquête de Jéricho en Jos 6

     Selon la prophétie de Jos 6,26 et 1 R 16,34, la ville de la période israélite a été construite sur les ruines de la ville du Moyen Bronze : dans les jours d’Achab, roi d’Israël, un Ephraïmite de Bethel a reconstruit les murs de Jéricho sur les cadavres de son fils aîné, Abiram et de son cadet Segub, sacrifiés au dieu Moloch.

La rue pavée en face de l’entrée de la place d’origine sur le côté est de l’église

La rue pavée en face de l’entrée de la place d’origine sur le côté est de l’église

Archélaïs, Khirbet el- Beiyudat, el-Auja

     À quelques kilomètres au nord de Jéricho, sur le côté est de la route directe vers Beth Shean, les ruines simples mais significatives de Khirbet el-Beiyudat ont été identifiées avec la ville d’Archélaïs. Le nom grec Archélaïs, cité par Ptolémée le géographe et Flavius Josèphe l’historien, a été donné par Archélaos, fils d’Hérode le Grand, ethnarque de la Judée, est demeuré jusqu’à la fin du VIe siècle ap. J.-C, et a été conservé dans le village voisin d’al-Tahta Auja.

     Flavius Josèphe nous raconte l’histoire de cette petite oasis de la vallée du Jourdain, baignée par les eaux de la source de l’oued el-Auja, qui coule de la montagne d’Ephraïm. Elle appartenait au domaine royal, avant les Asmonéens et plus tard les Hérodiens. À l’époque byzantine, la ville devint chrétienne, et les restes trouvés dans les fouilles datent de cette période.

Vue d’ensemble de l’église de l’évêque Porphyre

Vue d’ensemble de l’église de l’évêque Porphyre. Au fond, la plaine de la vallée du Jourdain

     Le site a été fouillé dans des conditions d’urgence en 1986 lors de travaux d’élargissement de la route. La fouille a révélé un complexe ecclésiastique doté d’une belle église riche en inscriptions et en mosaïques. L’église mesure 15 x 23 m et l’entrée d’origine venait d’une route pavée sur le côté sud, laquelle s’ouvre sur une cour à colonnes et sur deux salles tapissées de mosaïques. Le narthex, large de 6,2 m, décoré de mosaïques de motifs simples, présente quatre colonnes.

     La nef est en trois parties séparées par deux rangées de six colonnes. La nef centrale est également ornée d’une mosaïque à motifs géométriques. On a relevé cinq inscriptions : l’une située à l’entrée de l’église, sur le côté sud cite les prêtres Luc et Afleos. Alors que dans le tabule en face du presbytère on peut lire : « Rappelez-vous de l’évêque Porphyre et du prêtre Eglone. »

     Sur le presbytère devant l’autel se trouve l’inscription du prêtre Abbosobos, longue de cinq lignes, qui date la mosaïque de l’époque de Justin II (565-570 ap. J.-C.). Le prêtre est nommé « amant de Dieu » ; l’œuvre a été complétée avec l’aide du prêtre Élisée, fils de Saora, lui-même fils de Salamane, puis des prêtres Étienne et Georges.

     Le reliquaire sous l’autel était décoré d’une croix, mais fut trouvé vide. Le dessin de la mosaïque du presbytère présente une croix monogrammée et deux amphores d’où sort la vigne avec des grappes de raisins, situées sur les côtés nord et sud. Sur le côté sud de l’église se trouvent également deux chambres de service comportant des mosaïques. Sur la mosaïque de la chambre la plus à l’est se trouve le motif de la croix à pattes larges qui deviendra la croix de Malte. Dans la chambre à l’ouest n’est plus visible qu’une simple mosaïque blanche, et l’inscription mentionnant divers personnages, parmi lesquels le prêtre Jean, et pour la deuxième fois le prêtre Abbosobos.

Installations agricoles sur le côté de la tour

Installations agricoles sur le côté de la tour. On aperçoit la meule à presser les olives.

     Le complexe de l’église est entouré de vestiges d’un ancien village d’agriculteurs qui utilisaient les eaux canalisées de la source vers la plaine. À l’époque moderne, les cultures de fruits tropicaux, en particulier bananes et dattes, ont été reprises dans ce désert de l’Arabah.

Source : La Terre Sainte 629 (2013) 6-11 (reproduit avec autorisation).

Pietro Kaswalder

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Ramleh et Lod, les perles de la plaine

 

 

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