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communiqué du 31 août 2007

 

 

À propos du Jésus de Nazareth de Joseph Ratzinger, Benoît XVI

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Après les Da Vinci Code de Dan Brown, Le Christ païen de Tom Harpur ou L’homme qui devint Dieu de Gerald Messadié, c’est au tour du Souverain pontife de l’Église catholique romaine de présenter son livre au sujet de la figure historique de Jésus de Nazareth. Bien que Joseph Ratzinger signe ce livre à titre personnel, sans y engager son autorité magistérielle, c’est bien de l’opinion d’un Pape qu’il s’agit dans ces 430 pages maintenant disponibles en français!

Forces

     L’ouvrage est accessible, agréable à la lecture, pas encombré de notes innombrables ou de renvois constants à la tradition millénaire de l’Église. Fruit d’une réflexion critique, le livre se présente néanmoins comme une méditation sur la personne de Jésus de Nazareth, méditation nourrie avant tout par la fréquentation de la Bible. Le ton adopté est humble, serein et positif, malgré l’insertion du livre dans une polémique contre l’exégèse moderne et les théories historico-critiques. L’oeuvre ne recherche pas l’exhaustivité, ce qui serait indigeste pour le grand public, mais simplement la représentativité, traitant de quelques aspects essentiels de la vie de Jésus à partir de quelques textes clefs de la Bible. Dans ce premier tome, Benoît XVI aborde le baptême de Jésus, les tentations au désert, le sermon sur la montagne, la prière, les disciples et les paraboles de Jésus. L’auteur consacre un chapitre à la présentation globale de l’Évangile du Royaume de Dieu et un autre aux grandes images de l’Évangile de Jean. Le premier tome se termine sur la confession de Pierre et la transfiguration, réservant ses dernières pages aux affirmations de Jésus sur lui-même.

     D’une érudition franchement admirable, Joseph Ratzinger navigue aisément, tout en douceur, de l’Ancien Testament aux Évangiles, d’Origène et Augustin à Thérèse de Lisieux et Édith Stein, sans dérouter le lecteur ni l’écraser de sa science. Le Pape théologien se montre ainsi un bon prédicateur de la foi chrétienne et un bon vulgarisateur de la recherche biblique universitaire.

     Lorsque Joseph Ratzinger critique des positions exégétiques qu’il trouve soit irrecevables, soit discutables, il le fait en ayant lu et compris les auteurs et leurs ouvrages. Benoît XVI est au fait de la recherche biblique contemporaine, même s’il la juge sévèrement. Par ailleurs, il tire profit des trouvailles qu’il considère conformes à la foi de l’Église catholique romaine.
La plus grande richesse de l’oeuvre, c’est sans doute la relecture du mystère du Christ à travers les Écritures Saintes et les écrits des Pères de l’Église. Une fine compréhension des enjeux sociaux contemporains, particulièrement en Occident, permet au Pape d’actualiser le message évangélique pour les lecteurs que nous sommes. En particulier, son traitement des paraboles du Bon Samaritain et du Fils Prodigue m’a paru très inspiré, voire sublime…

     Le public trouvera donc en Benoît XVI un guide spirituel fort bien renseigné et dans son Jésus de Nazareth une riche présentation du Christ, toute imbibée des Écritures. Je ne puis qu’en recommander la lecture.

Impasses

     Le livre dont je viens de vanter les mérites représente néanmoins, sous certains aspects, l’illustration la plus vive des impasses auxquelles se butte le dialogue entre les spécialistes universitaires de la Bible et le Magistère de l’Église catholique romaine.
Les diverses théories au sujet du Jésus historique, critiquées par Joseph Ratzinger, reposent sur deux constats à peu près unanimes de la part de chercheurs sérieux :

     Les Évangiles ne sont pas des biographies au sens moderne du terme, rédigées par des témoins oculaires de la toute première heure, cherchant à fixer en mémoire les mots et gestes de Jésus ; ce sont des catéchèses élaborées sur le Christ, produites dans les communautés chrétiennes du Ier siècle, pour traduire leur foi d’après Pâques. En d’autres mots : les Évangiles ne nous présentent pas un portrait historique « neutre » de Jésus de Nazareth ; s’ils nous offrent certaines données historiques fiables, celles-ci sont intégrées dans un programme théologique plus vaste qui commande le choix des détails retenus, modifiés, accentués ou minimisés. Le corollaire de ce constat est que nous ne pouvons prendre aucun Évangile au pied de la lettre dans ce qu’il rapporte au sujet de l’enseignement ou des événements de la vie de Jésus. Pour se faire une idée du Jésus historique, il faut en quelque sorte « déshabiller » le Christ de chaque Évangile. En confrontant les Évangiles les uns aux autres, les exégètes parviennent à proposer chacun sa « reconstitution » des événements et des paroles ayant de bonnes chances de remonter à Jésus lui-même. Laissant de côté leurs divergences, les spécialistes invitent donc à distinguer le « Jésus de l’histoire » du « Christ de la foi ».

     Le deuxième constat largement partagé par la communauté scientifique est que la foi chrétienne s’est développée dans le temps. Les savants discutent toujours des stades par lesquels elle est passée, depuis les traditions les plus anciennes contenues dans le Nouveau Testament jusqu’aux formulations dogmatiques des Conciles de Nicée, Constantinople, Éphèse et Chalcédoine. En dépit des querelles d’école, rarissimes seraient ceux qui commettraient l’anachronisme de « lire » dans le Nouveau Testament les dogmes de la divinité de Jésus, de sa double nature ou de la Trinité. Les couches les plus anciennes du Nouveau Testament voient en Jésus l’homme choisi par Dieu, mais pas Dieu fait homme parmi nous. Notamment, la foi en la résurrection de Jésus aurait permis d’approfondir son identité, bien au-delà de ce qu’on en disait de son vivant. Bref, les spécialistes invitent à voir la foi chrétienne comme un processus de croissance continu et non comme un discours achevé, toujours le même depuis les déclarations initiales de Jésus de Nazareth.

     Dans son livre sur Jésus, Benoît XVI critique non seulement telle ou telle théorie en particulier, mais il s’inscrit en faux contre ces deux consensus modernes. Joseph Ratzinger dit que le seul Jésus historique est celui des Évangiles (p.133), puis il affirme que ce Jésus historique est mort sur la croix pour avoir prétendu être Dieu (p. 359). De toute évidence, le Pape refuse la distinction académique entre le « Jésus de l’histoire » et le « Christ de la foi ». Le seul Jésus historique à ses yeux, c’est un Juif du Ier siècle qui se sait divin et qui se proclame Dieu. Les dogmes conciliaires n’auraient fait qu’exprimer ouvertement, à haute voix et sans ambages, ce que le Jésus des Évangiles, voire le Jésus historique, déclarait tout bas et mystérieusement depuis les origines. Pas d’évolution significative pour la foi chrétienne.

     En dépit de l’érudition papale, nous sommes devant des impasses majeures. La communauté scientifique génère, naturellement, une diversité de théories. C’est le propre de la science de toujours remettre en question notre compréhension, à la lumière de nouveaux faits ou par une réévaluation des faits déjà connus. C’est aussi le propre de la connaissance humaine de grandir par le dialogue et la confrontation de points de vue. Joseph Ratzinger déplore cette profusion de théories qui occulterait, selon lui, le vrai visage du Christ contenu dans les Évangiles.

Rodolfo Felices Luna

 

Communiqué précédent :
Le Furet biblique, édition imprimée

 

 

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