(photo © Kfir Arbib / Autorité des antiquités israéliennes)

La cruauté d’un roi hasmonéen

Sylvain CampeauSylvain Campeau | 10 décembre 2018

Des archéologues ont découvert des traces d’une exécution de masse, survenue à Jérusalem, sous le règne du roi hasmonéen Alexandre Jannée. Une découverte macabre qui illustre la cruauté du personnage et qui soutient le récit de l’historien juif Flavius Josèphe.

Les fouilles ont été réalisées à Jérusalem par l’Autorité des antiquités israéliennes (AAI) dans une cour adjacente à la mairie. Les restes humains ont été trouvés dans une ancienne citerne utilisée aux Ier et IIe siècles avant notre ère selon les fragments de poteries trouvés dans la fosse. « Nous avons sorti de la citerne plus de 20 vertèbres cervicales coupées à l’épée », a déclaré Yossi Nagar, anthropologue de l’AAI. Les restes permettent d’évaluer qu’environ 125 personnes - des hommes, des femmes et des enfants – ont été massacrées et jetées dans cette fosse commune.

Les corps découverts (entiers ou démembrés) étaient probablement ceux de familles entières qui, après avoir été jetés au fond de la citerne, ont été recouverts de cendres, de pierres et de roches. Les fouilles ont aussi révélé des os d’embryons ce qui indique que les femmes enceintes n’ont pas été épargnées.
Selon Kfir Arbib, directeur des fouilles, la datation de la citerne et les sources anciennes dont on dispose, permettent d’attribuer cette violence à la tyrannie du roi Alexandre Jannée qui fut au pouvoir de l’an 103 à 76 avant notre ère.

Homme de guerre, ce roi est responsable d’une série de conquêtes dans l’intention d’élargir le royaume hasmonéen à des fins politiques et économiques. Il règne pendant 27 ans et ses successeurs héritent d’un royaume puissant qui s’étend sur la plus grande superficie de toute son histoire. En plus du titre royal, il s’attribue celui de Grand prêtre, comme on peut le lire sur certaines monnaies frappées sous son règne. Mais ce roi ne faisait pas l’unanimité et il comptait plusieurs adversaires au cœur même du royaume, les plus connus étant les Pharisiens.

Une émeute à Jérusalem

Alexandre, roi des Juifs, vit troubler son règne par la haine que le peuple avait pour lui. Car lorsqu’au jour de la fête des Tabernacles, où l’on porte des rameaux de palmiers et de citronniers, il se préparait à offrir des sacrifices, on ne se contenta pas de lui jeter des citrons à la tête, mais on l’outragea de paroles, en disant qu’ayant été captif il ne méritait pas qu’on lui rendit des honneurs et était indigne d’offrir des sacrifices à Dieu. Il s’en mit en telle fureur qu’il en fit tuer six mille, et repoussa ensuite l’effort de cette multitude irritée par une clôture de bois qu’il fit faire autour du Temple et de l’autel, et qui allait jusqu’au lieu où les seuls sacrificateurs ont droit d’entrer. (AJ XIII, 21)

Dans ses Antiquités juives [1], Flavius Josèphe raconte qu’une émeute éclate à Jérusalem lors de la fête des Tabernacles. D’après le contexte littéraire du passage, les historiens situent la scène en 96 avant notre ère. Selon l’historien antique, 6000 opposants du roi auraient été exécutés ce jour-là et ce soulèvement serait à l’origine d’une guerre civile qui opposa les Sadducéens (soutenus par le roi) et les Pharisiens (qui ne reconnaissaient pas sa grande-prêtrise). Pendant ce conflit qui dura six ans périrent 50 000 Juifs selon Josèphe. Le bilan des exécutions a probablement été gonflé par l’historien mais une chose semble certaine : le roi n’hésitait pas à recourir à la violence pour éliminer ses opposants.

Un banquet macabre

Tout de suite après cette guerre, en 88 avant notre ère, Josèphe parle d’une tentative de négociation du roi avec les Pharisiens. Inflexibles, ceux-ci s’allient au roi séleucide Démétrios III pour combattre Alexandre Jannée. Alors que leur entreprise est sur le point de réussir, Alexandre s’enfuit dans les montagnes mais il est rejoint par 6000 partisans juifs. Démétrios retire alors ses troupes des combats.

[Alexandre] contraignit les principaux de se retirer dans Béthon, prit la ville de force et les envoya prisonniers à Jérusalem où, pour se venger des outrages qu’il en avait reçus, il exerça contre eux la plus horrible de toutes les cruautés. Car en même temps qu’il faisait un festin à ses concubines dans un lieu fort élevé et d’où l’on pouvait découvrir de loin, il en fit crucifier huit cents devant ses yeux et égorger en leur présence, durant qu’ils vivaient encore, leurs femmes et leurs enfants. (AJ XIII, 22)

Même si l’historien juif écrit en 90 de notre ère, le souvenir de la cruauté de ce roi était encore bien vivant plus d’un siècle plus tard. La découverte archéologique de la fosse est probablement un indice matériel qui illustre bien le genre de personnage décrit par Flavius Josèphe. [2]

Diplômé en études bibliques (Université de Montréal, 1996), Sylvain Campeau est responsable de la rédaction.

[1] Les textes sont cités selon la traduction d’Arnaud D’Andilly et J.A.C. Buchon : Flavius Josèphe, Histoire ancienne des Juifs & la guerre des Juifs contre les Romains. Lidis, 1968.
[2] Un commentaire du Livre de Nahum retrouvé à Qumrân (voir 4QpNah II,4-7) évoquerait aussi l’événement selon certains chercheurs.

Le furet biblique

Le furet biblique

Initiée en 2001 par Gérard Blais, du Centre biblique Ha’rel (Saint-Augustin), cette rubrique s’inspire souvent de l’actualité pour poser un regard sur le judaïsme, le christianisme ou l’univers culturel de la Bible.

monnaie

Monnaie d’Alexandre Jannée

Bronze (prutah)
Avers : inscription en paléo-hébreu, « Jonathan le grand prêtre et la communauté [Sénat?] des Juifs »
Revers : double corne d’abondance et pomme grenade, bordées de points.
(Hendin 1144)