(photos © Hippos/Sussita Excavation Project)

Une nouvelle mosaïque illustrant la multiplication des pains

Sylvain CampeauSylvain Campeau | 28 octobre 2019

Une mosaïque recouvrant le sol d’une église au nord d’Israël a été découverte l’été dernier par une équipe d’archéologues. En la nettoyant, on a rapidement fait un lien entre les motifs illustrés et une scène des évangiles : la multiplication des cinq pains et des deux poissons, un miracle rapporté dans les quatre évangiles.

Cette église est située à Antiocha-Hippos (Sussita), une ancienne ville de la Décapole [1], sur la rive orientale du lac de Tibériade. Cette église byzantine a été construite entre la seconde moitié du 5e siècle et le début du 6e siècle et ravagée par un violent incendie au début du 7e siècle. C’est l’épaisse couche de cendre qui a protégé la mosaïque pendant des siècles alors que le site était tombé dans l’oubli.

D’une dimension de 10 x 15 mètres, la mosaïque est composée de plusieurs éléments : motifs géométriques, oiseaux, paon, poissons, citrons, grenades et corbeilles de pains. Contrairement à la mosaïque de Tabgha, nous avons ici non pas deux poissons mais deux séries de trois poissons et douze corbeilles où figurent cinq pains. Les cinq pains correspondent au nombre de pains avant le miracle et les douze corbeilles évoquent les restes ramassés à la fin du repas. Une telle iconographie et l’emplacement de l’église surplombant le lac a conduit l’équipe des fouilles à établir un lien avec la scène évangélique. « Il peut certes y avoir différentes explications aux descriptions des pains et des poissons dans la mosaïque, mais vous ne pouvez pas ignorer la similitude avec la description du Nouveau Testament », explique l’archéologue Michael Eisenberg de l’Institut d’archéologie de l’Université de Haïfa qui a participé aux fouilles.

corbeille de pains

Hippos ou Tabgha?

Traditionnellement, le miracle de la multiplication des pains est situé à Tabgha, près de Capharnaüm, sur l’autre rive du lac. Un sanctuaire s’y dresse depuis 1982 et accueille les pèlerins. L’église dite de la Multiplication a été construite sur deux anciennes églises byzantines. Une mosaïque de la basilique du 5e siècle peut y être observée et représente le même miracle : on y voit une corbeille entourée de deux poissons (voir l’encadré).

Puisque l’emplacement de la multiplication des pains n’est pas clairement précisé dans les évangiles, il serait imprudent de trancher en faveur de l’un ou l’autre site. Le professeur Eisenberg fait remarquer toutefois qu’une indication du quatrième évangile (Jean 6,17) semble plaider en faveur d’Antiocha-Hippos : après le miracle, Jésus est resté prier dans la montagne alors que les disciples sont retournés de l’autre côté de la mer de Galilée. Si la tradition de cet évangile conserve un souvenir historique, Hippos serait donc un meilleur choix. Mais puisque c’est au 5e siècle seulement que les pèlerins chrétiens ont tenté de rattacher le miracle a un lieu précis, il sera difficile de clore ce débat. L’important est la signification théologique du miracle qui est présenté comme une évocation de l’eucharistie où le Christ s’offre lui-même comme nourriture. Cette tradition est tellement importante qu’il n’est pas étonnant que deux églises à proximité du lac de Tibériade en rappellent le souvenir.

Diplômé en études bibliques (Université de Montréal), Sylvain Campeau est responsable de la rédaction.

[1] La Décapole est un ensemble de dix villes hellénistiques habitées par une population mêlée. Dans les évangiles, on peut voir le passage de Jésus dans cette région comme le prélude de la propagation de son message à toutes les nations (Mt 4,25; Mc 5,20; 7,31).

Le furet biblique

Le furet biblique

Initiée en 2001 par Gérard Blais, du Centre biblique Ha’rel (Saint-Augustin), cette rubrique s’inspire souvent de l’actualité pour poser un regard sur le judaïsme, le christianisme ou l’univers culturel de la Bible.

mosaïque de Tabgha

La mosaïque de Tabgha

Le sol de la basilique du 5e siècle découverte à Tabgha est recouvert de mosaïques figuratives considérées comme les plus anciennes de l’art chrétien trouvées en Palestine. On peut y observer des oiseaux aquatiques au milieu d’une flore riveraine. Les autres motifs décrivent quant à eux la flore et la faune de Galilée. La mosaïque devant l’autel est célèbre : elle illustre les deux poissons et le panier de quatre pains (le cinquième étant celui qui est consacré à l’autel pendant la liturgie de l’Eucharistie) tels que le rapportent les descriptions des évangiles. Les mosaïques de l’ancienne basilique datent du milieu du 4e siècle; celle des pains et des deux poissons – la plus célèbre – date du début du 5e siècle.

(photo : Zvonimir Atletic / 123RF)