Une
passion pour le monde
La passion selon saint Matthieu (Mt 26,14-27,66)
Autres lectures : Mt 21,1-11;
És 50,4-7; Ps 20 (21); Ph 2,6-11
Plus qu'un simple compte-rendu de faits du passé,
les récits de la Passion transmettent une catéchèse
sur le sens de la vie, de la mort et de la résurrection du
Christ. Mais au-delà de ces enseignements théologiques,
il s'en dégage un saisissant portrait des drames qui marquent
l'existence humaine. Cet épisode des évangiles qui
se déroule en quelques heures et dans un cadre spatial restreint,
se répand dans l'espace et le temps. Il projette une lumière
sur de multiples expériences de la vie. Évoquons-en
quelques-unes.
L'appât
du gain
Pour les évangélistes
Luc et Jean, l'emprise de Satan sur Juda conduit celui-ci à
trahir Jésus (Lc 22,3-6; Jn 13,27). Pour Matthieu et Marc,
seuls des motifs bassement matériels semblent animer le traître.
Il livre son Maître pour la « modique somme » de
« trente pièces d'argent », comme le précise
Matthieu. Pris au piège de l'argent, Juda y entraîne
Jésus. De nos jours, le même piège prend différents
visages qui nous sont bien familiers: exploitation des plus faibles,
épuisement des ressources naturelles, mised à pied
aveugles, détournements de fonds... Autres temps... même
moeurs?
L'abandon
Une fois arrêté,
Jésus se voit abandonné par ses disciples qui pourtant
lui juraient fidélité un peu plus tôt (26, 35.56).
Bien plus, Pierre va même jusqu'à nier le connaître
(26, 69-75). Combien de personnes se retrouvent soudainement isolées
quand survient le malheur? Les beaux engagements, les gestes de
dévouement, les déclarations de fidélité
s'envolent comme par enchantement! Perte d'emploi, aide sociale,
incarcération, dépression, maladie (certaines plus
que d'autres d'ailleurs!), autant d'épreuves qui se doublent
souvent d'une rupture dans les relations. Au moment où nous
aurions le plus besoin de soutien, nous voilà laissés
pour compte! La situation inverse se présente aussi, bien
sûr. Comme il est tentant d'éviter la personne qui
risque de devenir casse-pieds avec ses « bobos »!
La violence
Tout le récit
de la Passion se déroule avec la violence comme toile de
fond. Elle se présente d'abord au moment de l'arrestation
de Jésus. Un de ses disciples tire l'épée et
tranche l'oreille du serviteur du grand prêtre (26, 51). Réflexe
de survie, légitime défense. Ne faut-il pas protéger
le Maître innocent? S'il ne fait rien, le disciple ne sera-t-il
pas accusé de l'abandonner? Ce coup d'épée
offre plutôt l'occasion à Jésus de s'expliquer
sur l'attitude qu'il adoptera jusqu'à sa mort (26,52). Il
évite de recourir aux moyens de défense habituels
car il met sa confiance ailleurs. Il se soumettra donc à
la tortue, sans répliquer (27,26.29-30.35). Briser le cercle
de la violence en évitant de contre-attaquer, n'est-ce pas
une des lignes de force de l'Évangile? Après vingt
siècles de christianisme, nous n'avons manifestement pas
encore appris la leçon! Mais qu'en serait-il sans le Christ?
L'angoisse
Marchant résolument
vers sa mort, Jésus n'échappe pas à l'angoisse.
Quelle intensité que cette scène au Jardin des Oliviers
(26, 42)! Aussi pesante que ces moments où une épreuve
nous assaille, où une inquiétude nous tenaille rendant
notre âme triste à en mourir (26,38). Un poids
que nous portons et qui fait surgir cette question de Gerry Boulet:
« Qui me guérira? » Ou encore ce cri de détresse
du crucifié, inspiré du Psaume 21 (22) : « Mon
Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné? »
Jean Grou
Source: Le Feuillet biblique,
no 1747. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins
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