Effata.
Ouvre-toi!
Guérison
d'un sourd-muet (Marc 7, 31-37)
Autres lectures : Isaïe
35, 4-7a; Ps 145(146); Jacques
2, 1-5
Ce court récit de miracle présente plusieurs traits
curieux : l'étrange itinéraire attribué à
Jésus (v.
31), la mise en scène de la guérison (vv.
32-35), l'apparition soudaine d'une foule qui réagit
à l'événement (vv.
36-37).
Jésus en territoire de la Décapole
Les commentateurs se sont demandés
pourquoi Jésus, voulant aller de Tyr au lac de Galilée,
faisait un long détour par Sidon, située plus au Nord.
Aucune solution satisfaisante n'a jamais été trouvée
à ce problème. L'important n'est pas de reconstituer
en détail la route suivie par Jésus - opération
à jamais impossible - mais de noter que la scène à
laquelle on va assister se passe en territoire de la Décapole,
donc chez les païens. Dans la perspective de l'évangéliste,
l'infirme dont il va être question et les gens qui le présentent
à Jésus ne sont pas des membres du peuple juif. Comment
ont-ils entendu parler de Jésus? Nul ne sait. Mais le récit
de miracle qui va suivre va acquérir une portée symbolique:
les païens eux-mêmes peuvent être bénéficiaires
de la bonté de Dieu.
Le récit de guérison
Le récit de miracle (vv.
32-35) se déroule selon le modèle classique :
présentation du cas (v.
32), intervention de Jésus (vv.
33-34), résultat (v.
35). On ne dit pas pourquoi le sourd-muet a besoin de quelqu'un
pour le conduire à Jésus ni qui sont ces personnes
qui se chargent de le faire. Marc suppose qu'il est normal d'être
conduit à Jésus par quelqu'un d'autre; le rôle
des intermédiaires est toujours important dans la rencontre
avec Jésus, même si ces intermédiaires restent
dans l'ombre.
Ce récit est étroitement
apparenté à une autre histoire de guérison,
celle de l'aveugle de Bethsaïde (Mc
8, 22-26), autre épisode propre à Marc. Ces deux
textes en quelque sorte jumeaux montrent Jésus accomplissant
la prophétie d'Isaïe (Is
35, 5-6). Ne pas oublier que Marc a déjà raconté,
en 2,
1-12, une guérison de paralytique : ainsi se trouve complétée
la série des prodigues annoncés par le prophète.
En redonnant aux infirmes l'usage de leurs sens et de leurs membres,
Jésus montre clairement qu'il est venu pour faire échec
aux forces du mal, conséquences du péché, et
pour établir le Royaume de Dieu.
Du fait que le bénéficiaire
de cette guérison est vraisemblablement un païen, ce
récit devient comme une anticipation de la mission universelle
qui ne débutera qu'après la résurrection de
Jésus. Après la fille de la syro-phénicienne
(Mc
7, 24-30), cet habitant de la région de la Décapole
(en gros, le nord de la Jordanie actuelle) est le deuxième
non-juif à bénéficier d'un miracle de Jésus.
On peut risquer une interprétation symbolique de l'événement
: sa guérison le rend capable d'entendre la Parole de Dieu
et de la proclamer à son tour.
La consigne du silence
Le lecteur est en droit de se demander
à qui s'adresse la consigne de silence du v.
36 puisque Jésus s'est éloigné de la foule
avec le malade, du v.
33. Il s'agit d'une composante habituelle des récits
de miracle dans l'évangile de Marc. Jésus ne
veut pas être reconnu simplement comme un guérisseur
plus habile que les autres, il voudrait que les témoins de
ses miracles en profitent pour approfondir le sens de sa mission
et qu'ils découvrent sa véritable identité.
C'est pourquoi il insiste tellement sur la discrétion à
observer après chacune de ses interventions miraculeuses,
consigne qui est régulièrement violée (v.
36).
L'acclamation de la foule: tout
ce qu'il fait est admirable (v. 37) fait référence
à Gn 1, 31 : Dieu vit tout ce qu'il avait fait et voilà
(que cela était) très bon. Par son intervention,
Jésus participe à l'uvre créatrice de
son Père; en restaurant les capacités physiques d'une
personne malade, il lui permet de vivre pleinement sa dignité
d'enfant de Dieu.
Jérôme Longtin, ptre, bibliste
Diocèse de Saint-Jean-Longueuil
Source: Le Feuillet biblique,
no 1935. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins
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