Le récit de l'Ascension selon Matthieu n'en est pas un, à strictement parler. Nulle part n'y est-il dit que Jésus s'élève vers le ciel, comme c'est le cas du récit du livre des Actes, première lecture de ce dimanche. Le texte dit plutôt que Jésus «s'avance» ou «s'approche» de ses disciples (v. 18). À la rigueur, d'après la logique du récit de Matthieu, l'Ascension du Seigneur a déjà eu lieu.

     L'apparition du Ressuscité sur la montagne témoigne qu'il vient d'auprès du Père avec les pleins pouvoirs reçus sur l'ensemble de la création. Jésus est donc déjà été ressuscité et il a déjà été élevé à la droite du Père. C'est là qu'il a reçu tout pouvoir... au ciel et sur la terre (v. 18). Si le Christ glorieux se présente à ses disciples sur le haut de la montagne selon Matthieu, c'est pour leur manifester son nouvel état et pour les envoyer en mission, en vertu de sa nouvelle autorité absolue, récemment acquise.

     Cette autorité du Ressuscité sur l'ensemble du monde créé se traduit par l'universalité de la mission : désormais, il ne s'agit plus d'aller seulement vers les brebis perdues de la maison d'Israël (10, 5-6; 15, 24), mais vers toutes les nations (28, 19). Jésus de Nazareth est dorénavant le Seigneur, le roi et le souverain juge de toute l'humanité, réalisant du coup l'espérance du prophète Daniel de voir un jour un «Fils de l'Homme» céleste à la tête des puissances du monde (Daniel 7, 13-14). Or, le nouvel état «céleste» de Jésus ne lui permet pas d'agir en «terrestre»; le Seigneur a donc besoin d'émissaires qui exécutent sa volonté sur terre.

     Lorsque Jésus assure ses disciples que tout pouvoir lui a été donné au ciel et sur la terre, il ne veut pas dire que le tour est joué et qu'il peut tout faire tout seul. Cela veut plutôt dire que Dieu lui a confié son autorité sur le monde. Jésus a maintenant le droit d'envoyer ses disciples en mission auprès de tous les peuples de la terre au nom de Dieu. La mission est redoutable pour onze personnes. D'ailleurs, certains ont des doutes (v. 17) même en voyant le Seigneur glorieux! Toutefois, le nouvel état du Christ lui permet d'être présent à eux en tout temps, les inspirant, les fortifiant et leur rappelant ses enseignements. Pour toujours, il est devenu l'Emmanuel (Dieu-avec-nous) promis au début de l'évangile (1, 23).

Rodolfo Felices Luna, bibliste
Iles-de-la-Madeleine

Source: Le Feuillet biblique, no 2013. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre biblique de Montréal.

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