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Dimanche du Christ-Roi de l'Univers A - 20 novembre 2005
 

Un Roi qui voit la différence

Le jugement dernier (Matthieu 25, 31-46)
Autres lectures : Ézéchiel 34, 11-12.15-17; Ps 22(23); 1 Corinthiens 15, 20-26.28


Parmi mes plus tristes souvenirs, je range ces situations limites où je n'ai pas reçu de mon entourage le soutien qui aurait fait la différence entre le désespoir et une difficulté passagère.

     Comme moi, vous pouvez sans doute vous remémorer des instants sombres dont vous vous dites: « J'étais dépassé par telle situation ou par telle injustice. Un tel, une telle en a profité pour piétiner ma réputation, ridiculiser mon idéal, cacher mes réalisations. J'avais le cœur gros, et cette personne indigne l'a écrasé du talon de son mépris. Je me sentais moins que rien, et on m'a anéanti. En me privant de toute dignité, on a voulu prendre ma place, profiter de moi. Et je devrais bénir pour le mal que l’on a additionné au malheur? »

     À côté de ces situations horribles, vécues dans le cadre d'un travail ou d'une relation amoureuse, la joyeuse complicité des bienfaiteurs décrits dans l'évangile (ces gens qui savent faire le bien quand ça va mal) a quelque chose de... céleste! Jésus propose plus que des actes de consolation. Il transforme les gestes de compassion en moments de rencontre entre l'humanité et la divinité. Ainsi, des gestes altruistes minuscules et passagers s'avèrent des carrefours d'éternité!

Au fil de l'évangile
     Le célèbre chapitre 25 de l'Évangile selon Matthieu propose d'abord un langage vigoureux sur Jésus le Christ. Ce langage qui n'a rien à voir avec les portraits mielleux et pastéliques qu'on nous a trop souvent servis. Ainsi, par son titre cosmique de « Fils de l'homme », Jésus est considéré comme un être qui est plus grand que notre monde. Il vient en gloire, ce qui indique selon le vocabulaire de jadis que c'est un être de très grande réputation. Accompagné de tous les anges, Jésus mérite d'être traité en égal de Dieu : il a à son service les messagers même de Dieu. Enfin, cet être supérieur surpasse toutes les entités politiques, ce qui est démontré par le fait que toutes les nations sont rassemblées devant lui.

     Une fois ce portrait élogieux bien tracé, le texte de l'évangile amène ses lecteurs sur un tout autre terrain. Nous passons de la grandeur royale à la petitesse du quotidien. Jésus pose un geste analogue à celui du berger qui doit trier les bêtes du troupeau. Vient-on de diluer la force du début de l'évangile en abaissant ainsi le niveau de langage? Non pas. Ce geste analogue à ceux des bergers est un acte de jugement, de séparation, de délimitation qui appartient en propre au pouvoir judiciaire du roi. Jésus sépare et répartit en groupes distincts les membres de l'humanité parce qu’il a reçu de Dieu ce mandat.

     Suit un catalogue de situations au premier regard bien banales. Il est question de boire, de manger, de se vêtir… Cette liste de situations où s'exerce la compassion est devenue célèbre. Facile à retenir, elle cartographie le difficile quotidien des gens du Proche-Orient ancien avec une redoutable efficacité. Les besoins primaires, fort difficiles à satisfaire à l'époque, recoupent le manger et le boire, la vie relationnelle (appartenir au groupe est impossible si on est étranger ou en prison), la protection du corps (vêtement et santé peuvent être impossibles en cas de nudité et de maladie).

     La grande révélation faite par le juge, c'est d’établir la coïncidence entre la personne souffrante et la royale présence. Offrir un geste d'entraide à un « petit », une personne en apparence peu importante, c'est honorer le Roi des rois. S'abstenir d'aider quiconque est en détresse, c'est attaquer le Roi. Des gestes à la portée de toute personne de bonne volonté deviennent ainsi passeport d'éternité!

Un jugement pour aujourd'hui
     Ainsi, par ses images et par sa structure, l'évangile rappelle à ses lecteurs qu'on ne peut longtemps vivre entre deux eaux. Si on prend Jésus au sérieux, si on décide de vivre en relation avec l'envoyé de Dieu, les gestes du quotidien doivent traduire une adhésion réelle.

     Certes, la vie d'aujourd'hui est infiniment plus riche et plus complexe que celle des premières générations chrétiennes. Au temps de Jésus, les gens passaient la plus grande partie de leur vie dans le cercle étroit du clan familial. En dehors de ce cercle de relations, les gens se sentaient impuissants. On comprend le drame vécu par des étrangers ou des prisonniers... Les journées des contemporains de Jésus étaient consacrées le plus souvent à des activités de survie élémentaire rendues difficiles par un environnement semi-désertique: se nourrir, boire, se vêtir... On comprend l'insistance de Jésus sur les gestes de partage. N'allons pas croire que nous soyons désormais au-dessus de ces préoccupations élémentaires. L’évangile ne méprise pas les possibilités extraordinaires du temps présent. Il nous défie de garder les yeux rivés sur les nécessités élémentaires que plusieurs contemporains peinent à satisfaire. Il y a encore des faims et des soifs à satisfaire, des barrières sociales à déboulonner et des prisons à ouvrir, des maladies à vaincre...

     Prenons le temps, en ce dimanche, de nous demander ce que nous aurions à offrir au Juge souverain pour témoigner de notre attachement à Jésus.

     Qu'en est-il de notre soutien à ceux et celles qui ont faim du nécessaire pour fonctionner dans le monde actuel? Pensons aux personnes qui ont soif de formation, aux gens qui restent étrangères aux possibilités de communication du cyberespace, aux gens emprisonnés dans leurs limites et qui ne seront jamais convoqués dans une équipe de travail... Souvenons-nous aussi des jeunes qui ne peuvent affronter les tâches de développement de leur personne parce que leur corps n'est pas tout à fait conforme aux critères des magazines de beauté... Mesurons l'ampleur des maladies qui sont générées par la nourriture trop transformée ou par l'environnement intoxiqué... Que de champs d'intervention possible pour améliorer le monde! Décidément, cet évangile du grand jugement est une source d'inspiration intarissable, d'une époque à l'autre!

Un engagement dans l'alliance
     Les défis lancés par Jésus appellent aussi une lucidité décapante quant aux conséquences spirituelles de nos actions. Dans les modestes recoins des décisions quotidiennes se joue l'avenir de notre relation avec Dieu. Des décisions si menues qui peuvent avoir d'aussi énormes conséquences: quelle révélation!

     Alors, revisitons les terrains où le Roi observe la compassion des gens de l'antique époque. Demandons-nous qui souffre de la faim ou de la soif, qui se sent étranger ou nu, qui est malade ou en prison. Voilà une belle porte ouverte sur une nouvelle vision de la pratique chrétienne. Au-delà de la célébration, de la méditation, de l'éducation à la foi, il y a l'inépuisable palette des tâches suggérées par l'air du temps pour combler les besoins humains les plus élémentaires, les plus récurrents...

Alain Faucher, ptre, bibliste
Québec

 

Source: Le Feuillet biblique, no 2032. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre biblique de Montréal.

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