En route
vers Jérusalem
Guérison de l'aveugle Bartimée
Marc
10, 46b-52
Autres lectures : Jérémie
31, 7-9; Psaume
125(126); Hébreux
5, 1-6
La guérison de l'aveugle Bartimée est le dernier
miracle de Jésus dans lÉvangile de Marc.
Tout de suite après, lévangéliste place
lépisode de lentrée à Jérusalem
(Mc
11, 1-11) où Jésus naccomplit aucun miracle
sinon celui du don de sa vie dans leucharistie puis dans sa
mort et sa résurrection. Dans cet évangile la montée
à Jérusalem est très courte; elle commence
en Mc
10,32 et, en Mc
11,1 le groupe est déjà arrivé à
Béthanie, en vue de la Ville Sainte. Elle ne comporte, en
somme, que deux épisodes. Dabord une annonce de la
Passion (Mc
10, 32-34), suivie de la demande des fils de Zébédée
(Mc
10, 35-40) et du commentaire de Jésus sur la vraie manière
de le suivre en se mettant au service de tous (Mc
10, 41-45). Tout de suite après vient larrivée
à Jéricho (Mc
10, 46), ville dont on sort aussitôt (Mc 10, 46) pour
rencontrer Bartimée, le mendiant aveugle.
On pourrait croire que cette séquence
na pas dautre unité que géographique,
mais, tenant compte de la manière de composer de Marc, il
y a fort à parier que cet assemblage a un sens. Laveugle
qui retrouve la vue pourra suivre Jésus sur la route (v.
51) et ainsi être témoin de la Passion.
Jésus, fils de David
(vv.
47-48)
Dans lÉvangile de
Marc, Bartimée est le seul à donner explicitement
à Jésus le titre de Fils de David (Jésus
va attribuer aux scribes lopinion selon laquelle le Messie
est fils de David, mais lui-même semble remettre en question
cette appellation : Mc
12, 35-37). La tradition juive, de manière quasi unanime,
considérait que le Messie serait un descendant de David (voir,
par exemple : Is
9, 5-6; 11,1;
Jr
23,5-6; 30,
9 etc
); cette opinion se manifeste aussi dans la littérature
extra-biblique (voir, par exemple : Psaumes
de Salomon 17, 21-43). Appeler Jésus fils de David,
cest certainement beaucoup plus que constater un fait historique :
Jésus appartient à la descendance du grand roi. Dailleurs,
après 1000 ans, il devait y avoir de très nombreux
descendants de David dans le peuple juif. Cette appellation avait
sans aucun doute une portée messianique. En la mettant dans
la bouche de Bartimée, Marc ajoute un élément
nouveau à la découverte progressive de lidentité
de Jésus. En même temps, il prépare la scène
suivante, celle de lentrée triomphale à Jérusalem;
à cette occasion la foule acclamera Jésus en criant :
Béni soit le royaume qui vient, de notre père David
(Mc 11,10). Comme partout ailleurs dans son évangile, Marc
ne précise pas doù Bartimée tirait sa
connaissance de Jésus. Sa prise de parole, à ce moment
précis, oriente le lecteur vers le caractère messianique
de Jésus qui sera au cur du drame de la Passion (voir,
par exemple, la question du grand prêtre à Jésus :
Es-tu le Christ, le fils du Béni? Mc 14,61).
Aie pitié de moi
Dans lÉvangile de
Marc, Bartimée est le seul à demander un miracle
pour lui-même. Il le fait en employant un vocabulaire qui
est également très rare dans cet évangile :
Aie pitié de moi (vv. 47.48; le seul autre emploi
du verbe avoir pitié est en
Mc 5, 19). Tout cela accentue le caractère exceptionnel
de ce récit de guérison.
La pitié demandée aurait
pu prendre bien des formes. Par exemple, si Jésus, le fils
de David, sapprêtait à prendre le pouvoir et
à inaugurer son règne, il aurait pu intervenir pour
améliorer le sort de laveugle afin quil ne soit
plus obligé de mendier. Une telle demande naurait pas
été plus déraisonnable que celle formulée
juste avant par les fils de Zébédée, eux qui
voulaient sassurer des premières places dans le Royaume
(Mc
10, 35-40). Cest pourquoi Jésus veut lui faire
préciser lobjet de sa demande : Que veux-tu
que je fasse pour toi? (v. 51; voir la question analogue adressée
à Jacques et à Jean : Mc
10, 36).
La pitié est une caractéristique
divine (voir, par exemple : Je prends pitié de qui
je prends pitié Ex 33, 19; Fais leur connaître
ce que le Seigneur a fait pour toi et quil a eu pitié
de toi Mc 5,19). En demandant à Jésus davoir
pitié de lui, laveugle situe sa démarche sur
le plan de la foi et non sur celui de la politique. Il espère
une intervention qui va changer le cours de son existence; il veut
retrouver la vue (le verbe employé laisse supposer quil
avait déjà vu auparavant) et revenir dans la communauté
sociale et religieuse dont il est exclu. Dieu seul peut laider
à franchir cette frontière qui lisole de ses
contemporains. En adressant sa demande à Jésus, il
reconnaît implicitement que celui-ci a avec Dieu une relation
privilégiée. En tant que messie, fils de David,
il peut se prévaloir de cette filiation que Dieu accorde
à son lieutenant sur la terre : Tu es mon fils, moi,
aujourdhui, je tai engendré (Ps 2,7).
Ta foi ta sauvé (v. 52).
Évidemment, il nest pas sûr
que Bartimée, un mendiant aveugle, possédait tous
les concepts théologiques pour élaborer un tel raisonnement.
Pourtant Jésus reconnaît en lui la foi nécessaire
au salut. Ce salut se manifeste par la guérison : Aussitôt,
lhomme se mit à voir (v. 52) et par son accession
au statut de disciple : et il suivait Jésus sur la route
(v. 52). Le verbe suivre est caractéristique de la
relation du disciple avec son maître. Il exprime non seulement
le fait matériel de marcher derrière quelquun
mais surtout lécoute et laccueil de son enseignement
(voir, par exemple : Mc
1, 18; 2,14;
6,1; 8,34
etc
). On nentend plus parler de Bartimée dans
la suite de lévangile mais la conclusion que Marc donne
à son récit laisse entendre quil accompagne
Jésus jusquà Jérusalem, donc jusquà
la Passion et la résurrection (cf : Mc
8,34).
Le Christ grand prêtre
(Hébreux 5, 1-6)
Le portrait de Jésus esquissé
par lÉvangile de Marc senrichit du point
de vue de lauteur de lÉpître aux Hébreux
(5,
1-6). Par touches successives se précise limage
du Christ en tant que grand prêtre de lAlliance nouvelle
(voir, par exemple : He
2,17; 3,1;
4,14-15).
Dune part, son sacerdoce sinscrit
dans la tradition du culte juif : il est pris parmi les hommes
et chargé dintervenir en faveur des hommes dans
leurs relations avec Dieu (v. 1); en ce sens, Jésus est
donc bien grand prêtre. Dautre part, son sacerdoce est
nouveau et radicalement différent; il nest pas obligé,
comme les autres grands prêtres, doffrir des sacrifices
pour ses propres péchés (v.
2); il ne reçoit pas sa charge par hérédité
comme les prêtres juifs, mais par un appel de Dieu comme Aaron
le premier grand prêtre de lAncienne Alliance. Il inaugure
un sacerdoce nouveau, un sacerdoce éternel puisque Dieu lui
dit : Tu es prêtre pour toujours selon le sacerdoce
de Melchisédech (v. 6).
Je suis un père pour Israel (Jérémie
31, 9)
Un des très rares textes de
lAncien Testament où Dieu est présenté
comme père. Dans un monde où prédominaient
les cultes de la fertilité, il était important déviter
que Yahvé soit perçu comme un géniteur, à
lexemple des dieux des nations environnantes. Même un
texte comme Ps
2,7, repris en He
5,5 (voir la 2ième lecture) présentait certains
risques dune interprétation trop réaliste. Si
Dieu se révèle comme Père, cest à
cause de la tendresse quil manifeste envers son peuple. Malgré
le péché dIsraël, Dieu ne peut pas se résigner
à labandonner; il interviendra pour le délivrer
de son exil. Les personnes les plus fragiles, handicapés,
femmes enceintes, jeunes mères pourront bénéficier
de ce moment de grâce. En rendant la vue aux aveugles Jésus
continue à révéler le vrai visage de Dieu,
celui dun père proche de chacun de ses enfants.
Source: Le Feuillet biblique,
no 2072. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins
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biblique de Montréal.
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