Le plus
grand commandement
Le premier de tous les commandements Marc
12, 28b-34
Autres lectures : Deutéronome
6, 2-6; Psaume
118(119); Hébreux
7, 23-28
Lévangéliste Marc a recueilli dans lenseignement
des apôtres une discussion de Jésus avec un scribe
au sujet de lamour. Elle fait partie des activités
de Jésus à Jérusalem peu avant la Passion.
Ce nest pas une discussion agressive car linterlocuteur
de Jésus pense comme lui. Dieu demande que lhomme laime
de tout son cur (mot qui englobe toute la vie intérieure,
intellectuelle et affective), de toute son âme (cest-à-dire
de tout le déploiement de sa vie et de ses possibilités),
de toute sa pensée et de toute sa force (toutes ses ressources,
y compris ses richesses matérielles, étant désignées
par ce mot).
Même si la question du scribe
ne portait que sur le premier commandement, celui de lamour
de Dieu, Jésus a enchaîné : Voici le
second : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. Il cite
le Lévitique (19, 18), le troisième livre de
la loi de Moïse. Quel sens donne-t-il à cette loi? Les
rabbins daujourdhui, qui tendent à diminuer loriginalité
du christianisme, disent que déjà avant Jésus
ce précepte était vu hors de son contexte particulariste.
Le chapitre
19 du Lévitique visait dabord à favoriser
lentraide dans le peuple hébreu.
Aimer le prochain
« Le prochain » est la
traduction du mot hébreu réa: la racine
de ce mot a pour sens fondamental « paître, pâturer
». Le réa pourrait être celui avec
qui on partage un même pâturage. Le mot français
compagnon rend la même idée puisquil signifie
celui avec qui on partage le pain. Le code des Lévites ne
visait pas encore directement, à son niveau original de rédaction,
les personnes des autres nations.
Le chapitre 19 comporte néanmoins
une ouverture à lévolution subséquente.
Au verset 34, on lit : Létranger qui réside
avec nous sera pour vous comme un compatriote et tu laimeras
comme toi-même. Jésus ne fait-il que reprendre
lenseignement contemporain de quelques moralistes qui parlaient
damour universel du prochain à partir du Lévitique?
Si oui, voici quel serait lapport propre du Christ. Parmi
tant dopinions diverses, il détache ce précepte,
il lui donne une force incomparable en lassociant au premier
commandement, ce qui ne sétait jamais fait avec autorité.
Ailleurs, par exemple dans lÉvangile
de Luc, il la illustré par des paraboles comme
celle du bon Samaritain (Luc
10, 29). Lui-même na jamais pratiqué de discrimination,
parmi les personnes pour qui il faisait des miracles de guérison
(Marc
5, 1-17; 7,
24-30). Dailleurs, dans la doctrine des apôtres
Jean et Paul, le commandement de lamour du prochain se distingue
avec une netteté qui contraste avec la confusion des règles
du Talmud en voie délaboration.
Lamour chez les Chrétiens
Comme les disciples, nous sommes marqués
par lexemple et les instructions de Jésus. Nous retenons
typiquement ce que dit saint Paul : Tu ne commettras pas
dadultère, tu ne tueras pas, tu ne voleras pas, tu
ne convoiteras pas, et tous les autres se résument en cette
formule : Tu aimeras ton prochain comme toi-même
(Romains 13, 9). La priorité que Jésus accordait
au double commandement de lamour a convaincu le scribe juif.
En le mettant en scène, Marc révèle la présence
en Israël de croyants fidèles à la pensée
dAmos, dOsée et dIsaïe.
Lamour chez les Juifs
Le rabbin Hillel (né en Babylonie
en 73 avant lère chrétienne) résumait
toute la loi de Moïse par cet adage : « Ce que tu
ne veux pas quon te fasse, ne le fais pas à ton compagnon.
Cest là toute la Tora, le reste nen est que lexplication
». Mais il ne parlait pas de second commandement semblable
au premier. Dans leur critique dune hiérarchie des
valeurs mal comprises, les prophètes avaient préparé
la voie. Chez eux déjà, comme le dira le Christ en
reprenant lessentiel de leur message, lautre était
la pierre de touche de la fidélité de lAlliance
et lamour était supérieur au sacrifice.
Lamour chez les Musulmans
Lenseignement musulman, à
partir du 7ième siècle de lère chrétienne,
donne de limportance au commandement de la charité
dans sa forme particulière de laumône. La dépendance
de la Bible apparaît dans le mot sadaqa (qui ressemble
au mot hébreu sedaka, « charité »),
il sagit dune aumône libre qui nest pas
une taxe, et qui est distribuée selon la générosité
du donateur. La pensée mystique de lIslam confère
à cet usage une signification morale élevée,
estimant que le don de laumône constitue une sorte dépreuve
pour les croyants, par laquelle ils peuvent manifester leur reconnaissance
de Dieu et leur amour à tel point que cest le pauvre
qui procure un bienfait au riche en recevant de lui un don, parce
quil laide à soigner son mal. Quant à
laumône facultative, selon le cheikh Tabari, lindividu
ne doit pas se contraindre à la distribuer, car, si elle
est faite avec réticence, elle perd son caractère
de mouvement libre et généreux de la volonté.
Source: Le Feuillet biblique,
no 2073. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins
autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre
biblique de Montréal.
Chronique
précédente :
En route vers Jérusalem
|