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31e dimanche ordinaire B - 5 novembre 2006

 

Le plus grand commandement

Le premier de tous les commandements Marc 12, 28b-34
Autres lectures : Deutéronome 6, 2-6; Psaume 118(119); Hébreux 7, 23-28


L’évangéliste Marc a recueilli dans l’enseignement des apôtres une discussion de Jésus avec un scribe au sujet de l’amour. Elle fait partie des activités de Jésus à Jérusalem peu avant la Passion. Ce n’est pas une discussion agressive car l’interlocuteur de Jésus pense comme lui. Dieu demande que l’homme l’aime de tout son cœur (mot qui englobe toute la vie intérieure, intellectuelle et affective), de toute son âme (c’est-à-dire de tout le déploiement de sa vie et de ses possibilités), de toute sa pensée et de toute sa force (toutes ses ressources, y compris ses richesses matérielles, étant désignées par ce mot).

     Même si la question du scribe ne portait que sur le premier commandement, celui de l’amour de Dieu, Jésus a enchaîné : Voici le second : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. Il cite le Lévitique (19, 18), le troisième livre de la loi de Moïse. Quel sens donne-t-il à cette loi? Les rabbins d’aujourd’hui, qui tendent à diminuer l’originalité du christianisme, disent que déjà avant Jésus ce précepte était vu hors de son contexte particulariste. Le chapitre 19 du Lévitique visait d’abord à favoriser l’entraide dans le peuple hébreu.

Aimer le prochain
     « Le prochain » est la traduction du mot hébreu réa’: la racine de ce mot a pour sens fondamental « paître, pâturer ». Le réa’ pourrait être celui avec qui on partage un même pâturage. Le mot français compagnon rend la même idée puisqu’il signifie celui avec qui on partage le pain. Le code des Lévites ne visait pas encore directement, à son niveau original de rédaction, les personnes des autres nations.

     Le chapitre 19 comporte néanmoins une ouverture à l’évolution subséquente. Au verset 34, on lit : L’étranger qui réside avec nous sera pour vous comme un compatriote et tu l’aimeras comme toi-même. Jésus ne fait-il que reprendre l’enseignement contemporain de quelques moralistes qui parlaient d’amour universel du prochain à partir du Lévitique? Si oui, voici quel serait l’apport propre du Christ. Parmi tant d’opinions diverses, il détache ce précepte, il lui donne une force incomparable en l’associant au premier commandement, ce qui ne s’était jamais fait avec autorité.

     Ailleurs, par exemple dans l’Évangile de Luc, il l’a illustré par des paraboles comme celle du bon Samaritain (Luc 10, 29). Lui-même n’a jamais pratiqué de discrimination, parmi les personnes pour qui il faisait des miracles de guérison (Marc 5, 1-17; 7, 24-30). D’ailleurs, dans la doctrine des apôtres Jean et Paul, le commandement de l’amour du prochain se distingue avec une netteté qui contraste avec la confusion des règles du Talmud en voie d’élaboration.

L’amour chez les Chrétiens
     Comme les disciples, nous sommes marqués par l’exemple et les instructions de Jésus. Nous retenons typiquement ce que dit saint Paul : Tu ne commettras pas d’adultère, tu ne tueras pas, tu ne voleras pas, tu ne convoiteras pas, et tous les autres se résument en cette formule : Tu aimeras ton prochain comme toi-même (Romains 13, 9). La priorité que Jésus accordait au double commandement de l’amour a convaincu le scribe juif. En le mettant en scène, Marc révèle la présence en Israël de croyants fidèles à la pensée d’Amos, d’Osée et d’Isaïe.

L’amour chez les Juifs
     Le rabbin Hillel (né en Babylonie en 73 avant l’ère chrétienne) résumait toute la loi de Moïse par cet adage : « Ce que tu ne veux pas qu’on te fasse, ne le fais pas à ton compagnon. C’est là toute la Tora, le reste n’en est que l’explication ». Mais il ne parlait pas de second commandement semblable au premier. Dans leur critique d’une hiérarchie des valeurs mal comprises, les prophètes avaient préparé la voie. Chez eux déjà, comme le dira le Christ en reprenant l’essentiel de leur message, l’autre était la pierre de touche de la fidélité de l’Alliance et l’amour était supérieur au sacrifice.

L’amour chez les Musulmans
     L’enseignement musulman, à partir du 7ième siècle de l’ère chrétienne, donne de l’importance au commandement de la charité dans sa forme particulière de l’aumône. La dépendance de la Bible apparaît dans le mot sadaqa (qui ressemble au mot hébreu sedaka, « charité »), il s’agit d’une aumône libre qui n’est pas une taxe, et qui est distribuée selon la générosité du donateur. La pensée mystique de l’Islam confère à cet usage une signification morale élevée, estimant que le don de l’aumône constitue une sorte d’épreuve pour les croyants, par laquelle ils peuvent manifester leur reconnaissance de Dieu et leur amour à tel point que c’est le pauvre qui procure un bienfait au riche en recevant de lui un don, parce qu’il l’aide à soigner son mal. Quant à l’aumône facultative, selon le cheikh Tabari, l’individu ne doit pas se contraindre à la distribuer, car, si elle est faite avec réticence, elle perd son caractère de mouvement libre et généreux de la volonté.

Source: Le Feuillet biblique, no 2073. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre biblique de Montréal.

 

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