L'émerveillement
de Jésus
L'offrande de la veuve Marc
12, 38-44
Autres lectures : 1
Rois 17, 10-16; Psaume
145(146); Hébreux
9,24-28
Deux veuves, l'une de Sarepta, l'autre de Jérusalem, sans
gagne-pain, sans appui humain, dans une vulnérabilité
totale, sont présentées comme admirables. À
quoi tient leur grandeur, leur richesse? Pourquoi Jésus admire-t-il
la veuve aux deux piécettes? Leur offrande annonce le dessaisissement
de Jésus pour que vive la multitude des frères et
des surs.
Le nécessaire et le superflu
L'extrait de l'Évangile
de Marc s'inscrit dans une série de controverses (11,
27 - 12, 44). Le récit se déroule immédiatement
avant celui de la passion. Les controverses ont lieu entre Jésus
et l'intelligentsia de Jérusalem, à savoir les représentants
des grandes familles sacerdotales dont les grands prêtres,
les docteurs de la loi ou scribes et les anciens. Comment ne pas
observer le contraste entre la veuve, pauvre et discrète,
et les dignitaires (vv.
38-39) dont les attitudes dévoilent la course au pouvoir,
l'hypocrisie, le souci de parader en publiant bien haut leurs dons,
et en cachant soigneusement leurs injustices (v.
40).
Sans Jésus, la multitude des
croyants, depuis vingt siècles, auraient méconnu cette
humble femme privée de ressources. Il faut la regarder, dans
le parvis des femmes, sur l'esplanade du Temple, devant la rangée
des treize troncs destinés à recevoir les aumônes
des fidèles.
Cette pauvre femme a mis dans
le tronc plus que tout le monde (v. 44). Qu'a-t-elle mis de
plus? Son faible avoir, c'est-à-dire son indigence, son manque,
et aussi sa non-ostentation - rien n'a été souligné
dans les journaux, rien n'a été déduit de l'impôt
-, son abnégation véritable. Celle-ci consiste dans
le don, à fonds perdus, d'une confiance absolue et d'une
liberté intérieure surprenante, capable d'aimer et
de donner. Jésus ne lui adresse pas la parole, mais loue
sa magnanimité et la déclare bienheureuse.
« Jarre de farine point ne s'épuisera,
vase d'huile point ne se videra...
»
(1 Rois 17, 10-16)
La veuve de Sarepta en Phénicie,
au 9e siècle avant Jésus Christ, à un moment
de grande sécheresse, est aussi une âme libre et magnanime.
Qui aurait pensé qu'une indigente, manquant de nourriture,
et se retrouvant ainsi dans une situation prochaine de mort -elle
est sur le point de faire cuire son dernier pain-, aurait pu secourir
le prophète qui lui demande service? On assiste à
un retournement de situation. En retour du conseil qu'il lui prodigue,
Élie reçoit de la veuve le pain qui lui manquait mais
qui devait lui assurer sa survie, à elle et à son
fils. La générosité appelle la générosité
et la surabondance (v.
16). La confiance appelle le don : n'aie pas peur, va...
(v. 13), et le don fructifie. Quelle vérité d'être
se dégage de cette veuve courageuse et éprouvée,
se tenant dans la confiance et la disponibilité!
L'engagement d'amour de Jésus
(Hébreux 9, 24-28)
Les deux veuves ont fait le don du
peu qu'il leur restait. Par leur attitude, elles rejoignent Jésus,
le pauvre par excellence, dont parlent les psaumes et l'apôtre
Paul : Lui qui est de condition divine n'a pas considéré
comme une proie à saisir d'être l'égal de Dieu.
Mais il s'est dépouillé (dessaisi de lui-même)
prenant la condition de serviteur, devenant semblable aux hommes
(Philippiens 2, 6-7).
Jésus n'a pas cru bon d'être
avare de vie. Il s'est mis dans la situation des deux veuves. Sur
la croix, il est l'Amour qui donne sa propre vie, une donation unique
et digne de Dieu son Père. Cette offrande ultime, définitive,
surabondante et débordante de tout ce qu'il a et de tout
ce qu'il est, dépasse tous les sacrifices du Premier Testament,
devenus caduques. Son don est fait une fois pour toutes pour
enlever les péchés de la multitude (Hébreux
9, 26.28). Cette solidarité de Jésus avec ses frères
et surs en humanité ouvre sur une plénitude
d'alliance et d'amour avec le Père, donne accès l'intimité
avec Dieu. Il n'y a plus rien à attendre de Dieu, rien de
plus, sinon le retour en gloire de Jésus Christ (v.
28).
De la mort à la vie
Le don appelle le contre-don. Ne faut-il
pas demander intensément la confiance totale en Dieu Amour
en même temps que l'intelligence des épreuves et des
souffrances qui habitent nos vies? Dieu seul en son Fils ressuscité
fait passer du moins au plus, du néant à la vie. Cette
uvre créatrice de Dieu dans la destinée humaine
engage notre collaboration constante et joyeuse.
Louange et invitation
L'émerveillement de Jésus,
ainsi que sa joie, devant le comportement exemplaire de la femme
aux deux piécettes, demande un approfondissement. Il est
bien vrai que l'attitude de cette femme est totalement en harmonie
avec les valeurs du Royaume que Jésus annonce et rend présent.
Ce chemin de vie indiqué est-il impossible à atteindre?
Sans trop s'attarder à la description matérielle des
faits, n'y a-t-il pas lieu de voir ici une invitation à prendre
comme modèle l'accueil et la générosité
des plus pauvres? à contempler la vie de Jésus et,
avec son secours, commencer ou prolonger une démarche de
foi absolue, de confiance et d'offrande? N'avons-nous pas à
être ce que nous sommes en lui : de rendre l'amour dont il
aime le monde par l'amour? de lui rendre la vie qu'il nous donne
gracieusement? d'être son corps spirituel?
Pour votre information...
La piécette de cuivre
C'était la plus petite monnaie
en usage, avec laquelle on pouvait acheter le huitième de
la ration de pain distribuée chaque jour aux indigents de
l'époque.
Source: Le Feuillet biblique,
no 2074. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins
autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre
biblique de Montréal.
Chronique
précédente :
Le plus grand commandement
|