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Sainte-Marie Mère de Dieu - 1er janvier 2006
 

Le salut a un nom : Jésus

Les bergers rendent visite à Jésus Luc 2, 16-21
Autres lectures : Nombres 6, 22-27; Psaume 66(67) ; Galates 4, 4-7


Cet extrait de l’Évangile selon saint Luc arrive tout juste après le récit de la naissance de Jésus lu durant la messe de la nuit de Noël. Les premiers personnages à entrer en scène sont les bergers qui, dans l’épisode précédent, avaient un rôle essentiellement passif. Maintenant, ils passent à l’action, se dirigeant à Bethléem pour constater de visu ce qui vient de leur être annoncé par l’ange du Seigneur. Leur démarche en vaut la peine: ils seront les premiers à contempler le Sauveur de l’humanité!

Des accents différents
     Dans l’Évangile selon saint Matthieu (2, 1-12), les premiers à rendre visite à Jésus et sa famille sont de tout autre condition. Il s’agit de mages. Cette différence entre les deux mises en scène révèle les particularités de chaque évangéliste et leurs accents théologiques respectifs. Matthieu, en faisant intervenir des hommes venus du lointain Orient, insiste sur la dimension universelle, internationale, de la naissance du Sauveur. C’est la mondialisation du salut! Le fait qu’il s’agisse de mages, des savants versés dans l’astrologie, montre aussi qu’il est possible de s’approcher de Jésus en se référant à autre chose que les Écritures de la tradition.

    Luc, pour sa part, met l’accent sur la catégorie de personnes à qui la naissance du Sauveur est annoncée : ce sont des gens relégués au bas de l’échelle sociale et que l’on méprise. À l’époque, en effet, la fonction de berger est assez mal perçue par la population en général. On les considère plutôt malhonnêtes, car il leur arrive de laisser leurs bêtes brouter des champs qui ne leur appartiennent pas. Aussi, il semble que certains n’hésitaient pas à dérober un mouton, un agneau ou une brebis à un autre pasteur. Finalement, leur contact régulier avec les animaux les rendent légalement impurs, ce qui les empêchent de participer au culte. L’évangéliste Luc fait donc preuve d’une audace remarquable en donnant à de tels individus le privilège d’être les premiers témoins de la venue du Sauveur dans le monde.

Étonnement et recueillement
    Une fois arrivés auprès de la famille de Jésus, les bergers racontent l’annonce dont ils viennent d’être témoins, ce qui provoque l’étonnement de «tout le monde». Luc ne précise pas qui il désigne par «tout le monde». Mais le contexte laisse croire qu’il pensait aux personnes installés, comme Marie et Joseph, dans un abri de fortune, en raison du manque de place dans la salle commune (2, 7). Quoi qu’il en soit, il s’agit surtout pour l’auteur de souligner l’étonnement qui frappe les gens en entendant parler de la naissance d’un Sauveur. De fait, c’est un thème cher à Luc qui se plaît à souligner la surprise provoquée par la présence de Jésus (1, 63; 2, 47).

    En contraste avec «tout le monde», Marie retient les événements et les médite dans son cœur. Une expression semblable apparaît en Genèse 37, 11 et Daniel 7, 28. Elle signifie alors qu’un personnage conserve pour lui-même un événement ou une information. Le contexte du récit de Luc n’impose pas cette lecture. L’auteur souligne plutôt l’attitude d’accueil de Marie qui, tout en ne disposant actuellement pas de toutes les clés pour bien saisir ce qui survient, est tout au moins prête à ouvrir son cœur aux événements.

Sauveur?
    Contrairement aux autres auditeurs du témoignage des bergers, Marie n’a aucune raison d’être étonnée : un ange lui avait annoncé qu’elle donnerait naissance à un être hors du commun (Luc 1, 30-33). Les bergers, cependant, lui fournissent une information supplémentaire que Gabriel ne lui avait pas communiquée : l’enfant sera Sauveur. D’où l’attitude de recueillement et d’intériorisation de la mère. Que signifie ce titre? Qui sauvera-t-il? De quoi? Comment? Pourquoi? Décidément, la jeune Marie a de quoi jongler pour encore bien des jours... et des nuits! De fait, elle n’est pas au bout de ses découvertes. Une douzaine d’années plus tard, son fils échappera à son attention et à celle de Joseph pour se retrouver parmi les docteurs de la Loi, au temple de Jérusalem (2, 41-50). À nouveau, Luc mentionnera qu’elle médite tout cela dans son cœur (2, 51).

«Que le Seigneur te bénisse et te garde!»
    Dès maintenant cependant, Marie est en mesure de constater une manifestation concrète de la bénédiction qu’avait prononcé l’Ange à l’annonciation. Celui-ci lui avait assuré que le Seigneur était présent auprès d’elle et que son esprit la couvrirait de son ombre (Luc 1, 28.35). Ses propos rappellent ceux de la première lecture dans laquelle Dieu enseigne à Moïse comment Aaron et ses descendants vont bénir les fils d’Israël. Cette bénédiction a trouvé son fruit le plus complet et le plus étonnant dans la naissance du Fils de Dieu à Bethléem, il y a deux mille ans. Par Jésus, Dieu a fait briller son visage sur le monde entier, il s’est penché sur l’humanité pécheresse pour lui apporter la paix.

Un nouveau chœur
    Revenons au récit de Luc. Lorsque les bergers repartent, ils se mettent à glorifier le Seigneur. Ils se trouvent ainsi à succéder au chœur des anges qui accompagnait l’annonce de la bonne nouvelle dans le champ, sous le ciel étoilé. Pas mal pour des moins que rien, non? À partir du moment où ils ouvrent la bouche, les anges n’ont plus leur raison d’être : ils se taisent. Désormais, il revient aux plus petits et aux méprisés de contempler le Sauveur et de chanter sa gloire. Manifestement, Luc a un point de vue précis à transmettre : en venant parmi nous, Dieu n’a pas l’intention de fréquenter les hautes sphères de la société, l’élite. Il n’hésite pas à confier à des exclus et des impurs le soin de lui rendre gloire et de témoigner de sa présence en notre monde.

«Le nom de Jésus»
Comme le veut la coutume, Marie et Joseph annoncent, au moment de la circoncision, le nom que leur enfant recevra, celui que l’Ange du Seigneur lui avait d’abord donné (Luc 1, 31). Dans les sociétés anciennes, le nom d’une personne est davantage qu’une convention qui permet de distinguer les individus. Il révèle quelque chose de la personne ou du moins dit quelque chose de ce que les parents souhaitent pour leur enfant ou qu’ils ont perçu chez lui dès sa naissance. Le nom de Jésus n’a rien d’exceptionnel: il était répandu à son époque et dans son milieu. Mais sa signification, «Dieu sauve», n’en constitue pas moins un véritable programme... que le reste de l’œuvre de Luc va se charger de faire découvrir au lecteur!

Pour votre information...

Le huitième jour
    D’après les dispositions de la loi juive, l’enfant mâle (évidemment!) doit être circoncis huit jours après sa naissance (Lévites 12, 3). La circoncision est un rituel qui signifie l’inscription dans la chair du nouveau-né de l’alliance avec le Seigneur. Tout garçon juif est donc considéré comme uni avec Dieu de façon physique d’abord, avant même de pouvoir être en relation avec lui de façon spirituelle. La circoncision est aussi le moment où les parents annoncent le nom qu’ils ont choisi de donner à l’enfant.


Jean Grou, bibliste
Québec

 

Source: Le Feuillet biblique, no 2038. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre biblique de Montréal.

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Joyeux Noël!