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4e dimanche ordinaire C - 28 janvier 2007

 

Objet de contestation

Échec de Jésus à Nazareth : Luc 4, 21-30
Autres lectures : Jérémie 1, 4-5.17-19; Psaume 70(71) ; 1 Corinthiens 12,31—13,13

La scène de la synagogue de Nazareth (Luc 4, 16-30) est centrée sur trois passages de l’Ancien Testament : le texte d’Isaïe cité par Jésus (vv. 18-19) et les souvenirs d’Élie et d’Élisée (vv. 25-27). Les réactions des fidèles sont fort différentes dans l’un et l’autre cas. Après la proclamation du texte d’Isaïe tous lui rendaient témoignage (v. 22); après l’évocation des souvenirs relatifs à Élie et Élisée tous devinrent furieux (v. 28). Pourquoi le simple rappel d’épisodes connus des Écritures déclenche-t-il une fureur meurtrière chez les auditeurs?

     
Ils s’étonnaient du message de grâce… (v. 22).

  Pour répondre à cette question il faut remonter un peu en arrière. Luc a voulu mettre en contraste les deux réactions des gens de Nazareth comme étant représentatives de toutes celles suscitées par Jésus durant son ministère : accueil favorable et même enthousiaste suivi d’un rejet radical.

  L’affirmation fondamentale de Jésus concerne l’actualité du message de salut du livre d’Isaïe : Cette parole de l’Écriture que vous venez d’entendre, c’est aujourd’hui qu’elle s’accomplit (v. 21). Il ne va pas jusqu’à se présenter lui-même comme étant celui par qui arrivent le salut et la libération, mais tout le contexte oriente vers cette conclusion. Celui qui a reçu l’onction et en qui réside l’Esprit du Seigneur (v. 18) ne peut être que Jésus, d’où l’étonnement des gens de Nazareth : N’est-ce pas là le fils de Joseph? (v. 22).

Tous devinrent furieux (v. 28).

  À partir de ce moment-là l’atmosphère change et ce changement est provoqué par Jésus lui-même. Il rappelle les événements arrivés à Capharnaüm (v. 23) et déclare : aucun prophète n’est bien accueilli dans son pays (v. 24). En disant cela il anticipe sur ce que sera la réaction de ses concitoyens, non seulement ce jour-là à Nazareth, mais tout au long de sa vie publique et de la part de la majorité du peuple juif.

  Pourquoi Jésus va-t-il ainsi « au-devant des coups » et attise-t-il l’hostilité d’un public qui semblait plutôt bien disposé à son égard? Luc n’est pas très explicite à ce sujet; on doit donc se livrer à quelques suppositions. Il semble que Jésus ait surtout voulu lever toute ambiguïté concernant le sens de sa mission. Les gens de Nazareth espéraient profiter d’un traitement de faveur de la part de leur prophète. Puisque Jésus avait déjà accompli des guérisons à Capharnaüm (v. 23), il leur semblait normal qu’il en fasse autant, sinon plus, dans la ville où il avait passé la plus grande partie de sa vie. Jésus veut couper court à ce genre d’ambition; personne n’a de droits sur lui, personne ne peut réclamer un traitement de faveur ou un privilège quelconque.

  Au-delà de cette rivalité un peu mesquine entre deux petites villes de province, c’est le sens même de la mission de Jésus qui est en cause. Le peuple d’Israël, héritier des promesses aux patriarches et aux prophètes, possède-t-il des « droits acquis » sur le salut? Les deux exemples choisis par Jésus montrent bien que Dieu ne limite pas son amour aux seuls membres du peuple élu; il s’intéresse au sort de tous les humains, peu importe leur origine. En somme, Jésus proclame la fin du privilège d’Israël; en annonçant la Bonne Nouvelle aux pauvres (v. 18), il ouvre les portes du Royaume de Dieu à toutes les nations. La réaction de la foule montre qu’elle a très bien compris les propos de Jésus. Les Juifs de Nazareth, comme la majorité de leurs concitoyens, refusent de faire ce changement radical : passer d’un Dieu national, lié à Israël par un contrat d’Alliance, à un Dieu universel qui se veut le Père et le Sauveur de tous les humains.

Mais lui allait … son chemin (v. 30).

  La scène se termine par une agression physique contre Jésus. Luc a voulu que cet épisode soit comme un abrégé de toute la vie publique : la prédication de la Bonne Nouvelle, une première réaction enthousiaste suivi d’un rejet radical lorsque les auditeurs découvrent les exigences de l’Évangile, l’élimination de celui qu’on considère désormais comme un imposteur et, en fin de compte, sa victoire finale dans la résurrection.

  Il n’est pas nécessaire de supposer que Jésus mettrait en œuvre quelque procédé miraculeux pour échapper à ses poursuivants. Les évangiles fournissent d’autres exemples de situations où il déjoue ses agresseurs (cf. Jn 8, 59; 10, 31.39). Cela devait lui être d’autant plus facile dans les collines entourant Nazareth, dont il devait connaître tous les sentiers et toutes les cachettes pour y être souvent venu durant son enfance. Mais pour Luc cette fuite est déjà une anticipation de la résurrection; personne, pas même la mort, ne pourra retenir captif celui qui est habité par l’Esprit de Dieu (v. 18).

Au temps du prophète Élie … (v. 25).

  Élie permet à la veuve de Sarepta et à son fils d’avoir du pain à manger durant la grande famine (1 Rois 17, 15-16); Élisée envoie Naaman se baigner dans le Jourdain pour être purifié de sa lèpre (2 Rois 5,14). Le choix de ces deux exemples donne au discours de Jésus une coloration sacramentelle. L’eau du baptême et le pain de l’eucharistie, les signes fondamentaux de l`Église, seront disponibles pour toute personne, peu importe son origine. La tradition chrétienne a vu dans ces deux récits une anticipation des réalités de la Nouvelle Alliance. Dans cet aujourd’hui (v. 21) où l’Écriture s’accomplit, ce qui était préfiguré mystérieusement trouve sa pleine réalisation dans la personne de Jésus.

Je suis avec toi … (Jérémie 1,19).

  La vocation de Jérémie est devenue, en quelque sorte, normative pour les récits de vocation de prophètes. Paul s’y réfère pour expliquer sa propre vocation (Galates 1,15; cf. Jérémie 1,5). Aux jours les plus difficiles de l’histoire du royaume de Juda, le prophète est envoyé pour dénoncer le mal qui cause la ruine du peuple élu. Il rencontre, chez ses concitoyens, incompréhension et hostilité, mais Dieu est fidèle, il lui promet de l’assister dans tous les combats qu’il aura à mener (v. 19). Jésus se reconnaît sans doute dans la figure de Jérémie; il est probable que la phrase aucun prophète n’est bien accueilli dans son pays (Luc 4, 24) fait référence surtout à Jérémie, celui des grands prophètes dont l’histoire nous est la mieux connue.

  Un aspect moins connu de la vie de Jérémie concerne sa mission auprès des nations étrangères : Je fais de toi un prophète pour les peuples (v. 5). Son livre comprend un important recueil d’oracles contre les Nations (Jérémie 25, 13-38; 46,1—51,63 hébreu). Il y dénonce l’injustice et annonce l’intervention divine contre tous les peuples connus de son temps. Ainsi, il révèle un Dieu qui n’est pas limité à un seul peuple mais qui veut établir son règne sur toute la terre, préparant de loin l’universalisme de l’Évangile.

 

 

Source: Le Feuillet biblique, no 2085. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre biblique de Montréal.

 

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