INTERBIBLE
Au son de la cithare
célébrer la paroleintuitionspsaumespsaumespsaumes
off Nouveautés
off Cithare
off Source
off Découverte
off Écritures
off Carrefour
off Caravane
off Scriptorium
off Artisans

 

 
Célébrer la Parole

 

orant
Imprimer

22e dimanche ordinaire C - 2 septembre 2007

 

Propos de table

Guérison d'un hydropique un jour de sabbat : Luc 14, 1a.7-14
Autres lectures : Ben Sirac 3, 17-18.20.28-29; Psaume 67(68); Hébreux 12, 18-19.22-24a

Ce jour-là, Jésus n’a pas dû se faire beaucoup d’amis. Il commence par mettre en boîte ceux qui participent avec lui à ce repas en leur proposant un dilemme à propos d’une guérison le jour du sabbat (Luc 14, 2-6). Il poursuit en faisant des reproches aux convives sur le choix des places (vv. 7-11) puis à son hôte sur le choix des invités (vv. 12-14). Et il termine par une parabole annonçant l’exclusion des premiers invités (le peuple juif) du banquet du Royaume (Lc 14, 16-24). Personne ne peut lui reprocher de ne pas garder son franc parler, même à l’égard de ceux qui l’invitent à leur table! La liturgie a retenu les deuxième et troisième sections de cette séquence.

Qui s'élève sera abaissé... (v. 11)

     Le thème du renversement des situations se retrouve dans toutes les traditions de l’Ancien Testament comme du Nouveau. Qu’on pense, par exemple, à Abel préféré à Caïn, Jacob à Ésaü, David à ses frères plus âgés. On le trouve formulé chez les prophètes : Ce qui est bas sera élevé, ce qui est élevé sera abaissé (Ézéchiel 21,31) et dans le cantique d’Anne : L’arc des puissants est brisé mais les défaillants sont ceinturés de force (…) C’est Yahvé qui appauvrit et qui enrichit, qui abaisse et aussi qui élève. Il retire de la poussière le faible, du fumier il relève le pauvre pour les faire asseoir avec les nobles et leur assigner un siège d’honneur (1 Samuel 2, 4.7-8a) repris dans celui de la Vierge Marie : Il a renversé les potentats de leur trônes et élevés les humbles. Il a comblé de biens les affamés et renvoyés les riches les mains vides (Luc 1, 52-53).

     À l’origine il s’agissait surtout d’une règle de sagesse pratique, basée sur l’expérience; la chute est d’autant plus brutale qu’on tombe de plus haut, donc, il vaut mieux ne pas trop s’élever pour ne pas connaître une chute trop catastrophique. Mais l’idée a aussi une dimension religieuse; c’est Dieu qui peut élever, lui seul donne la vraie grandeur car il connaît le fond du cœur de chacun. Le chemin privilégié pour s’approcher de Dieu consiste à reconnaître sa propre pauvreté et à tout attendre de sa bonté : D’un cœur brisé, broyé, Dieu, tu n’as point de mépris (Psaume 51 (50), 19b).

     Dans la société ancienne plus encore que dans la nôtre les questions de préséance et d’étiquette occupent une grande place. Les places à table reflètent la position sociale de ceux qui les occupent. Jésus observe que certains invités essaient de se mettre en valeur en prenant les places les plus en vue. Sa remarque peut se comprendre comme un simple conseil de prudence pour éviter une déconvenue humiliante. Mais, dans la bouche de Jésus, les paroles même les plus simples ont toujours quelque chose à voir avec l’annonce du Royaume. Là, les rôles sont renversés; la vraie grandeur est liée au service plutôt qu’au pouvoir : Que le plus grand parmi vous se comporte comme le plus jeune et celui qui gouverne comme celui qui sert (…) Moi, je suis au milieu de vous comme celui qui sert (Lc 22, 26.27b). Au delà des questions protocolaires Jésus appelle ses auditeurs à se faire humbles et serviteurs les uns des autres pour avoir place dans le Royaume; alors le maître de maison se ceindra, les fera mettre à table et, passant de l’un à l’autre, il les servira (Lc 12,37).

Tu seras heureux… (v.14)

    Voici une des béatitudes cachées de l’évangile de Luc. En dehors de la série bien connue du discours dans la plaine (Lc 6, 20-22) on trouve en effet, chez Luc comme chez Matthieu, quelques formules isolées ou quelqu’un est déclaré heureux (voir, par exemple : Lc 1,45; 7,23; 10, 23; 11,27-28 etc…).

    Ici celui qui est déclaré heureux aura invité chez lui des personne dont il ne peut rien attendre en retour. Le texte grec de Proverbes 23,1-2 oblige un invité à bien observer ce qui lui est servi à table pour pouvoir en offrir autant lorsque son tour viendra d’accueillir des visiteurs. Saint Augustin a donné de ce texte une interprétation allégorique qui est restée célèbre (Sur l'évangile de Jean 84, 1-2) mais, à l’origine, il s’agissait tout simplement d’une règle de politesse. Ces échanges d’invitations entre personnes du même milieu social pouvaient aussi, bien entendu, prendre un caractère intéressé; on peut traiter des affaires autour d’une bonne table!

    Jésus proclame heureux celui qui est capable de dépasser ce cercle des conventions pour poser un geste purement gratuit. Accueillir des pauvres, des estropiés, des boiteux, des aveugles (vv. 13-14), c’est agir à la manière de Jésus lui-même; c’est mettre en pratique le commandement : Faites du bien et prêtez sans rien attendre en retour. Votre récompense, alors, sera grande et vous serez les fils du Très-Haut (Lc 6,35). Celui qui agit ainsi est heureux non seulement dans l’attente de la récompense lors de la résurrection des justes (v.14) mais dès maintenant parce qu’il rend déjà présent le Royaume.

Une oreille qui écoute (Sirac 3,29)

Mon fils, accomplis toute chose dans l'humilité, et tu seras aimé plus qu'un bienfaiteur. Plus tu es grand, plus il faut t'abaisser : tu trouveras grâce — devant le Seigneur (Sirac 3, 17-18).

    L’idéal du sage, c’est une oreille qui écoute (v. 29). Plutôt que de faire l’éloge de l’éloquence, de la compétence ou de la force Ben Sirac met de l’avant la capacité d’écoute. Le vrai sage est assez humble pour reconnaître les limites de son savoir et de son pouvoir; il accepte de se laisser guider. En fin de compte, il reconnaît que son vrai maître est Dieu. Le sage rejoint le prophète dans sa description du Serviteur : Le Seigneur Yahvé m’a donné une langue de disciple. Il m’éveille chaque matin, il éveille mon oreille pour que j’écoute comme un disciple. Le Seigneur Yahvé m’a ouvert l’oreille et moi, je n’ai pas résisté, je ne me suis pas dérobé (Isaïe 50, 4-5).Jésus s’est identifié à cette figure du Serviteur; ceux et celles qui le suivent doivent prendre le même chemin que lui.

Jésus, le médiateur d’une Alliance nouvelle (Hébreux 12, 24)

Quand vous êtes venus vers Dieu, il n'y avait rien de matériel comme au Sinaï, pas de feu qui brûle, pas d'obscurité, de ténèbres, ni d'ouragan (...). Mais vous êtes venus vers la montagne de Sion, et vers la cité du Dieu vivant, la Jérusalem céleste (...). Vous êtes venus vers Jésus, le médiateur d'une Alliance nouvelle (Hébreux 12, 18.22.24).

    La ligne de fond de l’Épître aux Hébreux est toujours la comparaison entre les deux Alliances pour monter la supériorité de la Nouvelle sur l’Ancienne. Au Sinaï l’alliance ancienne avait été conclue au milieu des fracas de tempête (vv. 18-19), dans la Nouvelle, rien de tel mais le rassemblement de toute l’humanité, avec les anges, en présence de Dieu (vv. 22-23). Telle est la mission accomplie par Jésus, le nouveau Moïse, celui qui réalise parfaitement l’Alliance définitive. La vision de l’auteur est celle d’une promesse déjà réalisée, une humanité renouvelée et réconciliée dans le Royaume enfin accompli.

 

 

Source: Le Feuillet biblique, no 2107. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre biblique de Montréal.

 

Chronique précédente :
Dieu fait grâce