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25e dimanche ordinaire C - 23 septembre 2007

 

Se servir de l'argent ou servir l'Argent

La parabole du gérant habile : Luc 16, 1-13
Autres lectures : Amos 8, 4-7; Psaume 112(113); 1 Timothée 2, 1-8

La parabole du gérant astucieux peut paraître déconcertante. Cela parce qu’on y dit clairement qu’il était malhonnête, que le maître fait son éloge, et que Jésus nous le présente comme modèle… Modèle de quoi? Qu’une parabole nous intrigue n’est pas embarrassant, mais plutôt stimulant.

     
Le gérant astucieux

     Un homme est gérant dans un grand domaine agricole pour un riche propriétaire rassasié de biens. On l’accuse de mauvaise administration, et constatant ce que fait cet homme, on doit déduire que l’accusation s’est avérée exacte. Le châtiment prévu par le maître est de le démettre immédiatement de ses fonctions. Ainsi, lui qui vivait sans trop de soucis affronte maintenant une situation d’urgence. Cette information est capitale. Habitué aux affaires, l’homme se met à réfléchir sur la façon de s’en sortir, dans le cadre du système économique où il s’est débrouillé jusqu’à présent et qu’il connaît par le dedans.

     Il écarte deux solutions possibles qu’il ne se sent pas capable d’adopter : Travailler la terre? Je n’ai pas la force. Mendier? J’aurais honte (v. 3). L’homme fait des plans pour une autre solution, plus adroite. : créer de l’intérêt pour lui-même et chercher des complices. En d’autres termes, parmi les débiteurs du patron, faire de quelques-uns ses débiteurs à lui. À celui qui devait au patron cent barils d’huile, le gérant dit : Voici ton reçu; vite assieds-toi et écris cinquante (v. 6). Puis, il fait la même chose à un autre dont la dette passe de cent sacs de blé à quatre-vingts. Certains commentateurs disent qu’un pourcentage devait lui revenir de toute façon mais le récit n’appuie pas cette hypothèse. Il commet vraiment une fraude. En fin de compte, le patron étant riche, la perte de quelque mille deniers n’était pas excessive pour lui. La mauvaise administration du gérant était un préjudice plus grand et le patron voulait y mettre fin aussi cher que cela dût lui coûter.

Une leçon d’intelligence

     La solution de dernier recours est aussi fine que malhonnête; le patron admire l’homme ingénieux qui suit la tradition de sagesse du milieu ambiant . Un dicton affirme : Un homme avisé voit venir le malheur et se met à l’abri. Les gens irréfléchis y donnent tête baissée et le paient cher (Proverbes 22, 3). Il est indéniable que cet administrateur était un homme de talent. Il a usé habilement des quelques heures restantes avant de perdre définitivement de son emploi. Devons-nous ajouter une application pour notre propre compte? Les biens nous ont été confiés par Dieu pour les administrer. Il survient une situation d’urgence (le jugement de Dieu ?), et la gestion va se terminer. Avec cet argent auquel sont liées tant d’injustices petites et grandes, il faut se faire des amis en remettant les dettes, en faisant des faveurs aux autres qui sont des nécessiteux.

     Conclusion non moins déconcertante : Dieu lui-même, le patron victime de fraude, nous reçoit dans sa demeure éternelle. Qui donne au pauvre prête à Dieu (Proverbes 19, 17). La parabole se dénoue dans sa finale. Si vous n’avez pas été dignes de confiance avec l’Argent trompeur, qui vous confiera le bien véritable (v. 11). Il y a une prudence chrétienne qui est folie aux yeux du monde, mais à la lumière de l’évangile, elle est supérieure : il existe une prudence paradoxale.

Peut-on servir deux maîtres?

     Une parole de Jésus demeure dans toutes les mémoires : Aucun domestique ne peut servir deux maîtres : ou bien il détestera le premier, et aimera le second; ou bien il s’attachera au premier, et méprisera le second. Vous ne pouvez pas servir à la fois Dieu et l’Argent (v. 13). Un poète anglais du XVIIe siècle, Milton a personnifié l’Argent à partir du mot « mamon » (argent en hébreu). De là vient l’habitude d’opposer les deux divinités Dieu et Mamon dans les poèmes et les dictons populaires modernes. Le mot « servir », en grec douleuein ou dièkonein, est à remarquer. Il se trouve ailleurs dans un enseignement de Jésus sur lui-même : Le Fils de l’homme n’est pas venu pour être servi mais pour servir (dièkonein) et donner sa vie en rançon pour la multitude (Marc 10, 45). Là encore servir est associé à une somme d’argent que l’on donne pour la liberté. Il faut libérer un être aimé prisonnier de ses ravisseurs.

La personne avant toute chose

     L’expression pratique de l’attitude évangélique enseignée ici se trouve dans ces mille situations où il faut préférer les personnes aux choses. L’argent ne peut tout simplement l’emporter dans nos choix alors que le bien d’une personne est en jeu. Le chrétien, homme ou femme, entre en relation avec autrui de manière à faire passer chacun avant lui. Ce n’est pas d’abord son bien qu’il recherche mais celui des autres. Dans les échanges, il privilégie les problèmes des autres et non pas les siens. Dans sa manière d’entrer en relation, il exprime un profond respect d’autrui. Jésus, dans un style parfois rude, a fait sentir à des pêcheurs de Galilée que ce qu’il leur donnait n’était pas en vue d’un avantage personnel de retour. La gratuité de son style de vie a étonné.

    Le disciple d’aujourd’hui cherche à ce que les personnes se réalisent elles-mêmes et prennent conscience de leur dignité et liberté d’enfants de Dieu. La cordialité simple et vraie qu’il manifeste dans les relations exprime quelque chose de la Bonne Nouvelle qu’il annonce. Dans sa manière d’accueillir, il cherche à libérer et non à posséder, à écouter et non à exclure. De la sorte, il donne à pressentir quelque chose du Royaume à venir, dans un monde où les relations sont souvent marquées par l’intérêt, le profit, le jugement ou la domination. D’autre part, en ne se recherchant pas lui-même et en s’effaçant, il rend possible l’union avec le Christ de ceux qu’il rencontre. Parce qu’il ne fait pas acception de personne, il met en valeur la dignité de chaque femme et de chaque homme.

    La remise de dettes dans la parabole du gérant astucieux désigne sans doute également le pardon des offenses qui était communément figuré par l’abolition des dettes d’argent. La prière du Notre Père nous fait dire : Remets-nous nos dettes comme nous remettons à ceux qui nous doivent (Matthieu 6, 12). La version française a remplacé « dettes » par offenses pour faciliter la compréhension de la personne qui prie. Jésus a souligné l’importance du pardon : il a repris cette demande et il a ajouté : Si vous pardonnez aux autres le mal qu’ils vous ont fait, votre Père qui est au ciel vous pardonnera aussi. Mais si vous ne pardonnez pas aux autres le mal qu’ils ont commis, votre Père ne vous pardonnera pas non plus vos péchés (Matthieu 6, 14-15).

    Saviez-vous que les Inuits ont quinze mots pour désigner la neige? Eh bien! la Bible n'est pas en reste car elle possède un vocabulaire très varié pour exprimer la miséricorde. C’est la clémence, la compassion, la pitié, la merci, la tendresse mais également la remise de dettes et le pardon des offenses. La hesed du Premier Testament se retrouve dans la nouvelle alliance sous le mot grec de charis, la grâce, l’amour d’alliance, pourrions-nous dire dans les langues modernes. Tous ces sentiments se retrouvent en Dieu d’abord et on les identifie ensuite chez le croyant qui participe au pacte d’amour avec Dieu.

 

 

Source: Le Feuillet biblique, no 2110. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre biblique de Montréal.

 

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