Un cri, bien plus qu'une demande
La puissance de la foi : Luc
17, 5-10
Autres lectures : Habacuc
1, 2-3; 2,
2-4; Psaume
94(95); 1
Timothée 1, 6-8.13-14
À force de côtoyer quelquun on
finit par le mieux connaître. Cest là une évidence.
Mais il arrive aussi que ce compagnonnage nous aide à nous
découvrir nous-mêmes. La proximité ou lintimité
sont de bons révélateurs de la personnalité.
Cest ce qui semble se produire chez les disciples. Plus ils
vivent près de Jésus et laccompagnent sur les
routes de Galilée, plus ils se voient sous un autre angle
et pas toujours réjouissant.
Un grand cri du cur
Lenthousiasme du début,
les dangers et les risques encourus avec courage, apparaissent soudain
aux apôtres, sinon dépourvus de sens, du moins objet
de questionnement. Sommes-nous certains dêtre vraiment
à la suite du bon Maître? Le doute, pernicieusement,
se fraie un chemin. La foi semble ébranlée. Aussi
cet inconfort spirituel pousse les apôtres à sécrier
: Seigneur, augmente en nous la foi! (Luc 17, 5).
Une réponse déconcertante
Jésus ne répond pas
en leur certifiant quils sont sur la bonne route. Ni quils
suivent bel et bien le Messie de Dieu. Non. Jésus cherche
plutôt à les dépouiller de toute complaisance,
de toute recherche égoïste, de tout sentiment de supériorité.
Il en va de même dailleurs pour toute personne qui nourrit
le désir de se rapprocher de Jésus. Car faire lexpérience
de son intimité cest à coup sûr être
renvoyé à ses limites, à ses pauvretés
dêtre. Le regard de Jésus est décapant.
Il fait craquer le vernis de notre icône personnelle appliqué
souvent avec tant de soins et durant tant dannées.
La cause de la prise de conscience
Cest parce que les disciples
ont été témoins de la relation filiale de Jésus
avec son Père (Jean
5, 18) quils ont pu vérifier la petitesse de leur
foi. Cest en le voyant prier la nuit après une longue
journée de prédication quils ont saisi combien
ils ne savaient rien de la prière : Seigneur apprends-nous
à prier (Luc 11, 1). Cest en le voyant guérir
les infirmes quils ont compris combien boiteuse était
leur compassion. Cest en le voyant pardonner à des
pécheurs et des pécheresses notoires quils ont
réalisé combien était sévère
leur jugement (Luc
7, 39). Cest en le voyant sapprocher de leurs contemporains
avec bonté et tendresse quils ont saisi combien leur
cur avait besoin dêtre réchauffé.
Oui, Jésus a bien défini leur foi : plus petite
quune graine de moutarde! (Luc 17, 6).
La tentation du disciple
Se faire dire que notre foi na
même pas la taille dune infime semence nest pas
chose agréable ni glorieuse à entendre. Cest
pourquoi nous pourrions être tentés de nous prévaloir
de nos bonnes uvres, de nos bons coups, de nos longues heures
consacrées au service du Christ et de son Église pour
nous justifier ou pour sauver, encore une fois, notre image si minutieusement
fignolée. Pierre na-t-il pas succombé à
ce piège? Voici que nous, nous avons tout laissé
et nous tavons suivi, quelle sera donc notre part?
(Matthieu 19, 27).
Un long chemin à parcourir
Puisquil est question de Pierre,
ajoutons ceci : ce nest quaprès avoir parcouru,
comme lui, le long chemin quil a dû faire, chemin qui
ira de Béthanie à Jérusalem en passant par
le mont des Oliviers et celui du Golgotha, que nous pourrons comprendre
ces paroles de Jésus : Nous sommes des serviteurs quelconques
: nous navons fait que notre devoir (Luc 17, 10).
Lexpérience des disciples restera toujours laune
à laquelle tout baptisé devra se mesurer. Si les premiers
appelés ont découvert la fragilité et la petitesse
de leur foi en suivant le Christ, il en ira de même pour nous.
Mais cest au cur de cette douloureuse découverte
que la force du Seigneur nous sera donnée.
La richesse des dons de Dieu
La découverte de notre fragilité
ne doit cependant pas nous faire oublier combien nous sommes riches
des dons de Dieu. Combien aussi nous pouvons accomplir de grandes
choses avec laide de Dieu comme de commander à un arbre
cette folle entreprise : Déracine-toi et va te planter
dans la mer (Luc 17, 6). Paul aussi était conscient
de sa petitesse, mais il était tout aussi conscient dêtre
habité par la force de Dieu : Ce nest pas un esprit
de peur que Dieu nous a donné, mais un esprit de force, damour
et de raison (2 Timothée 1, 7).
Un dernier mot sur « la graine de moutarde »
Jaimerais apporter une précision
à propos du fait de comparer la foi à une graine de
moutarde. Dans nos contrées, paraît-il, on aurait choisi
une graine de tabac, la plus petite de nos semences. Où Jésus
voulait-il en venir au juste en se servant de cette comparaison?
Il voulait faire comprendre à son auditoire que la foi nest
pas toujours visible à lil nu mais quelle
se révèle une fois rendue à maturité
: comme par exemple limpressionnante feuille du tabac ou larbre
issu de la graine de moutarde. Pour emprunter un langage plus scientifique,
disons que la foi, cest un peu comme un grain duranium
qui peut déployer à lui seul une énorme énergie
qui dépasse des milliers de fois sa taille.
Un dernier mot sur « le serviteur quelconque »
Je me permettrai également de revenir,
en fin de commentaire, sur la phrase qui clôt lévangile
daujourdhui. La raison en est bien simple : qui na
pas eu à justifier cette phrase un jour ou lautre devant
une assemblée ou lors dune conversation? : Nous
sommes des serviteurs quelconques : nous navons fait que notre
devoir? (Luc 17, 10). Même si cette citation est
souvent controversée parce que difficile à accepter,
elle dit pourtant quelque chose de fondamental. Elle met lamour
en compétition avec le service. Elle assure quon na
jamais fini daimer ni de servir. Personne nest à
la hauteur en ces domaines. Qui le serait deviendrait un mercenaire
insolent. Lamour et le service véritables ne sévaluent
pas : ils sont gratuits, constants et fidèles : Celui
qui est insolent na pas lâme droite, mais le juste
vivra par sa fidélité (Habacuc 1, 4). Et
lon sait que fidélité et foi puisent la sève
nourricière avec la même racine.
Source: Le Feuillet biblique,
no 2112. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins
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biblique de Montréal.
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