Tenir longtemps
Parabole du juge qui se fait prier longtemps :
Luc
18, 1-8
Autres lectures : Exode
17, 8-13;
Psaume
120(121); 2
Timothée 3, 14 - 4, 2
Lévangile de Luc contient les plus
belles prières. Celle de Marie qui dit le merci le plus joyeux
qui soit : Mon âme exalte le Seigneur (le Magnificat, Luc
1, 46ss). Celle de Zacharie, le père de Jean Baptiste, qui
proclame sa foi en la résurrection : Soleil levant sur ceux
qui gisent dans lombre de la mort (le Benedictus 1, 68ss).
Celle de lenfant prodigue qui admet son péché
et reconnaît en Dieu sa miséricorde : Père,
jai péché contre le ciel et envers toi, je ne
mérite pas dêtre appelé ton fils (15,
21). Surtout celle de Jésus lui-même : Je te bénis,
Père, Seigneur du ciel et de la terre, davoir caché
cela aux sages et aux intelligents et de lavoir révélé
aux tout-petits (10, 21ss).
Un catéchisme sur la prière
Ailleurs, depuis la guérison des dix lépreux
(17,
11-19) jusquà la parabole du pharisien et du publicain
(18,
9-14), une section de lévangile de Luc pourrait
sintituler : « Leçons sur la prière ».
Les remerciements dun lépreux montraient dans la prière
daction de grâces le complément normal de la
prière de demande. La parabole exaltera la prière
humble du pécheur qui a besoin de miséricorde : Mon
Dieu aie pitié du pécheur que je suis! (18, 13)
Entre ces deux parties, on lit un discours de Jésus
sur le Jour du Fils de lHomme. Il est à comprendre
au sens de la demande du Notre Père : Que ton règne
vienne (Luc 11, 2). Le temps de lÉglise,
qui sépare la première venue de Jésus de la
deuxième, cest aussi le temps de la prière.
Jésus enseigne la constance que doivent y mettre les disciples.
Une veuve nous est présentée dont il faudra imiter
lesprit résolu
Il y a parfois des paraboles où lenseignement,
la conclusion morale, comporte de lambiguïté,
surtout pour les esprits occidentaux qui aiment la clarté.
La parabole de lintendant infidèle où lon
semble approuver un fraudeur est de celles-là. Ici, pas de
confusion possible. Le but de la parabole est indiqué bien
nettement par lévangéliste : Pour montrer
à ses disciples quil faut toujours prier sans se décourager.
Le portrait de Dieu est fait daprès celui
du juge inique. Dieu nest pas comme lui, bien au contraire.
Il est le Dieu juste avec la connotation particulière à
la justice qui est donnée dans la Bible. La justice nest
pas une répartition des biens selon un code de droits et
de devoirs. Cest bien plutôt un parti pris en faveur
des plus démunis comme la veuve importune. Ses élus
sont précisément ceux qui souffrent. Ils vivent le
paradoxe dIsraël qui na pris conscience de son
élection que dans la grande humiliation de lExil.
Les veuves dans lévangile de Luc
On pourrait écrire un chapitre particulier sur
les veuves tellement Luc les mentionne souvent. La prophétesse
Anne était restée veuve (2,
37). Jésus ressuscite un fils unique dont la mère
était veuve (7,
12), comme Élie lavait fait autrefois (4,
25); Jésus loue la veuve qui met des piécettes
dans le trésor du temple (21,
3). Dans les Actes, elles sont très présentes
dans la plainte des Hellénistes (6, 1) et autour de Pierre
(9,
39). La veuve représente un type. Dans la société
ancienne, la femme indépendante nexiste pas. Elle est
membre dune famille, elle dépend soit de son père
ou de son mari. La femme qui na plus lappui dun
homme peut donc se trouver en situation très difficile. Les
lois les plus archaïques ne lui donnent même pas le droit
à lhéritage. On pense à lInde où,
jusquà il y a peu de temps, la veuve simmolait
sur le bûcher funéraire de son mari, ayant perdu toute
raison de vivre.
Le portrait de Dieu nest pas celui des philosophes.
Jésus ne décrit pas un Dieu intangible, insensible
et transcendant. Plutôt, cest le Père attentif
au bien de ses enfants, comme la veuve. Sans tarder, il leur
fera justice. Il veut quon le prie avec insistance et
persévérance pour approfondir notre foi en lui et
ne pas nous imaginer que prier pour obtenir quelque chose cest
comme demander une faveur à mille autres bienfaiteurs.
La prière dans la Tradition
Pour résumer la relation de lêtre
humain à la prière, saint Augustin disait trois mots
latins : Mali, mala, male. Mali (mauvais), car nous prions
en pécheurs que nous sommes sans mérites à
cause de cela. Mala (mauvaises) car nous demandons les choses
mauvaises au sens derronées, les moins désirables
pour notre bien spirituel. Male (mal), car nous prions mal,
surtout avec un déficit dattention, de recueillement
et de continuité. Admettons quAugustin, ce grand penseur,
était souvent pessimiste sur la condition humaine. Cependant
saint Paul disait quelque chose de semblable : LEsprit
vient au secours de notre faiblesse; car nous ne savons que demander
pour prier comme il faut (Romains 8, 34) Nous devons
demander laide de lEsprit Saint qui nous permettra de
choisir le Christ comme modèle doraison et comme intercesseur
à la manière dun Fils.
Loraison dominicale, ou Notre Père, donne
de belles leçons sur la manière de prier puisque la
prière que Jésus a enseignée nous fait louer
Dieu en lappelant par le titre de Père. Nous sommes
ainsi incorporés au Christ, Fils par excellence. En disant
« Notre », nous proclamons notre fierté dappartenir
à lÉglise, à la communauté des
frères et surs de Jésus.
La demande du Règne accorde une préséance
aux droits de Dieu au-dessus des nôtres. Nous reconnaissons
que nous ne sommes quun faible maillon dans létablissement
des valeurs de justice et de paix quentraîne le Royaume
de Dieu.
Le sens très riche du mot « pain »
dans la quatrième demande du Notre Père doit être
bien mesurée. Nous demandons les biens de chaque jour pour
la subsistance. La santé du corps est utile pour la diffusion
du règne de Dieu. Aussi le pain est la réalité
surnaturelle du pain eucharistique. Moi je suis le pain de vie.
Qui vient à moi naura jamais faim; qui croit en moi
naura jamais soif. Moi, je suis le pain vivant, descendu du
ciel. Si quelquun mange de ce pain, il vivra pour toujours
(Jean 6, 35. 51).
La première lecture (Exode 17, 8-13)
raconte comment les bras levés de Moïse durant une bataille
ont obtenu les mêmes effets quune prière. Certains
gestes sont des prières. La vie de Moïse est tissée
de belles paroles adressées à Dieu dans un grand esprit
de foi : retenons-en une forme de prière, la supplication,
qui exige de la persévérance. Dieu ne nous délivre
pas toujours des épreuves ou parfois il met du temps à
le faire. Fatigué de son rôle, Moïse a dit : Que
je ne voie plus mon malheur, tue-moi plutôt! (Nombres
11, 14) Voilà une poignante demande de consolation
Source: Le Feuillet biblique,
no 2114. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins
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