Vive le roi!
Le jugement dernier : Matthieu 25, 31-46
Autres lectures : Ézéchiel 34, 11-12.15-17 ; Psaume 22(23) ; 1 Corinthiens 15, 20-26.28
Les sentiments suscités par la monarchie sont variés et ambivalents. On a du mal à croire que les rois et les reines appartiennent à une humanité différente qui les placerait au-dessus des humains ordinaires. Pourtant l’intérêt que leur portent les média, l’espèce de fascination que continuent d’exercer leurs faits et gestes montrent bien qu’ils ne sont pas tout à fait « comme tout le monde ».
La fête du Christ Roi est née dans une atmosphère polémique. Elle a été instituée par Pie XI, en 1925, en réaction aux persécutions religieuses qui se déroulaient alors, principalement en Union Soviétique et au Mexique. Le pape voulait réaffirmer la souveraineté universelle du Christ face à des régimes totalitaires et antireligieux. En la déplaçant à la fin de l’année liturgique, le calendrier issu de la réforme de Vatican II en a changé quelque peu la signification. Elle est devenue une fête de l’espérance, célébrant le Royaume déjà présent mais pas encore pleinement réalisé et vers lequel le peuple de Dieu est en marche.
Comme un berger veille... (Éz 34, 12).
Une fois n’est pas coutume! Commençons notre exploration par la première lecture. À première vue, le métier de roi et celui de berger ne semblent pas avoir beaucoup de choses en commun. Pourtant, au Proche Orient, on les trouve souvent associés; non seulement parce que David aurait gardé les troupeaux avant son élévation à la royauté (1 Samuel 16, 11-13; 2 Samuel 7, 8) mais surtout à cause d’une certaine analogie de situation : le berger veille sur son troupeau, le guide, le protège contre les dangers, n’est-ce pas là aussi le programme de tout roi soucieux des besoins de son peuple (cf. Ps 78, 70-72)?
Ceci explique le langage qu’Ézéchiel prête à Dieu. Après avoir condamné la conduite des mauvais bergers, c’est-à-dire des chefs civils et religieux qui ont conduit Israël à la catastrophe (Ézéchiel 34, 1-9), il annonce qu’il va désormais prendre en main la conduite de son peuple (v. 11). Dieu ne va pas confier le troupeau à un nouveau gardien plus compétent; il va le diriger lui même et éliminer les animaux indésirables (v. 17). Cette allégorie de Dieu roi berger sert de toile de fond à la scène du jugement final qu’on trouve dans l’Évangile de Matthieu.
Quand le Fils de l'homme viendra... (Mt 25, 31).
La venue en gloire du Fils de l’homme est un thème clairement eschatologique, c’est-à-dire relié à la fin de l’histoire et au jugement qui doit l’accompagner (cf. Matthieu 19, 28; 24, 30). L’image sous-jacente est celle d’un roi qui rend la justice dans une séance solennelle du tribunal. Transposée dans le monde de Dieu, elle a été utilisée d’abord dans le livre de Daniel (Dn 7, 13-14) et abondamment reprise dans le livre apocryphe d’Hénoch (1 Hen 46, 3-6; 48, 2-6 etc.). Les auditeurs de Jésus comme les lecteurs juifs de Matthieu se trouvent donc en présence d’un langage déjà familier. Jésus va d’ailleurs le reprendre en des termes à peine différents lors de sa comparution devant le Sanhédrin : Désormais vous verrez le Fils de l’homme siégeant à la droite de la Puissance et venant sur les nuées du ciel (Mt 26, 64).
Toutes les nations seront rassemblées... (v. 32).
Au-delà des controverses concernant l’extension exacte de l’expression toutes les nations, il paraît bien clair que l’humanité entière est concernée. On pense à la dernière parole de Jésus rapportée dans l’Évangile de Matthieu : Tout pouvoir m’a été donné au ciel et sur la terre. Allez donc, de toutes les nations, faites des disciples … (Mt 28, 18-19). Lors du jugement, les nations seront enfin rassemblées et Jésus exercera sa souveraineté universelle.
Les brevis et les chèvres (v. 32).
La tradition biblique n’a pas de préjugé favorable aux brebis par rapport aux chèvres; les deux animaux peuvent être offerts en sacrifice et être consommés lors de la Pâque (cf. Exode 12, 5).La comparaison porte sur l’opération de sélection; le juge séparera les humains les uns des autres comme le fait un berger. Cela suppose que le jugement a déjà eu lieu et que le sort de chacun est fixé; on assiste seulement au prononcé de la sentence.
Alors le roi dira... (v. 34).
Le Fils de l’homme est appelé roi (vv. 34.40) lorsqu’il annonce la récompense des justes. Il y a quelque chose de paradoxal d’entendre un roi dire : J’avais faim, j’avais soif, j’étais nu… Cela ne correspond pas à l’image d’un roi qu’on imagine riche, puissant, bien vêtu (cf. Mt 11,8). Dans les royaumes terrestres, c’est le roi qui se fait appeler bienfaiteur (cf. Luc 22,25). Dans le Royaume des cieux, la situation est inversée, le roi s’identifie aux plus pauvres de ses sujets (v. 40) et compte sur la bonté de chacun pour lui venir en aide.
Jésus ressuscité va promettre aux siens : Je suis avec vous jusqu’à la fin du monde (Mt 28, 20). Un des lieux de cette présence est son identification avec les plus petits qui sont (ses) frères (v. 40). Se préoccuper d’améliorer le sort de ceux dont la dignité humaine est compromise est une manière de servir le Christ et de construire son Royaume.
On a remarqué depuis longtemps que la liste des bonnes œuvres correspond, pour l’essentiel, à celle de Isaïe 58, 6-7. Jésus n’innove pas en exigeant des actes d’héroïsme ou des exploits extraordinaires, il reprend simplement un appel lancé depuis longtemps par la Loi et les Prophètes, être attentif aux besoins des plus faibles (cf. Mt 22, 20-26; Dt 24, 17-22).
Alors il dira à ceux qui sont à sa gauche... (v. 41).
Il ne faut pas exagérer la portée de ce qui n’est peut-être qu’une variante de style. Dans la seconde partie (vv. 41-45), le juge n’est pas appelé roi. Il ne règne pas sur ceux qui ont refusé de faire miséricorde et qui ont ainsi refusé sa royauté . Le jugement est sans miséricorde pour celui qui n’a pas fait miséricorde, mais la miséricorde se moque du jugement (Jacques 2,13; voir aussi : Mt 6, 14-15; 18,35; Luc 19, 27).
La participation au Royaume du Fils de l’homme exige la mise en pratique de la Loi nouvelle : Ce n’est pas en disant :« Seigneur, Seigneur » qu’on entrera dans le Royaume des cieux mais c’est en faisant la volonté de mon Père qui est dans les cieux (Mt 7,21).
Lorsque l’histoire sera achevée et que le Christ aura vaincu toutes les puissances du mal, du péché et de la mort (1 Corinthiens 15, 25-26) la création retrouvera alors sa splendeur originelle. Elle se soumettra à Dieu, non à la manière d’un esclave mais en reconnaissant librement la souveraineté divine, source de la vie et du bonheur.
Source: Le Feuillet biblique, no 2162. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins
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