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33e dimanche ordinaire B - 15 novembre 2009

 

 

Le Fils de l'homme est proche

La venue du Fils de l'homme : Marc 13, 24-32
Autres lectures : Daniel 12, 1-3; Psaume 15(16); Hébreux 10, 11-14.18

 

Il y a une certaine ironie à proclamer dans la liturgie la parabole du figuier qui annonce l’été (v. 28) alors que tout l’hémisphère nord s’apprête à entrer dans l’hiver. Dans le déroulement de l’Évangile de Marc ce discours conclut l’activité publique de Jésus ; il se situe juste avant le récit de la passion qui commence en 14, 1. Le thème central est celui de la venue du Fils de l’homme (cf. v. 26). Cette vision s’accompagne de souvenirs empruntés à l’Ancien Testament ou à la littérature juive de style apocalyptique, populaire à l’époque où Marc écrit son évangile.

On verra le Fils de l’homme … (v. 26)

     Les auditeurs de Jésus comme les lecteurs de Marc devaient sans doute reconnaître une référence à la vision du prophète Daniel : Voici, venant sur les nuées du ciel, comme un fils d’homme. Il s’avança jusqu’à l’Ancien et fut conduit en sa présence. À lui fut confié empire, honneur et royaume, et tous les peuples, nations et langues le servirent. Son empire est un empire éternel qui ne passera pas et son royaume ne sera pas détruit (Daniel 7, 13-14). À l’origine, la figure mystérieuse du Fils d’homme représente le « petit reste » d’Israël, les fidèles qui auront résisté aux persécutions et qui recevront de Dieu une juste récompense pour leur courage et leur persévérance. Peu à peu, l’interprétation se concentra sur la personne du Messie qui représente le meilleur d’Israël et porte en lui toute l’espérance dans les promesses divines. En conséquence, Jésus s’est reconnu dans ce personnage et il a employé souvent l’expression Fils de l’homme pour parler de lui-même. Mais, pour ses auditeurs, il n’était sans doute pas évident que Jésus s’identifiait au Fils de l’homme; il aurait pu annoncer la venue de quelqu’un d’autre, comme Jean Baptiste l’avait fait. Par ailleurs, au moment de la mise par écrit des évangiles, il ne fait pas de doute que les chrétiens acceptaient comme allant de soi l’identité du Fils de l’homme avec Jésus.

     Lors de sa comparution devant le grand prêtre Jésus déclare : Vous verrez le Fils de l’homme siégeant à la droite de la Puissance et venant avec les nuées du ciel (Mc 14, 62); de son côté le rédacteur de la finale de l’Évangile de Marc écrit : Or, le Seigneur Jésus… fut enlevé au ciel et s’assit à la droite de Dieu (Mc 16, 19). La résurrection réalise la promesse de glorification du Fils de l’homme mais l’histoire de l’humanité se poursuit, même au-delà de ce tournant décisif. C’est pourquoi les disciples doivent toujours vivre dans l’espérance, tendus vers le moment où la royauté du Christ sera pleinement manifestée et son Royaume établi de manière définitive.

Les puissances célestes seront ébranlées (v. 25)

     Comment peut-on parler d’une réalité au-delà de l’histoire et qui doit mettre fin à l’histoire, du moins sous la forme que l’on connaît? Pour y arriver, les auteurs du Nouveau Testament disposent d’un répertoire d’images et d’expressions élaboré par leurs devanciers de l’Ancien Testament, surtout en lien avec l’annonce du jour de Yahvé, par exemple : Le soleil se changera en ténèbres et la lune en sang avant que ne vienne le jour de Yahvé, grand et redoutable (Joël 3,4), car, au ciel, les étoiles et Orion ne diffuseront plus leur lumière. Le soleil s’est obscurci dès son lever, la lune ne fait plus rayonner sa lumière (Isaïe 13,10). Évidemment, il ne s’agit pas d’un reportage anticipé de la fin des temps mais de l’affirmation d’une conviction de foi : le monde présent, marqué par le péché et par la mort, n’est pas le dernier mot de Dieu sur sa création. Il viendra un jour où tout ce qui est atteint par le mal et la souffrance disparaîtra et où Dieu fera surgir une création nouvelle (cf. Apocalypse 21,1). Alors les élus provenant des quatre coins du monde (v. 27) c’est-à-dire de partout, seront rassemblés dans l’amour de Dieu. Malgré l’aspect inquiétant de certaines images, il s’agit d’un message d’espérance, d’une Bonne Nouvelle. Après la détresse actuelle, Dieu triomphera et son projet de salut sera enfin réalisé.

Le Fils de l’homme est proche (v. 29)

     Le chapitre 13 de l’Évangile de Marc s’ouvre par une annonce de la destruction du Temple de Jérusalem (v. 2). Pierre demande alors quand se produira cette catastrophe et quels signes l’annonceront (v. 4). La réponse de Jésus unit dans un même discours l’événement historique de la ruine de Jérusalem et de son sanctuaire avec la vision supra historique de la venue glorieuse du Fils de l’homme. Les événements de la guerre juive des années 67-73, culminant dans l’incendie du Temple le 29 août 70, sont présentés comme une sorte de répétition générale du jugement final et de la venue du Règne de Dieu. Il en résulte pour nous une certaine confusion; on ne sait pas toujours si telle parole de Jésus se rapporte à l’une ou l’autre situation ou aux deux à la fois. Quoi qu’il en soit, le message invite, encore ici, à la confiance. Le Fils de l’homme est tout proche, à votre porte (v. 29), il ne s’agit pas d’une menace, bien au contraire. Même dans les moments les plus difficiles- guerres, persécutions – le Seigneur n’est jamais loin des siens. La perspective de sa venue soutient le courage et l’espérance (cf. Philémon 4,5).

Quant au jour et à l’heure… (v. 32)

     Il est impossible d’éviter cette difficulté célèbre : Quant au jour et à l’heure, nul ne les connaît… pas même le Fils mais seulement le Père (v. 32). Jésus affirme l’absolue souveraineté de Dieu sur le déroulement de l’histoire; rien n’arrive par hasard ou sans que le Père l’ait voulu. Il en va de même de l’avènement du Royaume qui se produira au moment choisi. Par ailleurs, il ne faut pas lire l’Évangile de Marc dans la perspective de celui de Jean, écrit 30 ans plus tard. Marc reconnaît que Jésus est pleinement Fils de Dieu (cf. Marc 1,1 et 15,39) mais il n’a pas élaboré une réflexion théologique sur les conséquences de cette filiation. Les membres de la communauté pour laquelle il écrivait ne devaient pas être choqués par l’aveu d’ignorance mis dans la bouche de Jésus comme ont pu l’être certains chrétiens des générations suivantes.

Il est assis à la droite de Dieu (Hébreux 10, 12)

     Cette affirmation apparaît à plusieurs reprises dans le Nouveau Testament  (cf. Mc 14, 62; 16, 19; Ép 1, 20 etc.)et se retrouve dans la profession de foi : Il est assis à la droite de Dieu, le Père tout-puissant, d’où il viendra juger les vivants et les morts (Symbole dit des Apôtres). Affirme-t-on comme une vérité de foi que le Christ doit demeurer dans la position assise pour l’éternité? Évidemment non. Être invité à s’assoir à la droite du souverain signifie être associé à son pouvoir et partager ses honneurs (cf. 1 Rois 2,19). Cette image est reprise pour exprimer les relations de Dieu avec le roi qu’il a choisi : Oracle de Yahvé à mon seigneur : « Siège à ma droite jusqu’à ce que j’aie fait de tes ennemis l’escabeau de tes pieds » (Psaume 110 (109), 1). Dieu lui-même invite le roi – son lieutenant sur la terre – à siéger à sa droite pendant qu’il réduit ses ennemis à l’impuissance. Ce poème, écrit probablement à la gloire d’un roi de Juda, est réutilisé abondamment dans le Nouveau Testament en rapport avec Jésus (cf. Mt 22, 41-46 et parallèles; Ac 2, 35; He 7, 11-25). Dans le passage retenu par la liturgie, l’auteur montre que le sacrifice unique du Christ a pleinement réalisé ce que les rites de la Loi juive ne pouvaient pas accomplir : le pardon des péchés. Par sa mort et sa résurrection Jésus a délivré l’humanité, il peut donc partager la souveraineté de Dieu son Père et régner avec lui dans le ciel.

     Ce point de vue diffère de celui exprimé dans l’évangile mais il ne s’y oppose pas. La victoire du Christ est déjà acquise mais l’histoire se poursuit jusqu’à ce que le Royaume de Dieu soit établi pleinement et jusqu’à ce que ses ennemis soient mis sous ses pieds (v. 13).

En ce temps-là viendra le salut… (Dn 12,1).

     Le livre de Daniel est l’un des plus mystérieux de l’Ancien Testament. Écrit dans la première moitié de 2e siècle avant notre ère, au plus fort de l’affrontement entre le judaïsme et la culture grecque dominante, il veut soutenir le courage des résistants et les inciter à lutter pour leur foi. Malgré le fait que les persécuteurs semblent victorieux, Dieu n’a pas abandonné son peuple; tel est le message fondamental, repris à travers un foisonnement d’images presque délirant.

     On y trouve l’affirmation la plus explicite de tout l’Ancien Testament concernant la résurrection et le jugement (v. 2). Parce que Dieu est fidèle, il ne peut abandonner ceux qui se confient à lui et même meurent pour lui. Il intervient pour les sauver même au-delà de la mort. Pareillement, sa justice exige qu’il ne laisse pas impunis ceux qui se sont révoltés contre lui.

     Cette promesse se réalisera en Jésus, le juste par excellence, le premier ressuscité. Elle soutient encore l’espérance des fidèles en marche vers le Royaume parfaitement accompli.

 


Jérôme Longtin, ptre

 

Source: Le Feuillet biblique, no 2204. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre biblique de Montréal.

 

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