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33e dimanche ordinaire C - 14 novembre 2010

 

 

Quelle solidité au cœur de mes fragilités?

Annonce de la destruction du Temple : Luc 21, 5-19
Autres lectures : Malachie 3, 19-20a; Psaume 97(98); 2 Thessaloniciens 3, 7-12

 

Nous avons construit le monde de belle façon depuis deux ou trois générations. Il est donc choquant de s’entendre dire : « La fin est proche »! Pourtant, quand on considère la dégradation de nos infrastructures d'aqueduc et d'autoroutes, quand on pense à nos ponts qui s'écroulent, ou quand on regarde un film comme 2012, on se dit qu'il n'y a pas grand-chose que nous construisons qui soit vraiment durable. Un volume récent, Homo disparitus, prévoit ce qui se passerait si notre espèce ne pouvait plus entretenir ses constructions. Tout ce que nous avons bâti ou fabriqué est voué à la disparition et à l’oubli en un demi-millénaire. Constat troublant!

Au-delà des grandes peurs : Jésus!

     J’ai découvert cette limite de nos réalisations alors que je faisais la file pour entrer aux magnifiques Floralies de Montréal. Après deux heures d'attente au Vélodrome olympique, j'arrive enfin aux portes d'entrée. Soudain, un ouvrier de la construction qui était proche de moi passe la main sur une colonne de béton et se demande à haute voix : « Que va-t-il se passer si cette colonne s'effrite? » J’ai compris ce jour-là une triste réalité : le Stade olympique, ce n'est qu'un milliard de dollars de fragilité! J’ai saisi la pertinence pour l’évangile de dénoncer nos illusions. J’ai pensé justement à l’évangile de ce dimanche : Certains disciples de Jésus parlaient du Temple, admirant la beauté des pierres et les dons des fidèles. Jésus leur dit : " Ce que vous contemplez, des jours viendront où il n'en restera pas pierre sur pierre: tout sera détruit. (Luc 21, 6)

     À Jérusalem, on voit encore les blocs de pierre qui restent du Temple connu par Jésus. Ces blocs sont gros comme des maisons.  La vision d’avenir de Jésus ne faisait pas dans la dentelle!  L’échéance dont parle Jésus dans l'évangile doit être un événement énorme. Ce ne peut être seulement cette « fin du monde symbolique » que nous vivons lorsque nous connaissons un échec, lorsque nous vivons un deuil... C'est sans doute quelque chose de plus gigantesque que la nostalgie personnelle qui nous étreint en novembre. Parler de nos échecs, parler de notre mort individuelle, c’est une façon poétique d'aborder les propos de Jésus. Mais il faut aussi évoquer la dimension collective, communautaire qui se véhicule dans ses propos sur le témoignage. Ces dimensions, intégrées à notre témoignage personnel, serviront à gouverner notre vie de disciples, cette semaine et dans les mois à venir. À la manière des premiers disciples, le regard à long terme de Jésus influencera notre présent et notre futur immédiat.

Au-delà du présent : l’avenir avec Dieu

     Au premier siècle de notre ère, dans le monde méditerranéen, l’immense majorité des gens partageait la sagesse paysanne.  Cette mentalité s’intéressait en priorité au présent immédiat.  Quand la vie accordait un peu de répit, on rêvait au très proche futur. Le reste semblait hors de portée. L’avenir appartenait à Dieu seul. Quiconque pouvait parler d’avenir en voyant démontrées ses affirmations devait nécessairement être un envoyé de Dieu.

     Tel est le contexte des propos terrifiants de Jésus rapportés par saint Luc. Ces propos sont mis par écrit après la destruction réelle de Jérusalem par les Romains en l’an 70. Les propos de Jésus qui prédisent la destruction de la ville s’avèrent exacts.  Cela confère une crédibilité accrue à son message global. Pour en savoir autant, Jésus doit vraiment être un homme de Dieu, un excellent porte-parole, littéralement : un prophète.

     L’évangile n’est pas un reportage en direct des propos de Jésus. C’est plutôt une mise en récit destinée à construire graduellement la crédibilité de celui qui a été rencontré bien vivant au-delà de sa mort en croix. Notre admiration pour cet homme de Dieu pourrait être diluée par notre compréhension des mécanismes de rédaction de l’évangile. En étant informés de cette procédure de rédaction, des gens vont déplorer que tout cela soit « arrangé avec le gars des vues ». Ce serait oublier que, oui, tout récit est une construction! Ce serait aussi oublier que tout récit évangélique entend faire partager une expérience positive de rencontre du Ressuscité. Ce genre de récit vise à inclure, pas à tromper et à exploiter! L’évangile, c’est une communication destinée à sauver les gens, à les faire grandir en communion avec Dieu.

     Cette communication est d’autant plus bénéfique qu’elle permet de faire face à des tensions terribles : les tensions vécues par les témoins de la Résurrection, puis par les témoins des témoins de la Résurrection… Certes, les disciples durent affronter avec leur peuple les grands malheurs de la domination romaine. Il leur fallut en plus affronter la méfiance suscitée par leur nouveau culte, leur nouvel ensemble de croyances, leur nouveau mode de vie, leur nouvelle manière de vivre les liens sociaux.

     Les affres du témoignage en faveur de Jésus furent plus compliquées à gérer que les désagréments logistiques du soulèvement contre les Romains. Encore une fois, l’évangile montre comment Jésus avait vu venir les contraintes des temps nouveaux où vivraient ses disciples. La crédibilité de Jésus repose davantage sur le réconfort offert aux disciples chargés de témoigner que sur ses seules prédictions quant au sort de la Ville sainte. Avec de tels avertissements, les disciples savent comment se comporter. Avec de telles prémonitions, les disciples ne sont jamais pris au dépourvu. 

Au-delà du terrible présent : la persévérance

     On le constate, il y a dans l’évangile plus que des prédictions d’avenir. Il y a une sagesse adaptée à la relation Seigneur-disciples et au témoignage quotidien qu’elle exige. Cette sagesse peut équiper chaque personne qui décide d’inclure la présence du Ressuscité dans sa vie. Au bénéfice des alliés du Seigneur de l'univers, Jésus n’hésite pas à évoquer les tremblements de terre intérieurs qui accompagnent le témoignage (Luc 21, 12). Quand nous vivons l'opposition des proches, des parents, frères, de la famille, des amis à cause de notre attachement têtu à Jésus, nous vivons le mystère de fin et de recommencement décrit par Jésus.  Nous sommes alors à même d’attester la validité de ses annonces!

     Notre petit monde semble s’effondrer quand les repères de notre foi sont méprisés sur la place médiatique ou quand les balises de notre foi sont ridiculisées par le premier ignorant venu.  Pourtant, c’est le moment de tenir bon. Le moment d’affronter le jour du Seigneur, brûlant comme une fournaise (Malachie 3, 19) ne sera pas synonyme de destruction pour les alliés de Dieu. Vous serez détestés de tous, à cause de mon Nom. Mais pas un cheveu de votre tête ne sera perdu. C'est par votre persévérance que vous obtiendrez la vie (Luc 21, 17-19). Ainsi se confirme l’autre annonce (positive celle-là) contenue dans la première lecture : Pour vous qui craignez son Nom, le Soleil de justice se lèvera… (Malachie 3, 20).

     En 70, à la chute de Jérusalem évoquée dans l'évangile, « persévérer » a signifié se mettre en route. Laissant derrière eux les ruines de la Ville sainte, les chrétiens sont partis définitivement sur les routes du monde gréco-romain. Ils étaient convaincus de la maturité prochaine des temps et du retour imminent de Jésus comme Seigneur de l'univers. Nous vivons en chrétiens et en chrétiennes aujourd'hui grâce à cette lancée qui ne s’est jamais démentie.

 

Alain Faucher, ptre

 

Source: Le Feuillet biblique, no 2247. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre biblique de Montréal.

 

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