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24e dimanche ordinaire A - 11 septembre 2011

 

 

Pardon illimité!

Le pardon entre frères : Matthieu 18, 21-35
Autres lectures : Siracide 27, 30 - 28,7; Ps 102(103); Romains 14, 7-9

 

Tout d’abord, une mise au point s’impose : le judaïsme, la religion de Jésus, enseignait déjà le pardon des offenses. Mais cette prescription visait la rectitude morale. C’est pourquoi des questions surgissent : existe-t-il des limites au pardon? Si oui, combien de fois pardonner? Bien sûr les rabbins enseignaient à leurs disciples le nombre de fois que ces derniers pouvaient pardonner en fonction des catégories de personnes : épouse, enfants, frères… Mais cet enseignement variait d’une école à l’autre. Quant à Pierre, il veut savoir combien de fois Jésus l’autorise à pardonner (Mt 18, 21). Il semble vouloir une réponse précise plus qu’un conseil. Veut-il établir une comparaison entre l’enseignement des rabbins et celui de son Maître et Seigneur? Rien ne nous défend de le penser.

Le fondement  de la vie chrétienne

     Le christianisme fait du pardon des offenses et de la réconciliation entre offenseur et offensé, des incontournables. Rien n’est à prendre ou laisser : on doit pardonner. D’ailleurs nous sommes déjà au fait par d’autres enseignements de Jésus. Lorsqu’il nous dit, par exemple, à propos des interprétations de la Loi : Vous avez appris : …tu haïras ton ennemi. Et moi je vous dis aimez vos ennemis (Mt 5,43-44). Nous avons là une nouvelle interprétation qui deviendra le fondement de la vie chrétienne. Ajoutons aussi la prière du Notre Père que Jésus nous a enseignée et qui nous rappelle d’une manière explicite la manière dont nous voulons être pardonnés : Notre Père…, pardonne-nous nos offenses comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés (Mt 6, 12). Le comme est la clé du trésor qui nous ouvre aux richesses du pardon du Père. Il nous revient de nous en servir. Ajoutons que la première lecture tirée du livre de Ben Sirac est une évocation lointaine du Notre Père lorsqu’on y lit : Pardonne à ton prochain le tort qu’il t’a fait (Siracide 27, 2). C’est en quelque sort l’abolition de la loi du Talion.

Un pardon infini

     Pierre en proposant à Jésus d’aller jusqu’à pardonner sept fois à son frère qui l’a offensé (Mt 18, 21), va au-delà de la tradition rabbinique qui dépassait rarement quatre fois. Cependant, la réponse de Jésus doit l’avoir déconcerté. Elle doit lui avoir appris que sa bonté de cœur est encore bien légaliste. Qu’elle est encore bien loin, en somme, de ce que Jésus va lui proposer. En effet, Jésus lui affirme que le pardon n’a pas de limite. L’évocation du soixante-dix fois sept fois (v. 22) n’est pas comptabilisable. Pourquoi? Parce que le chiffre biblique sept symbolise la plénitude, la totalité. Et Pierre, en bon juif, est bien au courant de la signification de ce nombre.

Un commandement nouveau

     Jésus, pour convaincre Pierre, -j’irais même jusqu’à dire pour le convertir-, va lui servir une parabole. Une parabole qui n’est en somme que l’application du commandement nouveau qu’il vient d’apporter au monde. N’oublions pas que la vengeance était une loi sacrée dans tout l’Orient ancien, alors que le pardon était considéré comme une humiliation, comme une lâcheté. Jésus entend bien mettre un terme à cette culture vengeresse : ses disciples devront apprendre à pardonner sans restriction, donc sans limite. On ne peut imaginer aujourd’hui ce que ce revirement exigera de ces derniers. Ils devront faire table rase de tout l’enseignement reçu. Ces mêmes exigences seront aussi demandées à ceux et celles qui accepteront de se mettre à son école pour la suite des âges. Et nous sommes de ceux-là.

Une parabole de la démesure

     Faisons une relecture de la parabole pour bien saisir son enseignement. Le créancier donne l’ordre infamant de vendre le débiteur, avec femme et enfants, et d’ajouter aussi la vente de tous ses biens (v. 25). Ici se situe le pic de l’histoire, le sens obvie comme on dit en théologie. La raison en est bien simple : tout l’argent obtenu de cette vente correspondrait à une somme ridicule en regard des dix mille talents de la dette (v. 24), qui est une somme astronomique. Cela est voulu pour frapper l’imaginaire. Elle sert à mettre en relief l’énormité de la dette d’un de ses serviteurs. Ce dernier n’a d’autre choix que de se prosterner, d’implorer la patience de son créancier et de promettre de tout rembourser (v. 26). Le maître condescendra.

Une attitude révoltante

     La suite de la parabole nous est bien connue parce qu’elle nous révolte. Nous apprenons que le débiteur gracié se change en créancier impitoyable. Pourtant la dette du second débiteur est minime voire ridicule. Que sont cent pièces d’argent comparées à dix mille talents? (v. 28). Ce créancier méchant et cruel va jusqu’à vouloir étrangler son compagnon même si ce dernier pose les mêmes gestes que lui-même avait auparavant posés devant son maître : Alors, tombant à ses pieds, son compagnons le suppliait : prends patience envers moi et je te rembourserai (v. 29). Mais son attitude révoltante se retournera contre lui. Des compagnons ont été témoins de son intransigeance et de sa cruauté. Le maître, mis au courant, le livrera aux bourreaux (v. 33).

L’approfondissement de la parabole

     L’introduction de la parabole (v. 23) situe la question du pardon dans une perspective beaucoup plus large que le règlement d’un conflit, d’une mésentente, d’un affront entre deux personnes. C’est le Royaume des cieux qui est en jeu. L’entrée dans ce Royaume, la demeure du ciel, dépendra de la manière dont chacun, chacune de nous aura pardonné. Il s’agit là du jugement ultime, du jugement dernier selon l’expression traditionnelle, lorsque Dieu viendra établir son règne définitif. Ce jour-là, la sentence prononcée par Jésus s’appliquera : C’est ainsi que mon Père céleste vous traitera si chacun de vous ne pardonne pas à son frère de tout cœur (v. 35). Le ainsi évoque la condamnation qui fera en sorte que ceux et celles qui refuseront de pardonner seront livrés aux bourreaux comme le serviteur (v. 34). Mais la miséricorde de Dieu n’a pas de limite elle non plus. La fin de la phrase en témoigne : Jusqu’à ce qu’il eût tout remboursé. Rien n’est jamais définitif pour Dieu.

Le sens christique de la parabole

     Pour conclure disons que l’application à la vie de la communauté chrétienne est facile à faire. D’ailleurs nous l’avons souligné tout au long de ce développement. Mais je me permets d’y revenir car c’est là l’unique but de cette histoire pour le moins bouleversante. Si donc le disciple doit pardonner sans limite de fois et sans égard pour la gravité de la faute, c’est que Dieu lui a déjà manifesté sa miséricorde en lui envoyant son Fils, Jésus. Cette règle du pardon mutuel doit dorénavant s’appliquer en toute occasion puisque c’est là, nous n’insisterons jamais assez sur ce point, la marque distinctive des communautés réunies au nom du Christ. Certes, ce pardon inconditionnel n’est pas facile. Il peut même devenir héroïque dans certaines situations. Des témoignages émouvants nous l’ont démontrés d’ailleurs. Sans le secours divin, sans la grâce de Dieu nous ne pouvons prétendre y parvenir. Il s’agit là d’une mort à nous-mêmes c’est-à-dire à notre esprit de vengeance naturel, liée à notre condition pécheresse. Mais comme le dit l’Apôtre Paul : Aucun d’entre nous ne vit pour soi-même et aucun ne meurt pour soi-même (Romains 14, 7). Car nous vivons et nous mourons pour le Seigneur, ajoute-t-il.

 

Ghislaine Salvail, SJSH

 

Source: Le Feuillet biblique, no 2281. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre biblique de Montréal.

 

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