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2e dimanche de Pâques A - 1er mai 2011

 

 

Mystérieuse présence

Jésus apparaît à ses disciples : Jean 20, 19-31
Autres lectures : Actes 2, 42-47; Ps 117(118); 1 Pierre 1, 3-9

 

Comment se fait-il que les disciples, témoins des manifestations du Ressuscité, ne reconnaissent jamais Jésus d’emblée? Les récits évangéliques d’apparition de Jésus ressuscité, avouons-le, revêtent un caractère mystérieux. Mystérieux car raconter la résurrection, pour les évangélistes, relève du tour de force. Comment, en effet, raconter l’indicible? Comment traduire l’expérience extraordinairement singulière des témoins oculaires du troisième jour?

     Il s’agit pour eux de tenir ensemble deux facettes du mystère de la résurrection : l’altérité et la continuité. Altérité, car la façon d’être présent au monde de Jésus est toute autre que celle qu’avaient jusqu’à maintenant expérimentée les disciples, marchant avec lui en Palestine. Continuité, car c’est bien le même homme, Jésus, qui se manifeste à eux, celui qui est mort devant eux sur le Golgotha et non pas un fantôme, ou un pur esprit divin.

     Ainsi, dans le récit de ce dimanche, Jean nous dit l’altérité de la présence de Jésus par la manière toute nouvelle qu’il a d’entrer dans la maison verrouillée et par le retard des disciples à le reconnaître. La continuité, quant à elle, est traduite par l’insistance de tout l’épisode à montrer ou à faire toucher les plaies de sa crucifixion. La résurrection n’a pas fait disparaître l’humanité de Jésus, il porte les empreintes de son histoire; c’est bien l’homme-Jésus qui se manifeste à eux, à nouveau vivant, mais d’une autre façon.

De dimanche en dimanche

     Deux des quatre manifestations du Ressuscité racontées par Jean nous sont donc servies en ce dimanche. Remarquez combien l’auteur insiste sur le moment de ces apparitions lors des trois premières. Celle à Marie Madeleine : Le premier jour de la semaine 1, Marie Madeleine se rend au tombeau de grand matin… (Jn 20,1); celle aux disciples en l’absence de Thomas : Ce même soir, le premier jour de la semaine, les disciples avaient verrouillé les portes du lieu où ils étaient… (Jn 20,19) et enfin, aux disciples en présence de Thomas : Huit jours plus tard 2, les disciples se trouvaient de nouveau dans la maison, et Thomas était avec eux (Jn 20,26).

     Pourquoi une telle insistance de Jean sur le premier jour de la semaine? Vous me direz peut-être, « parce que c’est ce qui s’est passé historiquement ». Certainement! Du moins, avec Jean, les trois autres évangélistes rapportent une manifestation du Ressuscité à Marie-Madeleine le premier dimanche suivant le vendredi du calvaire 3. Mais pourquoi, celle en présence de Thomas n’a lieu que huit jours plus tard, donc le dimanche suivant? En raison de ce qu’évoque l’expression « premier jour de la semaine » pour les chrétiens de la fin du premier siècle à qui l’évangéliste s’adresse, expression directement associée au rassemblement liturgique que l’on fait en mémoire de Jésus depuis qu’il est sorti vivant du tombeau.  De ne réserver les manifestations du ressuscité qu’au dimanche est la manière pour l’évangéliste de dire, en somme, à sa communauté : « N’en doutez pas! Lorsque nous sommes rassemblés en mémoire de lui chaque premier jour de la semaine pour la fraction du pain, le ressuscité se rend tout aussi présent à nous qu’aux témoins de la première heure ». La béatitude que sert Jésus à Thomas en finale de notre évangile, Heureux ceux qui croient sans avoir vu, renforce cette idée d’un évangéliste soucieux de soutenir la foi de sa communauté en la présence réelle de Jésus en ces rassemblements, une communauté qui, quelque soixante ans plus tard, pouvait être envieuse des témoins oculaires du Ressuscité.

Une nouvelle création

     Si, par l’utilisation des expressions « premier jour de la semaine » ou « huitième jour », l’évangéliste fait appel au rassemblement liturgique des premiers chrétiens, peut-être suggère-t-il également qu’une nouvelle création est inaugurée par la résurrection du Christ? En effet, bibliquement, on le sait, une création est l’affaire d’une semaine (6 jours de création, un jour de repos; voir le premier récit de création en Gn 1,1-2,4).

     Un nouveau « premier jour de la semaine » pourrait donc évoquer le début d’une nouvelle création. À preuve que c’est bien là l’intention de l’évangéliste : ici, le Ressuscité se comporte en créateur, en soufflant sur ses disciples, tout comme Dieu avait soufflé autrefois dans les narines de l’homme modelé de poussière pour qu’il devienne un être vivant (voir le second récit de création en Gn 2,7). En faisant poser ce geste au Ressuscité, l’évangéliste n’est-il pas en train de nous dire deux choses? Premièrement, il affirme la divinité de Jésus en lui faisant poser un geste réservé au Dieu créateur. Deuxièmement, il suggère que l’homme est recréé par la résurrection du Christ 4. La première création de l’homme se trouvait en effet, bibliquement parlant, dans une impasse. On se rappelle le récit : en conséquence de sa première désobéissance, le premier souffle de vie insufflé dans les narines d’Adam dût lui être repris, faisant de lui un être mortel comme toute créature terrestre (voir Gn 2,17 et 3,19). L’humanité avait donc besoin d’être recréée pour aspirer à la vie en plénitude. Voilà qui se réalise par la résurrection du Christ qui brise la mort. Le souffle de celui qui a vaincu la mort, de celui qui donne le pouvoir de remettre les péchés, ce souffle, l’Esprit Saint, une fois donné, ne peut plus être repris, il fait vivre éternellement, il fait l’homme nouveau. Remplis de cet Esprit Saint, les disciples sont donc envoyés en mission par le Christ pour témoigner de cette paix de Dieu, de ce pardon, source de vie (Jn 20,23.31).

Une grande profession de foi

     On a souvent injustement fait de Thomas, dans la prédication de l’Église ou la piété populaire, l’icône de l’incrédulité coupable! Et pourtant, en relisant entièrement le quatrième évangile, on ne trouve pas plus belle et plus parfaite profession de foi que celle qui sort de la bouche de ce dernier. Ce que le lecteur de l’Évangile savait déjà depuis le Prologue théologique, à savoir que Jésus est Seigneur et Dieu, c’est à ce pauvre Thomas, que Jésus poursuit de son amour, qu’est donné l’insigne honneur de le dévoiler à ses condisciples. Belle preuve d’une Miséricorde qui veut, pour tous, que nous ayons la vie en son nom.

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1 Évidemment, le dimanche.

2 Selon la manière biblique de compter les jours, aujourd'hui comptant pour le jour un , « huit jours plus tard » nous emmène donc au dimanhe suivant.

3 C'est pourquoi le dimanche est devenue le « Jour du Seigneur ».

4 Que la venue du Christ soit source d'une nouvelle création est une idée chère à Jean, récurrente dans tout son évangile. Le quatrième évangile commence d'ailleurs par les mots Au commencement, les mêmes mots grecs qui débutent la Bible par le récit de la création.

 

Patrice Bergeron, prêtre

 

Source: Le Feuillet biblique, no 2271. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre biblique de Montréal.

 

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