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3e dimanche de Carême B - 11 mars 2012

 

 

Le Temple de son corps et du nôtre

La purification du Temple : Jean 2, 13-25
Autres lectures : Exode 20, 1-17; Psaume 18(19); 1 Corinthiens 1, 22-25


Selon l’exégèse actuelle, il faut situer l’épisode des vendeurs du Temple dans le contexte des actions prophétiques de l’Ancien Testament. En effet, les prophètes étaient des hommes intimement liés aux problèmes vécus par leurs contemporains. Pour le signifier, il leur arrivait souvent de poser des gestes spectaculaires et quelquefois étranges (Jr 18). Ces gestes éveillaient la conscience des témoins. Ils avaient une valeur symbolique qui ne risquait pas de passer inaperçue. Ils étaient posés pour annoncer la réalisation d’un événement que le prophète percevait comme imminent.

Le geste de Jésus

     Il ne faut pas voir un réflexe de colère dans le geste de Jésus de se fabriquer un fouet avec des cordes afin de faire maison nette. En expulsant du Temple les vendeurs et le gros et petit bétail (Jean 2, 15), il veut enseigner sans parler. Son silence et son action donnaient du poids à son enseignement. Mais alors pourquoi un tel geste? Les Juifs s’en inquiètent d’ailleurs : Quel signe peux-tu nous donner pour justifier ce que tu fais-là? (v. 18) Mais les disciples, eux, semblent saisir l’interprétation du geste de leur Maître (v. 22). Ils font un lien avec une parole de l’Écriture prononcée par Jésus lui-même : L’amour de ta maison fera mon tourment (v. 17). Ce souvenir leur sert aujourd’hui.

L’interprétation du geste

     L’ultime objectif de Jésus consiste à faire réfléchir tous ces intrigants qui avaient fait du Temple de Jérusalem une institution économico-sociale. Son geste symbolise ainsi la purification qu’il a pour mission d’accomplir au sein de la foi d’Abraham et de la Loi de Moïse donnée au Sinaï. Mais surtout, Jésus annonce la venue prochaine d’un nouveau Temple qui viendra donner un sens plénier à l’ancien. Il veut bien faire comprendre que le Temple majestueux qui se dresse devant leurs yeux, pourra être détruit. D’ailleurs c’est ce qui arrivera en l’an 70 lors de l’invasion des Romains.

Le nouveau Temple

     Ce nouveau Temple deviendra le Corps du Christ lorsque ce dernier sera ressuscité d’entre les morts. Ce Corps deviendra dorénavant la pierre d’angle de l’édifice spirituel. Nouveau Temple, dis-je, dont nous serons les pierres vivantes (1 P 2, 4-10) afin que puisse se réaliser la plénitude du Christ. Maintenant que tout est accompli, avec Jésus le Temple devient Vie, une vie  éternelle. Et la Loi de Moïse se résume à un mot et à un geste qui le concrétise : AIME. Cette Loi qui fut donnée lors de la pérégrination du peuple fuyant l’Égypte, venait déjà signifier le bris des liens de l’esclavage : Je suis le Seigneur ton Dieu qui t’ai fait sortir du pays d’Égypte, de la maison d’esclavage (Ex 20, 2). Pour aimer vraiment, il faut être libre.

Une scène à quatre récits

     Cette scène éloquente est relatée par les quatre rédacteurs des évangiles. Elle mérite donc qu’on s’y attarde. S’il est vrai que plusieurs regards apportent des clés de lecture variées qui favorisent l’intelligence du texte, il est certain qu’ils ne manquent jamais de l’enrichir. Il est bon aussi de noter une différence majeure entre le récit de Jean et ceux des trois autres évangélistes. Alors que les Synoptiques placent l’événement à la toute fin de la vie terrestre de Jésus, Jean le situe au tout début de sa vie publique. Nous pouvons dire, sans forcer l’explication, que Jean voit dans ce geste d’éclat dans le Temple, un résumé de la mission du Christ Sauveur.

Un geste lourd de conséquences

     Que le récit soit lu au début ou à la fin de la carrière publique de Jésus ne change rien aux conséquences. Ce geste d’éclat aboutira inéluctablement à la condamnation à mort de Jésus. D’ailleurs, dans le récit de Matthieu, c’est l’évidence même. Lors de la comparution de Jésus devant les grands prêtres, on rappellera l’événement et ses paroles seront retenues contre lui : Cet homme a dit : je peux détruire le sanctuaire de Dieu et le rebâtir en trois jours (Mt 26, 61). Cette rancune meurtrière  ne cessera de poursuivre Jésus jusqu’à la fin…

La violence de Jésus

     Le geste de Jésus, en soi, n’a pas eu d’impact. Accompli aujourd’hui, le résultat serait le même. Aussi longtemps qu’il y aura des temples, des églises, des maisons de prière, ils seront menacés de l’intérieur. Aussi longtemps qu’il y aura des êtres de prière tourmentés par l’amour de la maison de Dieu, ils seront persécutés ou ridiculisés. Jésus sait bien que sa mission n’en est pas une de violence. La violence ne peut sauver le monde ni convertir les cœurs. D’où sa réponse énigmatique aux Juifs : Détruisez ce temple et en trois jours je le relèverai (v. 19). Jean juge bon de noter pour nous, lecteurs : Mais le Temple dont il parlait c’était son corps (v. 21).

La question du Temple de Dieu

     Si Jésus revenait le dimanche dans nos temples désertés, comment agirait-il? Cette question n’a sûrement rien à voir avec l’argent car la faillite en menace plus d’un. La vraie question au cœur du débat est bel et bien la question du Temple de Dieu. Le Dalaï Lama, en visite au Canada en 2009, nous fournit une réponse. Il aurait dit : Le but de la religion n’est pas de construire de beaux temples mais de cultiver les qualités humaines comme la tolérance, la bonté et l’amour. Cet homme d’une autre religion et d’une autre culture visait l’essentiel. Le rite accompli dans nos églises a certes une valeur, mais si ce rite n’accompagne pas le cœur, il n’est exécuté que pour la forme. Il ne signifie rien ou si peu. Le Temple de Dieu c’est aussi l’être humain, corps mystique du Christ. Et pour l’honneur de l’homme et de la femme, nous avons raison de nous mettre en colère s’il y a mépris.

La faiblesse de Dieu

     Ce n’est plus une démonstration de force que Jésus promet. Ce sera le premier et le dernier geste de cet ordre d’ailleurs. Son projet n’est pas de reconstruire et d’embellir un autre temple de pierre. Non, ce dernier, nous l’avons dit, sera détruit comme le corps de Jésus. D’autres fouets s’agiteront mais pour labourer sa chair. Il sera à la merci de ceux et celles qui voulaient sa destruction et sa mort. Mais la faiblesse de Dieu est plus forte que l’homme (1 Co 1, 25). Plus forte que l’argent, plus forte que les attraits du monde de la surconsommation. Oui, nous pouvons pousser la folie jusqu’à proclamer un Messie crucifié (v. 23) car c’est cet aveu de faiblesse qui sauvera le monde.

La faiblesse du baptisé

     Cette faiblesse de Dieu, le Ressuscité l’endossera comme un manteau. Et c’est vêtu de ce vêtement de pourpre (Mc 15, 16) qu’il s’avancera vers sa Pâque définitive. Cette faiblesse est aussi la nôtre. Faiblesse de notre être pécheur qui pèse si lourdement dans nos vies de baptisés. Cette faiblesse que l’on a tant de mal à montrer aux autres. Cette faiblesse que l’on voudrait cacher mais qui pourtant nous colle à la peau, au quotidien. Oui, cette faiblesse fait partie de nos limites humaines. Mais cette faiblesse sera transformée car la faiblesse de Dieu est plus forte que l’homme (v. 25). Dans la lumière  de la Résurrection nous serons reconnus par nos blessures comme Jésus l’a été par Thomas (Jn 20, 27).

 

Ghislaine Salvail, SJSH

 

Source: Le Feuillet biblique, no 2307. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre biblique de Montréal.

 

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