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Dimanche de l'Épiphanie B - 8 janvier 2012

 

 

L'enfant qui vient de naître

La visite des mages : Matthieu 2, 1-12
Autres lectures : Isaïe 60, 1-6; Psaume 71(72); Éphésiens 3, 2-3a.5-6

À l’Épiphanie, la fête de Noël se poursuit avec le texte de Matthieu racontant le voyage des mages. Pour mieux comprendre ce récit, il faut d’abord enlever de nos esprits toutes sortes de détails qui ne sont pas dans le texte. On n’indique nulle part dans la Bible les noms des mages, leur nombre ou le fait qu’ils soient rois. Ces détails proviennent de textes apocryphes écrits plusieurs siècles après les événements. Mais, de toute façon, ces détails ne sont pas importants pour la compréhension du texte. Quel est le point central de ce récit?

Qui est celui qui vient de naître ?

     Matthieu veut montrer qui est Jésus dès le début de son évangile. Dans son introduction, il nous livre déjà l’intrigue centrale de son livre. D’abord, le titre associé à Jésus est « roi des Juifs »; c’est l’expression qui sera inscrite sur la croix comme motif de condamnation. Avant même la naissance de Jésus, Matthieu met en scène le drame qui va se dérouler lors de la crucifixion. On nous présente déjà les adversaires de Jésus et pourquoi ils veulent le faire périr. Autour du roi Hérode, on voit les grands-prêtres et des scribes qui seront opposés à Jésus au long de l’évangile. Le roi Hérode est troublé par cette annonce de la naissance de celui qui pourrait usurper son trône. Les textes historiques nous révèlent qu’Hérode a été un roi incroyablement cruel. Entre autres, pour écarter toute rivalité pouvant menacer son pouvoir, il a assassiné son épouse et plusieurs de ses propres enfants. Avec cette information, on voit que le massacre des enfants de moins de deux ans de la région de Bethléem est compatible avec son caractère et sa façon de diriger.

     Matthieu évoque qui sera Jésus par plusieurs symboles et allusions. Par exemple, le massacre d’enfant, la fuite en Égypte et un roi sanguinaire, sont des éléments qui rappellent l’histoire de Moïse. En faisant ce rapprochement, Matthieu indique que Jésus est un nouveau Moïse et qu’il sauvera son peuple.

     Les cadeaux offerts sont aussi des symboles importants. Lorsque j’étais enfant, je me disais que c’était des présents bizarres pour un enfant. Aujourd’hui, qui apporterait de l’or, de la myrrhe et de l’encens lors d’une visite à l’hôpital pour rencontrer un nouveau-né? Ces cadeaux sont évidemment des symboles. Naturellement, on comprend que l'or pointe vers la royauté de Jésus. L'encens, utilisé pour honorer Dieu au Temple, montre la reconnaissance de la divinité de Jésus. La myrrhe n’est pas aussi claire. Plusieurs croient qu’elle préfigure la mort de Jésus puisque l’embaumement pouvait se faire avec de la myrrhe. Mais on trouve aussi la myrrhe pour oindre l’Arche de l’Alliance (Ex 30,23) et elle fait partie des cadeaux apportés par les nations lorsque l’espérance messianique juive se réalisera (Is 60,6). L’histoire de Matthieu montre que cette attente messianique s’accomplit. Des mages venus de l’Orient apportent les cadeaux à celui qui sera le roi des Juifs, le Messie tant attendu.

Bethléem

     Notre récit mentionne à plusieurs reprises la ville de Bethléem. Cette ville est aussi revêtue d’une symbolique forte. Ce n’est pas par hasard que le récit de Matthieu fait naître Jésus à Bethléem.

     D’abord, savez-vous ce que ça veut dire en hébreu? « Beit » c’est la maison et « Lohem » le pain. Donc Bethléem, c’est la maison du pain. C’est un symbole eucharistique assez fort. Jésus, celui qui dira Je suis le pain de vie (Jn 6,35), naît dans la ville du pain.

     Selon les livres de Samuel, le roi David est le fils de Jessé de Bethléem (1 S 16,1). David, né dans la petite bourgade de Bethléem, a reçu l’onction royale (consacré avec de l’huile) par le prophète Samuel. Son règne marqua tellement le peuple d’Israël qu’on se mit à annoncer que le Messie serait un descendant de David (Is 11,1). Le prophète Michée fait donc de Bethléem la patrie du futur Messie : Et toi, Bethléem, Éphrata, bien que tu sois petite entre les milliers de Juda, de toi sortira pour moi celui qui doit dominer en Israël, et duquel les origines ont été d'ancienneté, dès les jours d'éternité (Mi 5,1).

     Comme David, il est logique que le Messie provienne donc de Bethléem. De par la symbolique associée à Bethléem, le récit de la naissance de Jésus à Bethléem donne à penser aux lecteurs qu’il sera le Messie tant attendu.


Où Jésus est-il né?

     Historiquement, rien ne nous permet de confirmer que Jésus était de la descendance de David. En fait, les exégètes sont partagés sur le lieu de la naissance de Jésus. L’argument en faveur de Bethléem est que Matthieu et Luc le mentionnent. Donc, deux sources indépendantes du 1er siècle affirment que Jésus est né à Bethléem. Par contre, ceux qui mettent en doute ce lieu vont dire que la ville de Bethléem a une signification symbolique et théologique si forte que c’est la raison pour laquelle Matthieu et Luc y font naître Jésus. Les autres auteurs du Nouveau Testament (Marc, Jean, Paul, etc.) ne mentionnent pas le lieu ni l’histoire de la naissance de Jésus. D’ailleurs, Jésus est souvent associé à Nazareth et non à Bethléem.

 

Une visite à Bethléem

     J’ai eu la chance de visiter Bethléem l’été dernier. C’est une ville arabe située dans les territoires palestiniens. Le lieu de naissance de Jésus, est maintenant situé dans un des endroits les plus conflictuels de la planète. À Bethléem, j’ai rencontré Youssef, un professeur d’école secondaire, qui travaille aussi comme chauffeur de taxi pour payer les études de ces sept fils. Il m’a fait visiter le camp de réfugiés Aida entouré du mur, de sécurité érigé par Israël. Je n’ai jamais été aussi fier d’être catholique que lorsqu’il me parlait du pape. Pour ce musulman, notre pape est un saint homme puisqu’il est venu au camp de réfugiés et qu’il a prié pour la justice devant le mur en attirant l’attention internationale sur leur situation difficile. J’ai marché avec lui sur le bord du mur pour y découvrir l’art des graffitis qu’on y retrouve. Entre autres, j’ai pu lire un graffiti qui dit en anglais : « un jour, un défenseur des droits humains est né à Bethléem ». Imaginez-vous qu’on y retrouve même une icône de Marie! Ceux qui l’ont réalisée, la nomme « Marie qui fait tomber les murs ». Des groupes de religieuses vont d’ailleurs prier le chapelet au bord de ce mur tous les jours.

     Terminons en rappelant que l’Évangile de Matthieu nous présente la vie de Jésus dès l’histoire de sa naissance. Une histoire qui mènera à sa condamnation à mort par les autorités politiques et religieuses de son époque. Mais, l’histoire ne s’arrête pas là puisque une fois ressuscité, il reconnu comme Messie. Espérons que les conflits modernes à Bethléem auront aussi une issue positive.

 

Sébastien Doane, bibliste

 

Source: Le Feuillet biblique, no 2298. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre biblique de Montréal.

 

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Le temps qui passe