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28e dimanche ordinaire B - 14 octobre 2012

 

Une invitation à aller plus loin

L'appel du riche : Marc 10, 17-30
Autres lectures : Sagesse 7, 7-11; Psaume 127(128); Hébreux 4, 12-13

D’emblée, ce texte n’est pas facile à interpréter. Un récit qui évoque l’accès au royaume de Dieu selon une vision de l’époque, mais qui a habituellement été réutilisé au cours de la tradition chrétienne dans une perspective différente. Par contre, cette vision initiale du Royaume présente des similitudes avec celle plus contemporaine qui inspire de nombreux chrétiens, aujourd’hui engagés à l’édification du Royaume.

Le Royaume de Dieu

     Dans la perspective biblique, on croit que le règne de Dieu s’exercera en ce monde et, en conséquence, que le royaume se situe sur la terre. En effet, l’attente du règne fait partie des espérances du peuple d’Israël qui subit diverses épreuves et qui espère que Dieu interviendra finalement en sa faveur afin de le délivrer du joug de ses ennemis. Le peuple attend donc une intervention divine au cours de son périple ici-bas. Or, Jésus partage cette interprétation et cette espérance. Il voit sa mission comme une étape dans la préparation de cet important événement.

     Au tout début de la tradition chrétienne, consécutivement à la résurrection de Jésus, on a cru que le royaume serait instauré au moment de son retour, que l’on croyait imminent; ce second avènement, désigné sous l’appellation parousie, constituerait alors le début du règne du Christ sur la terre. La destruction du mal et de ses suppôts devait coïncider avec la parousie; de sorte que ne subsisterait en ce monde que des justes s’appliquant à faire la volonté de Dieu. Considérant, par ailleurs, le retard de la parousie, on commença à comprendre que Jésus ne reviendrait pas mais qu’il exerçait son règne autrement, c’est-à-dire du haut des cieux; ce qui, au cours des siècles de christianisme, entraîna un déplacement du règne hors du cosmos. Conséquemment, l’idée d’être « sauvé » a fini par signifier à peu près « gagner son ciel ».

     À noter cependant que la formulation de la requête du jeune homme dans l’Évangile de Marc incite à une telle interprétation : Bon Maître, que dois-je faire pour avoir la vie éternelle en partage? On comprend qu’au moment de la rédaction de l’Évangile de Marc (vers 65-70), le glissement était déjà commencé dû au retard de la parousie, précisément. Il est donc possible que la réponse prêtée à Jésus reflète davantage la perception de la communauté de Marc, à ce moment-là, que le véritable contenu de sa propre réponse.

Les conditions d’admission au Royaume

     Les conditions énoncées par Jésus pour entrer dans le royaume correspondent, somme toute, à celles d’une vie honnête requises de la part de tout être humain, sans exigence d’appartenir à une religion ou de participer à un culte. Chose rassurante, Jésus se montre satisfait de la réponse du jeune homme. On dit même qu’en raison de cette réponse, il se prit à l’aimer. Mais l’homme veut faire plus encore. Alors, Jésus l’invite à tout laisser et à le suivre. On peut comprendre, dans cette invitation, une exhortation à faire plus que le nécessaire quotidien, lequel pourrait se résumer à mener une vie conforme à la justice, sans nécessairement travailler de manière explicite à l’édification du royaume.

Pour nous aujourd’hui

     Qu’en est-il pour nous aujourd’hui? Une chose est certaine, nous n’attendons plus le retour du Christ et nous savons que ce n’est pas le cumul de nos bonnes œuvres qui paie notre entrée au ciel. Ces perceptions ne cadrent plus tellement avec la réflexion chrétienne actuelle. Il faut donc repenser les paroles de Jésus et voir comment elles demeurent pertinentes dans notre monde moderne. Car pertinentes, elles le demeurent plus que jamais. Et dans le village global qu’est devenue la planète en raison de la masse des liens de communication qui relient tous ses habitants, les moyens de construire le Royaume sont étalés sous nos yeux jour après jour. Suivre Jésus pourrait alors signifier d’y travailler avec une ardeur accrue plutôt que de ne s’en tenir à l’essentiel, comme il le demandait, d’ailleurs, au jeune homme riche au début de leur conversation.

     Construire le royaume implique, par exemple, de travailler, d’abord et avant tout, à préserver la planète où, justement, le règne de Dieu s’exerce pour tous ses habitants. Mais c’est sans doute aussi investir dans les causes de justice et d’équité; celles qui s’affairent à donner à chaque être humain ce qui lui revient en terme de santé, d’éducation, de nourriture. En fait, suivre Jésus, c’est se demander quels seraient ses choix s’il était physiquement présent parmi nous dans notre société actuelle et de les faire nôtres. Comment identifier ces choix? Il correspondrait sûrement à toute activité qui génère la vie et qui la donne en plénitude à tout être humain.

     On comprend bien alors que cela n’implique pas de quitter notre milieu familial mais d’œuvrer à partir de là où nous avons les pieds. Car lorsque Pierre dit : Nous, nous avons tout laissé pour te suivre, cela ne signifie nullement que les disciples avaient abandonné leurs familles. On verra effectivement certains d’eux vaquer à leur besogne quotidienne en s’adonnant à la pêche.

     Encore un mot relativement à la réserve exprimée par Jésus concernant l’accès des riches au royaume. Notons qu’il ne dit pas que ceux-ci sont exclus mais que cet accès leur est plus difficile. Cela peut trouver explication dans le fait que leur mode de vie leur ouvre les portes à pratiquement tous les biens matériels désirables et que ce mode de vie, par définition, les garde à l’écart des manifestations quotidiennes de la pauvreté et de la misère humaine. Sans compter que les fortunes d’un grand nombre sont acquises par le biais de l’exploitation des pauvres.

     Bref, il semble bien que l’accès à « la vie éternelle » ne peut pas faire l’économie d’une participation active à l’édification d’un monde meilleur ici-bas, maintenant.

 

Odette Mainville, bibliste

 

Source: Le Feuillet biblique, no 2329. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre biblique de Montréal.

 

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