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2e dimanche de Pâques B - 15 avril 2012

 

 

Le chapitre 20 de Jean, reflet de l'humanité

Jésus apparaît à ses disciples : Jean 20, 19-31
Autres lectures : Actes 4, 32-35; Psaume 117(118); 1 Jean 5, 1-6

 

Le chapitre 20 de l’Évangile de saint Jean s’ouvre avec une femme sortant de chez elle alors que les ténèbres de la nuit sont à peine dissipées. Quittant les lieux habités, elle court en direction d’un cimetière. À l’autre extrémité, un homme ferme le chapitre. Entre la femme et l’homme, au centre du même chapitre, se trouve un groupe de personnes apeurées, immobiles dans une maison dont elles ont verrouillé les portes. Revenant chaque année le 2e dimanche de Pâques, ce chapitre 20 de l’Évangile selon saint Jean présente des événements qui constituent la pierre angulaire sur laquelle repose toute la foi chrétienne. Pivot de notre foi, ce chapitre 20 appelle impérieusement à être regardé dans son ensemble et non en pièces détachées.

Une femme, un homme et des disciples apeurés

     À travers ces femmes et ces hommes qui en constituent la trame, le lecteur est appelé à voir la représentation de l’ensemble de l’humanité. D’un côté, une femme sort de son sommeil pour courir vers un lieu où règne la mort; de l’autre, un homme enfermé dans son scepticisme, immobile au milieu d’un groupe de personnes paralysées par la peur. Portrait de l’humanité, portrait donc des personnes constituant nos assemblées dominicales, des femmes et des hommes burinés par des problèmes de toutes sortes, appelés d’abord à se reconnaître dans les pauvres personnes bien humaines, marquées par la déception, la désillusion, le scepticisme, qui constituent ce chapitre 20. Alors que nos assemblées, surtout au temps de Pâques, mettent l’accent sur la joie, l’allégresse et l’exultation, ne perdons pas de vue que les femmes et les hommes qui constituent ce chapitre 20 sont l’illustration on ne peut plus éloquente de ces hommes et de ces  femmes dont sont faites nos assemblées.

Terribles limites humaines, et pourtant…

     Et pourtant, les terribles limites humaines évoquées dans ce chapitre placent ces pauvres personnes sur une voie imprévisible. L’impasse dans laquelle elles se trouvent se transforme en chemin conduisant au seuil du mystère de la résurrection. Toute personne méditant ce chapitre de Jean devra passer par le même chemin. Sans l’acceptation lucide de notre condition humaine, le mystère de la résurrection peut être accueilli comme un conte ou un mythe n’ayant aucune incidence véritable sur notre façon de vivre. Ou, pire encore, comme une idéologie qu’on peut à la limite élever au rang d’une religion qui fournit à ses adeptes des raisons de vivre. Jésus n’a-t-il pas été condamné à mort par des hommes dont les raisons de vivre reposaient sur une idéologie politico-religieuse ? On connaît la propension de l’être humain à fabuler surtout dans les moments difficiles. « La capacité chez l’homme à s’illusionner est illimitée » nous répétait sans cesse notre professeur de philosophie !

Un condensé de toute l’humanité

     En ce petit dimanche matin, Marie de Magdala tout comme Thomas n’ont pour tout horizon que la déception, la désillusion annonciatrice de la destinée de la personne humaine en cet univers, celle de l’inévitable mort à laquelle personne ne peut échapper. Elle, elle court vers une tombe, lui, on le retrouve isolé, désillusionné  au milieu de ses amis en délire ! Imaginez, on lui a dit que celui qu’il a vu mourir sur une croix est maintenant en vie ! La femme et l’homme, le couple, image d’une humanité sans avenir sert de cadre au seul chapitre traitant du mystère de la résurrection, mais aussi à toute l’œuvre de Jean. Chapitre sans lequel cet évangile n’apparaîtrait que comme une série d’anecdotes tout au plus assez bonnes pour être classées dans le patrimoine littéraire mondial. Car, que valent tous les faits et gestes, tous les dialogues rapportés par Jean sans l’indispensable clé d’interprétation fournie par le chapitre 20 qui clôt son œuvre, le chapitre 21 ayant été ajouté par une autre main au moment où la communauté johannique rejoignait la Grande Église dans laquelle Pierre y occupait une place prépondérante.

Un couple qui nous prend par la main

     Ce couple, figure de l’humanité vouée à la mort, nous prend par la main en ces dimanches de Pâques. Marie de Magdala, aimante, passionnée, prend par la main toutes celles, tous ceux, qui accepteront de la suivre en direction… d’un cimetière… Comprenons toutes celles et tous ceux qui refusent de se placer sur une voie d’évitement, qui acceptent d’aller jusqu’au bout de la condition humaine. Thomas, le sceptique, le désillusionné, lui, il entraînera à sa suite toutes celles, tous ceux qui partagent ses désillusions. Marie de Magdala nous amène à un tombeau vide, Thomas nous fait entrer dans un cercle d’illuminés tenant un langage absurde… Les deux nous emmènent jusqu’à nos extrêmes limites, jusqu’à l’ultime impasse. C’est la route à suivre, incontournable, pour être rejoint par cette radicale nouveauté que représente la résurrection.

Le défi de Jean

     Les Juifs, on le sait, ont toujours refusé de donner quelque illustration que ce soit concernant la Présence de Dieu. Aucune image, aucune illustration quelle qu’elle soit ne peut être utilisée, aucun mot ne peut être prononcé, pour désigner la réalité de Dieu. Seul le tétragramme YHWH qu’on prononce « Yahvé » en français sert à nommer l’innommable. On peut imaginer alors tout le défi que cela représentait pour le juif Jean et pour sa communauté majoritairement juive de rendre compte de l’expérience qu’ils avaient vécue. Comment rendre par l’écriture aux futurs adeptes et aux générations suivantes une expérience n’ayant pas son pareil dans l’histoire ? Connaissant la sensibilité juive en la matière, le sujet est délicat, très délicat !

     Jean et par la suite ceux qui ont peaufiné son écrit rendront compte de l’événement avec une infinie précaution. C’est toute la crédibilité de l’évangile qui est en cause. On l’a dit, sans la résurrection de Jésus, l’œuvre de Jean est à ranger dans le patrimoine écrit sans plus. 

     Les pleurs de la femme et le scepticisme de l’homme serviront de cadre à cette réalité radicalement neuve que représente la résurrection de l’homme Jésus. Au premier abord, la femme croira être en présence du gardien du cimetière. Elle le reconnaîtra à la voix alors que pour Thomas, les disciples seront plus un filtre qu’un relais ! Il ne croira tout simplement pas ce que les disciples « tout à la joie » (Jn 20, 29) lui annonceront. Sans doute lui apparaissent-ils un peu trop euphoriques. Les euphoriques n’ont jamais été les meilleurs messagers… Compte tenu du rôle de disciple en position précaire que Thomas joue dans l’évangile de Jean et prenant ainsi une valeur typologique qui le fait paraître comme le « jumeau » de tout disciple, on peut facilement comprendre l’intention de l’évangéliste. Thomas est l’un des nôtres ! Quant à Marie de Magdala, l’attachement qu’elle a eu pour Jésus lors de sa vie terrestre en fait le modèle de tout disciple. Mais au-delà de toutes ces considérations il y a tout lieu de croire qu’il était important pour l’évangéliste qu’une femme et un homme, manière d’exprimer l’ensemble de l’humanité, bénéficient de cette rencontre toute personnelle avec le Ressuscité, exprimant par là que le mystère de la résurrection n’est pas un montage intellectuel destiné à une société savante mais la révélation de la présence on ne peut plus discrète du Dieu de la Bible qui s’est approché de l’humanité. 

 

Claude Julien, F.CH.

 

Source: Le Feuillet biblique, no 2312. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre biblique de Montréal.

 

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