INTERBIBLE
Au son de la cithare
célébrer la paroleintuitionspsaumespsaumespsaumes
off Nouveautés
off Cithare
off Source
off Découverte
off Écritures
off Carrefour
off Caravane
off Scriptorium
off Artisans

 

 
Célébrer la Parole

 

orant
Imprimer

Dimanche de la Sainte Trinité B - 3 juin 2012

 

Quand l'amour circule

L'envoi en mission : Matthieu 28, 16-20
Autres lectures : Deutéronome 4, 32-34.39-40; Psaume 32(33); Romains 8, 14-17

Il est facile de comprendre pourquoi ce court passage de l’Évangile selon saint Matthieu a été retenu pour la solennité de la Sainte Trinité. Dans tout le Nouveau Testament, c’est celui où la Trinité est le plus clairement énoncée. Le dogme à proprement parler n’a été institué que quelques siècles plus tard, mais la notion se profile déjà dans les textes.

     Ces lignes constituent la conclusion de l’évangile et font partie d’un ensemble plus large comprenant trois étapes. Premièrement, le Ressuscité vient à la rencontre des femmes et les envoie annoncer la grande nouvelle aux disciples (28, 1-10). Deuxièmement, les gardes et les autorités juives complotent pour empêcher la croyance en la résurrection de se répandre (28, 11-15). Troisièmement, Jésus rencontre ses disciples sur la montagne et les envoie en mission (28, 16-20).

Le pouvoir qui vient du Père

     Il est inutile de chercher à identifier la montagne de Galilée sur laquelle se déroule la scène. Par contre, on peut sans doute faire un lien entre ce lieu et celui des tentations (4, 8). Jésus avait refusé l’offre du diable de dominer sur tout ce que son regard pouvait embrasser. Maintenant, il déclare : Tout pouvoir m’a été donné au ciel et sur la terre. Ce pouvoir lui vient non pas de lui-même, encore moins du démon, mais bien de son Père qui vient de le rendre victorieux de la mort. Et le règne du Ressuscité s’étend non seulement sur toute la terre mais aussi « au ciel ».

     Les disciples se prosternent devant Jésus, rappelant la conclusion de l’épisode où le Christ marche sur les eaux et ramène le calme dans la barque agitée (Matthieu 14, 22-33). Ils le font non plus seulement devant un être fascinant à qui les vents obéissent, mais devant le Seigneur de l’univers, dont le règne s’étendra « jusqu’à la fin du monde ». L’évangéliste ajoute un détail intéressant : « Certains eurent des doutes. » Il s’agit d’un thème récurrent dans les évangiles, surtout dans les récits d’apparition du Ressuscité. Les disciples sont perplexes, ne reconnaissent pas Jésus, se demandent si c’est bien lui, etc. Habituellement, cette réaction est l’occasion pour le Christ de rassurer ses amis et de confirmer son identité. Ici, il n’en est rien. Jésus envoie plutôt ses disciples faire d’autres disciples, les baptiser et leur enseigner l’Évangile. Il prend alors un risque: c’est dans le concret de l’engagement que les doutes vont se dissiper et la foi se raffermir.

Faire grandir la communauté

     Par le fait même, en exhortant ses apôtres à faire de nouveaux disciples, le Ressuscité souligne un aspect central de l’évangélisation : l’engagement à faire grandir la communauté de foi. C’était particulièrement important à l’époque de la rédaction de l’évangile, alors que les croyants, sous la menace de représailles, d’exclusion ou même de persécution, pouvaient être tentés de se replier sur eux-mêmes. C’est encore vrai de nos jours, dans un contexte où vivre sa foi de manière explicite, même discrètement, est parfois source de contrariétés, voire de mépris.

Une question de relations

     L’envoi en mission des disciples, en plus de la mention du Père, du Fils et du Saint-Esprit, rend ce passage tout à fait pertinent pour la solennité de la Sainte Trinité. En effet, l’évangéliste souligne ainsi que la foi chrétienne se vit essentiellement dans la relation avec les autres. On ne fait pas Église tout seul. Et ce qui, sans doute, nous aide le mieux à saisir de quoi on parle lorsqu’on évoque la Trinité, n’est-ce pas précisément la notion de relation? Dans la foi chrétienne, Dieu est avant tout un être de relations. Entre le Père, le Fils et l’Esprit circule l’amour que le Christ est venu nous révéler et dans lequel il nous invite à entrer. L’amour se vit, s’expérimente et grandit dans les liens qui existent entre nous et avec Dieu, en qui cet amour se déploie pour atteindre sa plénitude.

     Voilà l’essentiel de la mission à laquelle nous convie Jésus : faire connaître cet amour à «toutes les nations». Il le dit en ces termes : Apprenez-leur à garder tous les commandements que je vous ai donnés. Et de quels commandements s’agit-il sinon celui de l’amour de Dieu et du prochain, que le Christ a situé au sommet de son enseignement?

Les limites des mots
(Dt 4, 32-34.39-40)

     La première lecture, extraite du Deutéronome, donne la parole à Moïse qui proclame devant le peuple d’Israël toute la grandeur de Dieu. Il rappelle que le Seigneur transcende l’espace et le temps. On aurait beau interroger « les temps anciens » ou aller « d’un bout du monde à l’autre », impossible de trouver qui que ce soit ou quoi que ce soit qui lui soit comparable. Ayant prononcé ces paroles, Moïse n’a cependant pas dit le dernier mot sur Dieu. La réflexion théologique, l’expérience et la vie spirituelle du peuple d’Israël formeront le terreau dans lequel germera la pensée chrétienne. Celle-ci en viendra à élaborer le dogme de la Trinité qui, dans la foulée de Moïse, cherche à rendre compte de la plénitude de l’être divin, à la lumière désormais de ce que le Christ Jésus a révélé. Et encore là, est-ce que le dogme dit tout? Dans un éditorial paru dans Prions en Église, Jacques Lison écrit : « Avec ces disputes [entourant le mystère de la Trinité], l’Église a surtout mesuré la pauvreté du langage humain lorsqu’il s’essaie à exprimer le mystère de vie et d’amour de Dieu que Jésus a manifesté et dont l’Esprit Saint n’aura jamais fini de nous enseigner toute la profondeur. Ainsi, le dogme trinitaire ne décrit ni même ne définit qui est Dieu. Il ne fait que tracer une limite à ce qu’on peut dire sur Dieu, une limite au-delà de laquelle on perdrait la mémoire de ce que fut le bouleversement du matin de Pâques. » (Juin 2012, vol. 47, no 6, p. 2)

Dans l’intimité de Dieu
(Rm 8, 14-17)

     La deuxième lecture, quant à elle, évoque les trois personnes de la Trinité, mais s’intéresse plus particulièrement au rôle de l’Esprit. Pour Paul, l’Esprit nous fait entrer dans la famille de Dieu. Pour l’exprimer, il emploie une belle image : l’Esprit nous tourne vers le Père et nous fait crier « Abba! », mot qui équivaut en français au terme affectueux de « papa », l’un des premiers que les enfants apprennent. L’apôtre souligne ainsi que l’Esprit nous fait entrer dans l’intimité de Dieu. C’est une particularité du christianisme que de proclamer Dieu si proche. À première vue, il semble y avoir un puissant contraste entre les mots de Paul et les paroles de Moïse qui, dans la première lecture, insiste sur la grandeur du Seigneur. Mais est-ce vraiment le cas? Oui, Moïse dit bien que « le Seigneur est Dieu, là-haut dans le ciel », mais il ajoute aussitôt : « Comme ici-bas sur la terre ». Finalement, au-delà des siècles, ces deux grands hommes de Dieu se rejoignent en pensée…

 

Jean Grou, bibliste

 

Source: Le Feuillet biblique, no 2319. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre biblique de Montréal.

 

Chronique précédente :
Qui est notre Défenseur?