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Ascension du Seigneur C - 12 mai 2013

 

Les trois piliers de la foi de Luc

Dernières instructions de Jésus : Luc 24, 46-53
Autres lectures : Actes 1, 1-11; Psaume 46(47); Hébreux 9, 24-28; 10, 19-23

 

« Souffrir », « être relevé », « être proclamé », tels sont les trois verbes-clés qui constituent la trame des dernières paroles de Jésus selon l’évangéliste Luc. Dans la littérature antique, rappelons-le, la finale d’un livre revêt une grande importance. Elle contient les points essentiels de l’œuvre. Pensant à sa communauté, Luc a dû y mettre beaucoup d’application. En mettant ces trois verbes en mode infinitif (tel qu’ils apparaissent dans le texte grec), Luc veut sûrement faire ressortir toute leur valeur. Car selon la grammaire de Wallace « l’infinitif est un nom verbal indéclinable ». 1 Est-il permis d’y voir les trois piliers de la foi de Luc et partant, les trois piliers de la foi de la primitive Église, et de la nôtre ? 

« Souffrir, être relevé, être proclamé »

     C’est ainsi que dans la traduction du Lectionnaire dominical, le verbe « souffrir » est rendu par « souffrances », le verbe « être relevé » par « résurrection » et « être proclamée » aurait pu être rendu par « proclamation ». On lit donc : Les souffrances du Messie, sa résurrection d’entre les morts le troisième jour, et la conversion proclamée en son nom pour le pardon des péchés (Lc 24, 46b-47a). Même si le choix des termes est juste, l’infinitif grec, répétons-le, étant un « nom verbal », cette traduction liturgique a l’inconvénient de ne pas faire ressortir les trois piliers de la foi chrétienne en diluant les trois verbes, pour ne pas dire en les noyant dans un ensemble de mots apparaissant comme ayant la même valeur et diminuant ainsi leur portée. En effet, le « nom verbal » en sa qualité de verbe revêt une incontournable caractéristique, celle de l’action. En plus d’être énoncée sous forme de nom, la réalité nommée est en action, elle agit. Avec l’infinitif, la réalité nommée est agissante.

« Souffrir le Christ et être relevé » (v. 46)

     Souffrir le Christ et être relevé (v. 46), ainsi se lit ce segment de phrase dans le texte original. Concernant l’expression être relevé, précisons que le verbe ressusciter n’existant pas en grec, il fallait recourir à des synonymes. Il faudra attendre le lent passage du grec au latin puis du latin au français pour nous donner ressusciter. De plus, la réalité de la résurrection étant tellement inusitée, on n’avait pas le choix de le compléter par d’entre les morts et le troisième jour (v. 46), trois jours étant nécessaires pour s’assurer que la personne était bien morte 2.

     Donc, deux « noms verbaux », souffrir et être relevé, deux événements en action, deux « agir » encadrent le Christ. La foi n’est pas l’adhésion à une doctrine, une idéologie, un idéal, elle est l'attachement à une personne, à Jésus Christ notre Seigneur, issu selon la chair de la lignée de David, établi selon l’Esprit Saint, fils de Dieu avec puissance par sa résurrection d’entre les morts (Romains 1, 3-4)

« Souffrir, le Christ »

     Souffrir, le Christ (v. 46) : le souffrir est rattaché à le Christ. Fait à noter, Luc n’emploie pas le verbe mourir comme s’il voulait mettre l’accent sur la souffrance, le mot « mort » n’apparaissant qu’après le verbe « être relevé ». Le Messie n’est pas mort de mort naturelle, il ne s’est pas naturellement éteint après un temps passé sur cette terre. Sa vie terrestre lui a été arrachée. Il s’est rendu jusqu’à sa mort en passant par de terribles souffrances. Ainsi se présente à nous le Messie, le sauveur de l’humanité ! Mais son histoire ne s’achève pas là. Il a été relevé d’entre les morts (v. 46). Réfléchissant sur le chemin de souffrances qui a conduit leur Maître à la mort, les premiers chrétiens, soutenus dans leur recherche par leurs Écritures, ont compris que les terribles limites inhérentes à la condition humaine constituent l’unique chemin qui conduit à Dieu et que chercher à s’en extraire, c’est faire fausse route. C’est dans la contemplation des souffrances de leur Maître, souffrances qui l’ont conduit à son relèvement, que les premiers disciples ont trouvé un sens aux souffrances rattachées à la condition humaine mais aussi à celles rattachées aux persécutions dont ils étaient l’objet. Souffrir conduit au Christ, Christ conduit au relèvement : Souffrir le Christ et être relevé d’entre les morts le troisième jour tel est l’ordre des mots de la séquence, séquence que les premiers chrétiens pouvaient facilement graver dans leur mémoire et qui leur servait sans doute de leitmotiv façonnant leur vie intérieure. Aujourd’hui cette profession de foi peut se traduire ainsi : la souffrance mène au Christ qui, lui, mène à la résurrection.

Il faut que s’accomplisse tout ce qui a été écrit de moi (Lc 24, 44)

     Cette profession de foi prend sa source dans les deux versets qui précèdent le texte de ce dimanche : Voici les paroles que je vous ai adressées quand j’étais encore avec vous (v. 44a) dit Jésus aux Onze et à tous les autres (Lc 24, 9) éberlués par sa visite impromptue. Quelles sont ces paroles ? Il faut que s’accomplisse tout ce qui a été écrit de moi dans la Loi de Moïse, les Prophètes et les Psaumes (v. 44b). Le verbe « écrire » est au parfait. Ce temps grammatical qui n’a pas son équivalent en français indique que l’action signifiée par le verbe a eu lieu dans le passé mais qu’elle continue de s’accomplir dans le temps présent, elle est toujours actuelle. Littéralement : « Ce qui a été écrit et qui est toujours écrit aujourd’hui de moi dans la Loi de Moïse, les Prophètes et les Psaumes ». C’est là, bien vivante, que se trouve la personne du Christ. Ainsi la profession de foi souffrir le Christ et être relevé s’enracine dans les Écritures déclinées en Loi de Moïse, Prophètes et Psaumes. La place prépondérante qu’occupaient ces Écritures est clairement affirmée. Elles constituent les assises de la foi chrétienne : Il faut que s’accomplisse tout ce qui a été écrit de moi dans la Loi de Moïse, les Prophètes et les Psaumes (v. 44). Placée dans la bouche de Jésus cette phrase ouvre aux chrétiens d’aujourd’hui tout un champ d’exploration. Loin d’être une littérature dépassée, l’Ancien Testament est présenté aux chrétiens comme cet indispensable terreau servant à l’alimentation de leur foi.

« Être proclamé »

     Immédiatement après l’affirmation appuyée sur les Écritures souffrir le Christ et être relevé d’entre les morts, suit le verbe être proclamé. À l’infinitif, ce « nom verbal » prend le relais. Selon la définition de l’infinitif donnée plus haut, la réalité énoncée n’est pas statique, elle est agissante. La profession de foi souffrir le Christ et être relevé, cette réalité en action, sera proclamée, véhiculée dans toutes les nations en commençant par Jérusalem (v.47). Les premiers chrétiens et à leur suite toutes les personnes rejointes par cette proclamation en action seront transformés. Qu’est-ce à dire ? Le Christ mort et ressuscité les enveloppera de sa présence, donnant ainsi un sens à leurs souffrances tout en les entraînant pas à pas au fil de leur vie quotidienne jusqu’à leur « relèvement ».

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1 Greek Grammar, Daniel B. Wallace, Zondervan, 1996, p. 586

2 On peut aussi faire un lien avec Osée 6, 2 : « Au bout de deux jours, il nous aura rendu la vie, au troisième jour, il nous aura relevé et nous vivrons en sa présence ».

 

Claude Julien, F.CH.

 

Source: Le Feuillet biblique, no 2359. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre biblique de Montréal.

 

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