INTERBIBLE
Au son de la cithare
célébrer la paroleintuitionspsaumespsaumespsaumes
off Nouveautés
off Cithare
off Source
off Découverte
off Écritures
off Carrefour
off Caravane
off Scriptorium
off Artisans

 

 
Célébrer la Parole

 

orant
Imprimer

1er dimanche de l'Avent C - 2 décembre 2012

 

Fin du monde ou monde nouveau?

La venue du Fils de l'homme : Luc 21, 25-28.34-36
Autres lectures : Jérémie 33, 14-16; Psaume 24(25); 1 Thessaloniciens 3, 12 - 4, 2

Décembre 2012! Nous y voilà! Mais n’est-ce pas ce mois-ci que nous connaîtrons la fin du monde annoncée par bien des prophètes de malheur contemporains, échafaudant les théories les plus farfelues, s’appuyant sur d’obscurs signes pseudo-scientifiques : calendrier Maya, alignement des planètes, numérologie, etc! Vaut-il alors la peine de commencer cet Avent? Nous rendrons-nous même à Noël?

En marche vers l’humanité nouvelle

     Il y aura des signes dans le ciel… les nations seront affolées par le fracas de la mer et de la tempête… les hommes mourront de peur dans la crainte des malheurs arrivant sur le monde, car les puissances des cieux seront ébranlées (Luc 21, 25-26).

     Voilà un Évangile qui pourra alimenter l’angoisse des esprits déjà tourmentés et qui sera sans doute la bête noire de bien des prédicateurs en ce premier dimanche de l’Avent! Ce dernier discours public – dont nous n’entendons qu’un petit extrait - que tient Jésus, dans l’évangile de Luc, aux foules du Temple de Jérusalem, se teinte du langage des apocalypses, genre littéraire en vogue entre le 2e siècle av. J. C. et le 2e siècle ap. J. C., autant dans les milieux juifs que chrétiens. Ce langage apocalyptique ayant recours aux symbolismes forts, tels celui des bouleversements cosmiques, nous échappe à quelques milliers d’années de distance, mais il était bien familier aux contemporains de Jésus. Ces derniers comprennent bien, à leur époque, qu’il ne s’agit pas de comprendre les choses littéralement, mais de saisir, à travers ces images fortes, la bonne nouvelle de l’arrivée d’un monde nouveau que Dieu nous prépare. Le monde ancien s’effacera peu à peu au profit du Royaume de Dieu, la vieille humanité devra un jour faire place totalement à la nouvelle, recréée par le Christ dont la règle de vie est l’Évangile et dont l’avenir est éternel… Tout comme la première création avait consisté, pour Dieu, à mettre de l’ordre dans le chaos initial (le tohu-bohu; Gn 1,2), ce nouveau retour au chaos, décrit ici par Jésus, n’est-il pas le prélude symbolique à cette nouvelle création dont le Christ ressuscité est désormais l’artisan?

     Vues ainsi, les descriptions « effrayantes » de la première partie de notre évangile se transforment plutôt en message extrêmement positif : le Fils de l’homme au terme de l’histoire établissant son règne sur toute l’humanité complètement sauvée. Quant aux hommes mourant de peur dans la crainte des malheurs arrivant sur le monde, ne sont-ils pas symboliques de ce monde ancien qui disparaîtra, comme l’ombre disparaît face à la lumière?

     Offrant un parallèle vétéro-testamentaire intéressant avec l’évangile d’aujourd’hui, Jérémie (Jr 33, 14-16, en première lecture de ce dimanche), entreverra aussi, pour des jours futurs, une ère de bonheur coïncidant avec l’arrivée grandiose d’un fils sur un trône, rétablissant le royaume de David, son aïeul. Si, pour Jérémie, l’horizon de cette prophétie est rapproché et sa réalisation bien historique (rétablissement souhaité de la monarchie au retour de l’exil à Babylone), le chrétien qui la relit, lui, la voit déjà en partie réalisée en ce Fils de David ressuscité, mais dont le règne pleinement déployé est encore à venir, en ce Fils de l’homme venant sur les nuées du ciel aux temps derniers.

Vigilance demandée!

     La deuxième partie de l’évangile dominical reprend - comme il se doit, chaque année, au premier dimanche de l’Avent – le thème de la vigilance à tenir pour les disciples dans l’attente de ce jour de Dieu, de ce retour du Christ dont le caractère impromptu est souvent symbolisé, dans la Bible comme ici, par l’image d’un filet s’abattant sur les hommes. Le message de Jésus est le même ici que celui qu’il nous a déjà servi dans deux paraboles mettant en scène des serviteurs ainsi que dans son commentaire de l’actualité de son temps (Lc 13, 1-5). Urgence de la conversion des disciples, exhortation à ne pas s’endormir, retournant à des comportements indignes des gens « sauvés », Luc a bien besoin d’insister sur cette partie du message de Jésus! Pourquoi? Probablement parce que la tiédeur, voire l’abandon de la foi guette particulièrement les disciples de la communauté à laquelle il adresse son évangile. 

     Luc adresse son évangile à des chrétiens de deuxième ou de troisième génération d’origine païenne. On peut s’imaginer ces modestes communautés de la fin du 1er siècle (vers 80), immiscées en plein monde païen aux mœurs parfois incompatibles avec la foi chrétienne, qui se désillusionnent peu à peu de voir arriver de leur vivant ce fameux retour « imminent » du Christ dont on entend parler depuis les tout lendemains de la résurrection de Jésus. L’attrait du retour à leur « ancienne vie » pouvait être grand pour certains. Ajouter à cela que la foi en Jésus met la vie des disciples en danger, car les persécutions de l’empire romain à l’endroit des chrétiens sont déjà commencées. Il faut donc, pour Luc, solidifier la foi et la persévérance de ses « théophiles » 1 que bien des dangers menacent, en surlignant les paroles de Jésus à propos de la vigilance. 

     Une trentaine d’années plus tôt, à une communauté – celle de Thessalonique - certainement plus fébrile et ardente dans l’attente du retour glorieux du Christ, Paul enseigne comment se préparer à cette venue imminente 2 (1 Th 3, 12 – 4, 2, deuxième lecture de ce dimanche). L’amour des autres et la recherche d’une sainteté plus grande sont les attitudes à adopter qui les rendront confiants de paraître debout devant le Fils de l’homme quand ces jours viendront!

Pour nous aujourd’hui...

     Ai-je besoin de l’écrire? Nulle crainte à y avoir en ce mois de décembre 2012, nul besoin de s’alarmer aux cris des prophètes de malheurs! Nous fêterons bien Noël de nouveau cette année! Ni la Bible, ni les Évangiles ni même l’Apocalypse prétendent nous fournir des signes ou des indices de la date, ou de la façon dont on passera de ce monde au monde nouveau! Cela reste un mystère! Ils nous donnent cependant la certitude de la foi, que l’humanité arrivera un jour à ce bon port qu’on appelle le Royaume de Dieu et que le Christ Jésus ressuscité sera alors « tout en tous ». D’ici-là, l’appel à la vigilance de Jésus reste toutefois d’une éternelle actualité. Imaginez, si les chrétiens du 1er siècle avaient déjà tendance à s’endormir, qu’en est-il des chrétiens d’aujourd’hui? Force est d’admettre que ce n’est pas la perspective du retour du Christ, avec la peur de ne pas être pris avec Lui, qui les motive à adopter une conduite digne de l’Évangile. La peur n’est d’ailleurs pas la meilleure conseillère! Non. Pour vivre comme des disciples debout, la tête relevée, confiants de paraître devant le Fils de l’homme quand il viendra – quelque soit la façon dont il viendra -, que notre seule motivation soit de répondre par notre vie, établie dans l’amour et la sainteté, à l’Amour dont il nous a aimés le premier!

______________

1 Dans les dédicaces de ses deux œuvres, le 3e Évangile (Lc 1,1-4)  et les Actes des Apôtres (Ac 1,1), Luc adresse ses ouvrages à un certain Théophile dont le nom signifie « Ami de Dieu ». Plutôt que le nom d’un bienfaiteur particulier à qui Luc dédierait son œuvre, on croit généralement qu’il s’agisse d’un nom « collectif » auquel tous les disciples de Jésus, amis de Dieu, peuvent s’identifier.

2 Écrite avant nos quatre Évangiles, la Première lettre aux Thessaloniciens est sûrement le plus ancien écrit du Nouveau Testament (écrite vers 51). Elle est donc l’écho le plus primitif que nous possédions de cette attente du retour du Christ par une communauté chrétienne concrète. À l’époque de la rédaction de cette lettre, Paul est persuadé que lui et bien de ses contemporains verront ce jour de la venue du Seigneur, comme en témoignent 1 Th 4,13-18.

 

Patrice Bergeron, ptre

 

Source: Le Feuillet biblique, no 2336. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre biblique de Montréal.

 

Chronique précédente :
Alors, tu es roi?