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Dimanche du Christ, Roi de l'univers C - 24 novembre 2013

 

Mais lui, il n'a rien fait de mal

 

Jésus en croix est insulté : Luc 23, 35-43
Autres lectures : 2 Samuel 5, 1-3; Psaume 121(122); Colossiens 1, 12-20

 

La fête du Christ Roi est une fête chrétienne d’institution assez récente. C’est le pape Pie XI, en 1925, qui l’a ajoutée aux fêtes liturgiques. Elle est célébrée après le 33e dimanche ordinaire juste avant le premier dimanche de l’Avent. Le souverain pontife, dans son encyclique Quas Primas, a voulu mettre en lumière l’idée que les nations devraient obéir aux lois du Christ. En ajoutant cette fête au calendrier chrétien, l’Église voulait aussi contrer la montée du communisme en Europe. Aujourd’hui, l’orientation et le nom ont évolué : la liturgie met plutôt l’accent sur le fait que dans le Christ  la création est récapitulée et que le Christ est considéré par les chrétiens comme le Roi de l’univers entier.

Un évangile déroutant

     Après les perspectives universelles de l’Épître aux Colossiens où Paul, en parlant du Christ dit : Il a voulu tout réconcilier par lui et pour lui sur la terre et dans les cieux (Col 1, 20) l’évangile nous déroute. Cette réconciliation semble n’atteindre qu’une personne : le bon larron ! Il y a pourtant une signification profonde qui ensoleille tout le mystère de la Royauté du Christ car il s’agit bien de cette royauté dans ce passage de l’évangile. Regardons les signes de plus près. Le motif de la condamnation est clairement écrit : Celui-ci est le roi des Juifs (Luc 23, 38). Puisqu’il est signe de contradiction, il exige que l’on se prononce : pour ou contre ? Le peuple, étonné, se tait et regarde. Les chefs ricanent. Les soldats se moquent. Un des malfaiteurs l’injurie (vv. 35-36.39). Un seul reconnaît la royauté de Jésus : celui que la tradition appelle le bon larron.

Le larron repenti

     Attardons-nous à cette figure du larron repenti, à cette icône emblématique je dirais, car son personnage et ses paroles ont traversé les siècles. Pourquoi ce renom ? C’est que ce dernier semble être le seul à vraiment comprendre la véritable royauté de Jésus. Il est tout près de lui, à portée de voix. Il est suspendu comme lui à une croix semblable à la sienne. Cette proximité le rend  prêt à ouvrir son cœur pour saisir et comprendre en quoi et en quel sens Jésus peut être appelé Roi alors que l’autre l’insulte. Il avoue sa faute, la regrette et reconnaît que Jésus est injustement crucifié (v. 41). Il intuitionne le moment où cette royauté se déploiera sur l’univers, à la face du monde entier. Aussi, se tournant vers le Supplicié Jésus, comme s’il voulait faire obstacle aux insultes et aux moqueries venant des chefs repus de violence et des bourreaux assoiffés de sang, il s’adresse à lui entre deux hoquets d’agonisant : Jésus, souviens-toi de moi quand tu viendras inaugurer ton règne (v. 42). Ces paroles feront dorénavant partie du trésor de l’anthologie chrétienne.

L’inauguration du règne

     Jésus était venu une première fois au milieu des siens, comme prophète mais un prophète rejeté, comme serviteur mais un serviteur souffrant. C’est sous ces dehors qu’il est entré dans la gloire du Père. Lors de la première manifestation de sa royauté, on l’a revêtu du manteau de dérision teinté d’une parure rouge sang, d’une couronne de roseaux recouverte d’épines. Jésus est en train de vivre cette première étape : celle de l’ultime humiliation. Il lui reste à franchir la seconde : celle de son retour glorieux, à la fin des temps, lors du jugement des vivants et des morts. Seul un condamné de droit commun a pu pressentir la véritable identité royale de Jésus. Cette certitude les mènera tous les deux vers le Royaume du Père. Que s’est-il donc passé au cœur du larron, ce repris de justice? Nous pouvons prétendre que sa propre misère l’inclinait d’instinct vers ce frère souffrant cloué au bois. Il sent qu’il est tout à côté d’un cœur qui bat pour le salut des ennemis. Il sent que ce salut est à portée de cœur justement. Que ce salut est pour aujourd’hui : Aujourd’hui, avec moi, tu seras dans le paradis (v. 43). Quel drame et quelle finale !

Le verdict

     Les médias modernes sont fidèles à nous informer des verdicts rendus par les tribunaux. Toute annonce suscite des réactions multiples. D’abord, il y a les sympathisants qui se rangent du côté de la personne condamnée. Souvent ils s’attristent pour elle, pour ses proches. Les autres lâchent un soupir de soulagement : Enfin, justice est rendue disent-ils, en serrant les poings. Surtout si le malfaiteur a fait une victime ou des victimes innocentes. Enfin, il y a les foudroyés, un peu comme le peuple qui restait là à regarder Jésus sans vouloir croire ce qu’il voyait (v. 35). Avouons qu’il n’est pas simple de rendre justice d’une manière équitable. Il faut se saisir de la situation sans parti pris, interpréter les témoignages et déclarations, juger les gestes posés. En un mot, il faut faire éclater la vérité. La justice des humains doit rendre aux accusés ce qui leur appartient pour pouvoir départager leur responsabilité. Aucune justice n’est parfaite. Tous les témoins n’ont pas la même crédibilité ni la même manière d’interpréter les faits et gestes des accusés. Quand la condamnation tombe, le procès est clos à moins qu’il y ait eu vice de forme…

L’infâme procès

     Jésus a été victime d’un procès infâme. Il est l’exemple parfait de l’innocent condamné. Et c’est un malfaiteur qui en témoigne. Aujourd’hui, moi qui écoute proclamer cet évangile, je me range du côté de ce larron repenti et, comme lui, redis dans un sanglot : Il n’a rien fait de mal. (v. 41) Nous savons dorénavant qu’à la suite du Christ, Roi de l’univers, nous pouvons nous ouvrir à une autre dimension du monde, à une autre vision, à une autre conception de la vie. Et c’est là, sans doute, le commencement du paradis dont parle l’évangile. C’est cette Bonne Nouvelle qu’il faut apporter au monde. C’est de cela que nous devons être les témoins. Là est notre espérance, là est notre foi.

Le saint Larron

     Puisque Jésus a affirmé que le larron sera avec lui dans son paradis, nous pouvons affirmer à notre tour qu’il est saint comme nous le serons tous et toutes une fois pardonnés et accueillis dans le Royaume. Permettez-moi de vous raconter une anecdote en rapport avec la réflexion d’aujourd’hui. Un jour, quelqu’un me glisse une prière en me demandant si je la connaissais. J’y jette un coup d’œil et je réponds par la négative. L’autre, me rétorque : « Chez les orthodoxes, selon le rite byzantin, on prie saint Larron le Vendredi Saint ». Je vous livre donc cette prière que j’ai conservée jusqu’à ce jour : Le saint et grand Vendredi, nous célébrons les saintes Souffrances que Notre Seigneur, Dieu et Sauveur, Jésus Christ, endura pour notre salut. Nous y ajoutons la mémoire de la confession par laquelle le bon Larron, crucifié avec lui, trouva le salut sur la croix. Et à l’occasion de la messe du Bon Larron la liturgie ajoute : Dieu de puissance et de miséricorde toi qui justifies les pécheurs, nous te supplions humblement : par le regard aimant de ton Fils qui attira le bon Larron, appelle-nous à la vraie pénitence et donne-nous cette gloire éternelle dont il reçut la promesse. Nous te le demandons par ton Fils notre Seigneur et notre Dieu. Amen.

     Rien ne nous oblige à adhérer à cette prière mais rien non plus ne défend de nous unir à cette liturgie d’une autre confession chrétienne. Il y a des perles au cœur de la liturgie orthodoxe comme il y en a au cœur de la liturgie catholique. Ces trésors appartiennent à l’Église et nous sommes de l’Église. À nous de nous en servir quand l’occasion s’y prête.

 

Ghislaine Salvail, SJSH

 

Source: Le Feuillet biblique, no 2379. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre biblique de Montréal.

 

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