INTERBIBLE
Au son de la cithare
célébrer la paroleintuitionspsaumespsaumespsaumes
off Nouveautés
off Cithare
off Source
off Découverte
off Écritures
off Carrefour
off Caravane
off Scriptorium
off Artisans

 

 
Célébrer la Parole

 

orant
Imprimer

2e dimanche ordinaire C - 20 janvier 2013

 

Le vin de Cana : tour de magie ou symbole d'alliance ?

Le signe de l'eau changée en vin : Jean 2, 1-11
Autres lectures : Isaïe 62, 1-5; Psaume 95(96); 1 Corinthiens 12, 4-11

 

J’ai toujours été intrigué par le miracle de Cana. Il semble si anodin qu’il pose question. Pourquoi Jésus fournit-il le vin pour une fête ? Et pourquoi choisir ce geste comme premier signe pour manifester sa gloire ? Il me semble qu’on est plus proche d’un tour de magie que d’un miracle évangélique.

Le tour de magie

     En plus, savez-vous combien d’eau a été transformée ? Le texte précise qu’il y a six jarres de pierre contenant deux ou trois mesures. Si je vous dis que chaque mesure d’eau vaut environ 40 litres, une petite multiplication nous donne entre 480 et 720 litres ! Avec cette quantité phénoménale, on peut faire la fête comme jamais. Jésus n’y va pas dans les demi-mesures. Au contraire, l’abondance de vin semble démesurée.

     Quelle est la signification de ce récit ? Au premier niveau, Jésus, prié par sa mère, aide une famille qui a un problème très concret. Jésus ne se situe pas au-dessus de la réalité qui l’entoure. Pourtant, ce récit semble trop insolite pour qu'il n'y ait pas d'autres sens possibles. Je crois qu’il porte une signification beaucoup plus importante au sujet de la mission de Jésus de renouveler la relation de l’humanité avec Dieu. Cette lecture symbolique va être possible si on connaît la façon dont la Bible parle du vin.

Le symbole biblique du vin; de la débauche…

     Le premier personnage biblique à produire du vin est Noé. Après le Déluge, sa première action fut de planter une vigne pour en boire le vin. Malheureusement, il s’enivre gravement, ce qui déclenche toute une histoire. Allez la lire au chapitre 9 du livre de la Genèse (9,18-27). Quelques chapitres plus loin, les filles de Loth vont aussi enivrer leur père pour coucher avec lui (Genèse 19, 30-38). Dès le premier livre de la Bible, le vin est symbole de la perte de contrôle de soi.

     Il est aussi associé à la sexualité. Le Cantique des cantiques (5,1) se sert de l’image du vin pour suggérer l’amour et la jouissance. L’Apocalypse (14,8) parle du vin pour évoquer la prostitution et la séduction de l’idolâtrie.

… à l’alliance

     Le vin est aussi présenté de façon plus positive. Il n’est pas étonnant de voir que le vin symbolise la joie. Alors, mange ton pain avec plaisir et bois ton vin d'un cœur joyeux, car Dieu a déjà approuvé tes actions (Qohélet 9,7).

     Le vin devient même le symbole de la vie. L’ivresse procure la plénitude de vie (Proverbes 32,6). Au contraire, l’absence de vin évoque la mort, le deuil ou l’épreuve (Sophonie 1,13).

     Il est aussi le symbole de la bénédiction de Dieu (Genèse 27,28). Le vin est même utilisé pour symboliser l’alliance entre Dieu et son peuple. On offre à Dieu du vin sur l’autel lors des sacrifices (Exode 29,40). Le vin évoque le banquet avec Dieu à la fin des temps : Sur le mont Sion, le Seigneur de l'univers offrira à tous les peuples un banquet de viandes grasses arrosé de vins fins, des viandes tendres et grasses, des vins fins bien clarifiés (Isaïe 25,6).

     Dans le Nouveau Testament, le vin nouveau qu’il faut mettre dans de nouvelles outres est une image de l’Évangile, de la Bonne Nouvelle à proclamer (Marc 2,22).

     On accuse Jésus et ses disciples d’être des gloutons et des ivrognes puisqu’ils boivent du vin alors que Jean Baptiste ne buvait pas. Jésus répond que ce vin est symbole de la joie des temps nouveaux qu’il vient inaugurer (Matthieu 11,19).

     Finalement, au dernier repas, à côté du pain, il y a la coupe de vin. Dans cette parole attribuée à Jésus se retrouvent plusieurs symboles associés au vin : la joie, l’épreuve, la vie et la mort, l’alliance avec Dieu, le banquet divin.

     Il prit ensuite une coupe de vin et après avoir remercié Dieu, il la leur donna, et ils en burent tous. Jésus leur dit : Ceci est mon sang, le sang qui garantit l'alliance de Dieu et qui est versé pour une multitude de gens. Je vous le déclare, c'est la vérité : je ne boirai plus jamais de vin jusqu'au jour où je boirai le vin nouveau dans le Royaume de Dieu. Ils chantèrent ensuite les psaumes de la fête (Marc 14,23-26).

Ce qu’évoque le vin de Cana

     Suite à cette présentation du symbole du vin dans la Bible, vous voyez qu’il n’est pas qu’un breuvage permettant de fêter. Lorsque l’évangile de Jean choisit de présenter ce miracle, il évoque la nouvelle alliance proposée par Jésus. Ce vin est qualifié de bon au goût et il est très abondant. Ceux qui s’y connaissent en vin seront d’accord avec moi : produire une bonne bouteille est une chose complexe et difficile. La transformation de l’eau en un vin agréable à boire par Jésus parle du Royaume de Dieu qui sera comme un bon vin. On le sait, un bon vin donne la joie de vivre et favorise la communion entre ceux qui le partagent. Cette histoire illustre que le projet de Jésus est de nous faire entrer dans une relation d’alliance avec Dieu et avec les autres qui nous permettra de goûter à la vie en abondance.

     Il n’est pas anodin que ce récit soit situé lors de noces. Le mariage est une fête qui depuis le prophète Osée est symbolique de l’alliance avec Dieu. L’amour entre le mari et sa femme est signe de celui entre Dieu et son peuple. En situant ce miracle dans un contexte conjugal, ce texte nous indique encore une fois qu'il évoque l’alliance.
  
     Alors, la prochaine fois que vous boirez du vin, faites-le donc dans la joie (et la modération). Puis, s’il est bon, levez un verre en pensant à l’alliance avec Dieu présenté par Jésus et au banquet qui nous attend dans le Royaume de Dieu.

Pour aller plus loin...

Un manque de respect de Jésus envers sa mère?

          Lorsque Jésus dit à sa mère Femme, que me veux-tu?, est-ce qu’il lui manque de respect?

     D’abord, dans cette culture, contrairement au français, l’usage du mot femme pour appeler sa propre mère n’implique aucune nuance d’irrespect. Puis, l’expression traduite par « que me veux-tu » serait rendue dans une traduction littérale par « qu’y a-t-il entre toi et moi? ». Cette expression est courante dans les milieux juifs et hellénistiques. Elle marque la différence de point de vue entre des interlocuteurs. On pourrait la traduire librement par « de quoi te mêles-tu? » Sans nécessairement manquer de respect, cette expression montre simplement que Marie et Jésus avaient une perception différente du manque de vin.

 

Sébastien Doane, bibliste

 

Source: Le Feuillet biblique, no 2343. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre biblique de Montréal.

 

Chronique précédente :
Place au Messie !