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11e dimanche ordinaire C - 16 juin 2013

 

La foi d’abord, l’amour ensuite

La pécheresse aimante et pardonnée : Luc 7, 36 - 8, 3
Autres lectures : 2 Samuel 12, 7-10.13 ; Psaume 31(32); Galates 2, 16.19-21

 

Il est important de ne pas confondre le passage d’aujourd’hui avec l’onction de Béthanie qui annonce la mort et la résurrection de Jésus (Mt 26, 27-32). L’épisode que nous nous apprêtons à lire, qui est propre à Luc, est le point culminant d’un débat qui a pris naissance avec l’appel de Lévi. Lévi, ce publicain qui reçut Jésus à table, dans sa maison. Ce festin rassemblait aussi des gens qui, selon les scribes et les pharisiens, faisaient partie de la race des pécheurs notoires (Luc 5, 29-32).

Détester le péché, aimer le pécheur

     Les pécheurs prennent une grande place dans l’évangile de Luc. Le sermon inaugural (Lc 6, 20-49) est consacré en grande partie à l’attitude que nous devons avoir envers les ennemis et les pécheurs. On y apprend une leçon difficile : la miséricorde et le pardon absolus. La leçon n’épargne personne. De fait, nous n’avons qu’à nous rappeler la parabole bien connue de la paille et de la poutre (Lc 6, 39-42) qui nous fait voir la peccadille dans l’œil du prochain et ignorer la faute qui obstrue notre propre regard. Cette poutre, justement, empêche de considérer l’autre avec justesse et compassion. Dans l’évangile de ce jour, l’attitude du pharisien envers la pécheresse qui arrive à l’improviste dans la maison, vient mettre, si l’on peut dire, le point final à ce long débat (Lc 7, 36-8, 3).

Se laisser regarder

     Jésus scrute le fond des cœurs. Ce regard divin est tel, qu’il redonne courage et met un baume de consolation sur les blessures de l’âme, surtout sur celle des rejetés, des exclus. Ainsi Jésus lit dans la pensée de Simon, le pharisien, qui juge déjà sévèrement la femme prostrée aux pieds de Jésus. Il la réduit à sa réputation de pécheresse publique dans laquelle la société l’a enfermée. Ce jugement va bientôt le mettre en cause : Simon, j’ai quelque chose à te dire. L’autre ne se doutant pas de ce qui l’attend, répond : Parle, Maître (v. 40). Cette question et cette réponse vont se concrétiser dans une parabole et se terminer par de tendres reproches.

Reconnaître son péché

     À ma grande déception, le court extrait racontant le péché du roi David est tronqué. Il faudrait se donner la peine de lire ce qui précède (2 Samuel 12, 1-7a) pour rendre plus pertinent le choix de la première lecture. Les reproches et les menaces du prophète Nathan et la confession de David nous en disent long sur la volonté de Dieu de pardonner le pécheur repentant. Si David reconnaît son péché (2 S 12, 13), c’est grâce au prophète qui éveille sa conscience aveuglée par la passion envers la femme d’Ourias (v. 9). Il en est ainsi pour nous qui faisons taire notre conscience devant des gestes répréhensifs où la passion, l’appât du gain et la soif du pouvoir jouent souvent un grand rôle. Ces déviances  dénaturent notre conscience et dissolvent notre culpabilité par des justifications psychologiques, économiques et politiques.

Changer le remords en regret

     David entend le prophète énumérer ses griefs lorsqu’il lui raconte la parabole du pauvre et de sa petite brebis (2 S 12, 1-4). Ces rapprochements avec sa faute engendrent son remords qui se changera en regret.

     La parabole des deux débiteurs que Jésus sert à Simon le pharisien est du même ordre mais avec des exemples différents. Pour David il s’agit d’une faute connue de son entourage immédiat, pour le pharisien il s’agit d’une faute secrète perçue seulement par Jésus. La suite de l’évangile ne nous apprend rien cependant sur la réaction du pharisien si ce n’est sa réponse à la question de Jésus :

- « Lequel des deux aimera davantage le créancier ? »
- « C’est celui à qui il a remis davantage ».

     Cette réponse, que Jésus approuve (vv. 42-43), a-t-elle parcouru « le chemin le moins fréquenté », celui qui passe de la tête au cœur? Souhaitons-le.

Provoquer la reconnaissance et l’amour

     La parabole des deux débiteurs qui doivent des sommes différentes mais à qui on remet sans égard pour la somme due, vient nous apprendre que c’est la reconnaissance qui provoque l’amour. Dans la scène de la femme qui a mouillé les pieds de Jésus de ses larmes, qui les a essuyés de ses cheveux, qui les a baisés et parfumés (v. 38), Jésus montre que la réciproque est aussi vraie. Car ici, c’est l’amour qui provoque le pardon : Si ses nombreux péchés sont pardonnés c’est à cause de son grand amour. Puis Jésus revient à la leçon évidente de la parabole : Mais à celui à qui on pardonne peu montre peu d’amour (v. 47).

Emprunter son regard

     Si Jésus reproche à Simon, son ami, de ne pas l’avoir accueilli avec les rites d’usage, les rites élémentaires d’hospitalité employés dans cette culture c’est-à-dire : l’eau versée sur les pieds, le parfum versé sur la tête et l’accolade fraternel (vv. 44-45), c’est simplement pour mettre en évidence les gestes de la femme anonyme. Jésus ne veut pas humilier son hôte mais le conscientiser.

     L’évangéliste, il faut le noter, poursuit un but lui aussi. Il invite ses lecteurs à emprunter le regard et l’attitude de Jésus envers ces gens stigmatisés par l’opinion publique. La question : Tu vois cette femme? (v. 44) nous ouvre une porte en ce sens. Elle nous pousse à élargir notre questionnement en l’appliquant pour aujourd’hui. Imaginons le Christ nous dire : « Tu vois ces misères engendrées par la prostitution? Tu es témoin des révoltes de certaines femmes devant l’exploitation sexuelle? Alors, emprunte mon regard. Laisse-toi attendrir et essaie de sonder le cœur de ces malheureux et de ces malheureuses avant de les juger ».

Croire d’abord

     La deuxième lecture (Ga 2, 16.19-21) coïncide, pour une rare fois, avec le récit de l’évangile de Luc. Les paroles de Jésus : Ta foi t’a sauvée. Va en paix (Lc 7, 50) expriment bien la conviction de l’apôtre : Ce n’est pas en observant la Loi que l’homme devient juste devant Dieu mais seulement par la foi en Jésus Christ (Ga 2 16) L’anecdote de la femme vient confirmer les dires de Paul. Cette dernière n’a pas observé la Loi et pourtant elle est repartie justifiée, pardonnée. Ce modèle est exemplaire. Toute l’argumentation de Paul, soit aux Galates, soit aux Romains, tentera d’établir que c’est la foi qui sauve. La Loi nous enferme tous et toutes dans le péché car c’est la Loi qui a fait mourir le Christ. C’est pourquoi Paul dira qu’il a cessé de vivre pour la Loi (v. 19). Seule la grâce de Dieu, le pardon de Jésus nous libèrent.

Aimer ensuite

     Si c’est la foi qui sauve, qu’en est-il de l’amour? Car Jésus a pourtant dit à Simon à propos de la femme : Si ses péchés sont pardonnés c’est à cause de son grand amour (v. 47). Mais ce n’est pas ce que Jésus veut enseigner, si l’on se fie à la parabole des débiteurs : Celui à qui on pardonne peu montre peu d’amour (v. 47). L’amour devient donc la preuve que les péchés de la femme sont pardonnés. Mais c’est l’amour qu’elle manifeste maintenant. Entre le pardon de Jésus accordé à la femme et l’amour de cette femme pour Jésus, il y a un troisième terme : la confiance. Encore une fois, j’insiste sur cette phrase capitale : Ta foi t’a sauvée. Va en paix (v. 50). On ne peut s’y tromper : la foi d’abord, l’amour ensuite.

 

Ghislaine Salvail, SJSH

 

Source: Le Feuillet biblique, no 2364. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre biblique de Montréal.

 

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