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29e dimanche ordinaire C - 20 octobre 2013

 

Prière et vigilance

 

Parabole du juge qui se fait prier longtemps : Luc 18, 1-8
Autres lectures : Exode 17, 8-13; Psaume 120(121); 2 Timothée 3, 14 - 4, 2

 

La Parole de Dieu est un bon pain qui nous nourrit. Mais, avouons-le, il y a des bouchées de l’évangile de Luc meilleures à se mettre sous la dent que celle que nous propose la liturgie de ce dimanche! Sans être indigeste, le texte présente cependant quelques difficultés qui demandent des explications rendant son étude quelque peu revêche. Essayons néanmoins d’en dire quelque chose sans vous faire perdre l’appétit, cher(e)s lecteur(rice)s!

Rôle ambigu de cette parabole

     L’auditoire de l’assemblée dominicale, n’ayant pas sa bible sous les yeux, n’a habituellement pas le réflexe de situer le texte entendu dans le contexte plus global de l’ensemble de l’évangile, il le reçoit comme un en-soi. Pourtant, particulièrement ici, cet exercice de la mise en contexte joue un rôle déterminant dans l’interprétation de cette parabole de la veuve importune et du juge inique. Dans l’évangile de Luc, ce qui précède immédiatement est un discours eschatologique de Jésus sur la venue du Jour du Fils de l’homme auquel la parabole d’aujourd’hui semble servir de conclusion. Par contre, deux textes avoisinants, mettant en scène différents types de priants (Lc 17,11-19; 18, 9-14), encadrent bien notre parabole, semblant former un petit ensemble de textes portant sur la prière. Voilà donc la complication liée à l’interprétation du texte : quel rôle joue cette parabole à l’intérieur de l’évangile de Luc ? Est-elle un simple enseignement sur la prière ? Ou a-t-elle pour rôle plutôt d’enjoindre à la vigilance dans l’attente du Jour du Fils de l’homme ?

Un enseignement sur la prière ?

     Plaidant en faveur de la première hypothèse, on arguera que cet évangile est presque la redite d’un enseignement semblable de Jésus sur la prière, rapporté précédemment par Luc, instruction également précédée d’une parabole (celle de l’ami importun en Lc 11, 5-13). Seuls ici changent les personnages de la parabole, un juge inique et une veuve importune, au lieu de l’ami dérangeant qui vient de nuit demander du pain à son ami. La conclusion est la même, les deux importunés cèdent aux demandes pour avoir la paix. Les deux paraboles – surtout celle du juge inique - laissent quand même un malaise : celui de voir Dieu qui exauce la prière être comparé à ces deux êtres qui exaucent les demandes mus par des motifs purement égoïstes. C’est là ce qui donne toute la force à l’argumentation a fortiori, processus employé dans ces deux cas : « Si l’imparfait exauce, combien plus Dieu, qui est parfait, exaucera-t-il! »

     Si nous recevons cet évangile comme un enseignement sur la prière, nous comprendrons que Jésus nous invite à prier avec persévérance, même lorsque l’exaucement est différé de la part de Dieu. Dans son amour, Dieu ne pourra pas - à sa façon à lui! - ne pas faire justice à ses élus! Comprise dans cette ligne interprétative, la dernière phrase  énigmatique de Jésus (verset 8b) soulignerait le caractère héroïque de cette persévérance de la prière de l’Église jusqu’à la fin.

Ou appel à la vigilance ?

     En faveur de l’autre ligne interprétative, celle qui fait de ce texte la conclusion du discours de Jésus sur sa venue aux derniers temps, les arguments ne manquent pas non plus. D’abord parce que le discours de Jésus lui-même fait allusion à son retour de la fin des temps (v. 8b). Et le verset 7 aborde le thème du Jugement final de Dieu qui accompagnera ce retour du Fils de l’Homme, l’heure où Dieu fera justice à ses élus.

     Compris dans l’expectative du retour du Christ et de l’accomplissement final du plan de Dieu, la leçon de l’évangile se déplace. Plus qu’un simple enseignement sur la prière persévérante, l’évangile devient réponse à une question qui devait tarauder l’esprit des chrétiens de la fin du premier siècle à qui l’évangéliste adresse son œuvre : « Pourquoi le Seigneur tarde-t-il à revenir ? » Pour nos frères, les premiers chrétiens, le mystère du retard du retour du Christ n’est pas qu’un problème théorique, mais une situation douloureusement ressentie qui met à l’épreuve leur foi. On se rappelle le contexte historique : au nom de leur foi au Christ, les premiers chrétiens seront tantôt rejetés de la part des juifs, bientôt l’objet de calomnies au sein de l’empire, et par la suite aux prises avec les persécutions impériales les rendant possibles candidats au martyre! Leur foi met, au quotidien, leur vie en danger. Dans de telles conditions, comment continuer, tenir bon, rester fidèle au Christ, ne pas apostasier cette foi qui met sa vie en danger ? Réponse de Jésus : en priant sans se décourager et en ayant confiance jusqu’au bout à ce Dieu qui entend la prière de ses élus qui, dans les souffrances de leur temps, crient vers lui jour et nuit. Au terme, n’en doutons pas, Dieu fera justice. La prière persévérante semble être la condition même par laquelle la foi pourra survivre jusqu’à ce jour de son retour.

Une parabole, deux leçons!

     Enseignement sur la prière ou incitation à la vigilance ? Il reste que les deux leçons sont utiles pour notre foi, nous qui sommes toujours dans ce temps de l’Église qui sépare les deux venues du Christ. Nous faire redire que Dieu exauce (en son temps à lui et de la façon qu’il l’entend), apprendre à lui faire confiance, tendre nos cœurs vers lui par une prière sans relâche, nous est fort profitable. La première leçon apaise nos doutes, nous qui, comme toutes les générations chrétiennes, expérimentons l’apparente inaction de Dieu dans notre histoire et surtout dans nos épreuves. Comme seconde leçon, l’interpellation à la vigilance constante que fournit la prière est également un conseil pertinent pour notre temps, car, si notre foi chrétienne ne met plus nos vies en danger – du moins, en ce coin du monde – nombreux sont les motifs pour lesquels la foi risque d’être abandonnée : poids des siècles, contre-témoignages affichés par des chrétiens notoires, déceptions de la part de l’institution de l’Église, ou simplement le courant de fond de la culture actuelle qui laisse peu de place à Dieu! Seule la présence continuelle à Dieu permettra au Fils de l’homme, quand il viendra, de trouver – peut-être! - encore la foi sur la terre.

Une bouchée d’évangile meilleure que pressentie!

     Finalement, au terme de cette analyse, force est de constater que même les aliments les moins appétissants peuvent avoir une grande valeur nutritive. Espérons qu’au terme de ce court commentaire, la bouchée d’évangile prise en ce dimanche saura produire des effets salutaires pour notre santé chrétienne!

 

Patrice Bergeron, ptre

 

Source: Le Feuillet biblique, no 2374. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre biblique de Montréal.

 

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