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1er dimanche de l'Avent A - 1er décembre 2013

 

C'est pas la fin du monde!

 

Exhortation à la vigilance : Matthieu 24, 37-44
Autres lectures : Isaïe 2, 1-5; Psaume 121(122); Romains 13, 11-14a

 

J’aime bien utiliser cette expression lorsque quelqu’un se met en colère et grimpe dans les rideaux pour peu de chose. « C’est pas la fin du monde » indique qu’avec un peu de recul, ce qui nous frustre n’est pas si grave que ça. Est-ce que cet extrait de l’Évangile de Matthieu s’emporte pour rien ? Est-il question de fin du monde ?

     Notons d’abord qu’on ne retrouve pas les expressions « fin du monde » ou « fin des temps » dans ce passage, mais lorsqu’on le lit, on a tout de suite l’impression de faire affaire avec le genre littéraire apocalyptique. Ce récit décrit un événement qui va arriver et qui change tout ce qu’on connait : l’avènement du Fils de l’homme.

Il s’en vient, d’accord, mais qui est-il ?

     Avant mes études bibliques, je croyais que l’expression visait « Fils de l’homme » à mettre l’accent sur l’humanité de Jésus. Pourtant, il s’agit justement du contraire. Le Fils de l’homme est une figure difficile à saisir sur laquelle les spécialistes ne s’entendent pas tout à fait. Par ailleurs, voici quelques éléments qui font consensus.

     Avec le temps, les chrétiens ont fini par identifier Jésus avec le Fils de l’homme. Par contre, à l’époque où Jésus prêchait en Galilée, ce n’était pas nécessairement le cas. Le Fils de l’homme était une façon de parler du jugement de Dieu qui va venir. C’était une figure connue de tous, qui n’était pas associée à une personne en particulier. On croyait qu’à la fin des temps, Dieu, par ce Fils de l’homme, allait juger les humains en exerçant sa justice. Cette image prend racine dans le livre de Daniel (Dn 7,13) où l’on retrouve un personnage apocalyptique qui ressemble à « un fils d’homme » qui est exalté dans une sorte d’intronisation céleste. Comme le livre de Daniel s’en tient à un personnage symbolique, il laisse une possibilité d’interprétation très vaste. Après Daniel, la figure du Fils de l’homme pouvait être associée à quelqu’un d’autre comme l’on fait les chrétiens qui associent cette figure à Jésus.

     Dans les Évangiles, le seul personnage à utiliser l’expression « Fils de l’homme » est Jésus lui-même. Si les textes réservent l’expression à Jésus, c’est peut-être qu’elle remonte au vocabulaire qu’il a lui-même utilisé. Lorsque Jésus parlait du Fils de l’homme, il se servait de cette expression pour annoncer le jugement qui vient. Jésus ne parlait pas nécessairement de lui-même, mais plutôt du jugement que Dieu exercerait à la fin des temps.

C’est pour quand la fin du monde ?

     La question au centre de l’évangile de ce dimanche est le moment de la venue du Fils de l’homme. Jésus propose diverses images pour comprendre le moment fatidique : Noé et le déluge, deux hommes aux champs et deux femmes à la meule et le vol d’une maison. Le message est clair. Il faut être prêt puisqu’on ignore le moment du jugement, on ne sait pas quand le Fils de l’homme va venir.

Les jours de Noé

     La première image compare l’avènement du Fils de l’homme aux jours précédant le déluge. L’Évangile de Matthieu caractérise cette époque par les festins de mariage où l’on mange et l’on boit.

     Les banquets et festins décrits dans l’Ancien Testament projettent une image de joie débordante. Le vin coule à flots. Cela donne souvent aux festins une connotation négative : ils apparaissent comme une occasion de beuverie. Par exemple, Dieu annonce par la bouche de Jérémie (51,39) qu’il vengera son peuple exilé à Babylone au moyen d’un festin au cours duquel il rendra ses ennemis ivres morts. Ce banquet deviendra le lieu du jugement divin de Babylone.

     Si l’on revient à notre récit, on comprend que l’attitude avant le déluge représente le contraire de ce qu’il faut faire. Avant le déluge, les gens faisaient la fête sans se préoccuper d’un jugement possible. Le résultat : le déluge les a tous emportés. Tous, sauf la famille de Noé.

The Rapture, le ravissement  

     Deux hommes sont aux champs : l’un est pris et l’autre laissé. Deux femmes sont à la meule pour moudre le grain : l’une est prise et l’autre laissée. Ce verset a été utilisé par des chrétiens évangéliques pour décrire leur théorie du ravissement (the rapture). Selon ce concept, la fin du monde procéderait par étapes. Dans une des premières, les élus seraient enlevés au ciel directement, alors que les autres seraient condamnés à vivre toutes sortes de tribulations apocalyptiques sur terre. Plusieurs films et même un épisode de la série de télévision Les Simpsons ont tenté de montrer à quoi ressemblerait cet enlèvement vers Dieu.

     Pourtant, la théorie du ravissement n’a que peu d’ancrage biblique. C’est pour cela que l’Église catholique, l’Église orthodoxe, ainsi que les Églises issues de la Réforme ne transmettent pas l’idée d’un ravissement. Alors, que disent les Écritures ? Dans notre passage, Jésus illustre ce à quoi pourrait ressembler le jugement de Dieu. Il s’agit d’une image pour mieux comprendre, et pour décrire un événement précis. Cette image porte cependant un message brutal. Il faut veiller, être prêt, parce que l’avènement du Fils de l’homme va de pair avec un jugement qui ne sera pas le même pour tous. Certains seront pris, d’autres laissés.

Le vol de la maison

     Rien de tel qu’un vol de maison pour se sentir anxieux. Lorsqu’on se fait voler, on réalise que notre sécurité n’était qu’une illusion. Le réflexe consiste alors à tout faire pour que ça ne se reproduise plus : achat de nouvelles portes et fenêtres, installation d’un système de surveillance relié à une centrale, pose de caméras de sécurité…

     Les maisons en Palestine au temps de Jésus étaient beaucoup plus faciles à voler. L’Évangile de Matthieu affirme que les voleurs n’avaient qu’à percer un trou dans les murs puisqu’ils étaient composés de matériaux friables. La seule option pour ne pas se faire dérober était d’être prêt et de veiller pour prendre le voleur sur le fait. Encore un exemple de l’attitude recommandée par Jésus pour ne pas se laisser surprendre par le jugement associé à la venue du Fils de l’homme.

Plantez un pommier, la vie continue!

     On attribue cette citation à Martin Luther : « Si l’on m’apprenait que la fin du monde est pour demain, je planterais quand même un pommier. » Elle montre bien que la fin du monde, ce n’est pas la fin du monde! La visée de ce passage de l’Évangile de Matthieu n’est pas d’ordonner à ses lecteurs d’arrêter de manger, de boire, de se marier, de labourer les champs ou de moudre le grain. Les chrétiens n’ont pas à arrêter de vivre en attendant la fin. Au contraire, ce texte nous appelle à goûter pleinement à la vie puisque nous savons qu’elle est éphémère. Vivons en sachant que le monde dont nous faisons l’expérience aura un jour une fin. Profitons-en, oui! Mais aussi, faisons attention à nos choix. Comme le dit le dicton : « On n’a qu’une vie à vivre. » Ne gaspillons pas notre temps.

     Il faut donc veiller. Veiller, en aimant ceux qui nous entourent. Veiller, en pardonnant à ceux qui nous ont fait du tort. Veiller, en luttant pour la justice et la solidarité. Veiller, en travaillant à la conservation de notre environnement. Veiller, en aimant Dieu. En somme, « veiller » c’est vivre l’évangile de Jésus Christ de la façon la plus intense possible, sans se lasser.

     La conséquence d’une vie passée en oubliant son caractère passager est de voir en arrivant au bout, qu’on a perdu notre temps pour des préoccupations si inutiles. Aujourd’hui, ce n’est pas la fin du monde. Mais peut-être que demain le sera ? Qui sait? Vivons l’Évangile le plus radicalement possible pour goûter à la vie qui nous est donnée par Dieu.

 

Sébastien Doane, bibliste

 

Source: Le Feuillet biblique, no 2380. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre biblique de Montréal.

 

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