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5e dimanche de Carême A - 6 avril 2014

 

Une mort pour la vie

 

Mort de Lazare et retour de Jésus en Judée : Jean 11, 1-45
Autres lectures : Ezéchiel 37, 12-14; Psaume 129(130); Romains 8, 8-11


L’épisode du retour à la vie de Lazare est propre à l’évangile de Jean. En parcourant ce long texte, ‑ la longueur étant une caractéristique du rédacteur ‑, on se demande sur quoi doit porter notre admiration : sur les traits humains de Jésus ou sur les attributs divins de ce même Jésus ? Se pencher sur les deux aspects me semble pertinent car il y a là des révélations susceptibles de nous rejoindre en tant que lecteurs et en tant que croyants.

L’homme Jésus

     Nul doute, que pour Jésus, Lazare est un ami très cher. La demande des deux sœurs le révèle d’ailleurs : Seigneur, celui que tu aimes est malade (Jean 11,3). Jésus affectionne, à n’en pas douter, tous les membres de cette famille : Jésus aimait Marthe et sa sœur, (v. 5) cette sœur étant Marie, celle qui avait versé du parfum sur les pieds du Maître (Jean 11, 2). En s’approchant de cette famille éprouvée et surtout en voyant cette même Marie se jeter à ses pieds et lui reprocher son absence (v. 32), Jésus fut bouleversé d’une émotion profonde (v. 33). Enfin, lorsqu’il demande où le corps de son ami a été déposé et qu’on le somme de venir voir, Jésus montre encore sa peine : Alors Jésus pleura (vv. 34-35). Jésus ajoute aussi ses pleurs aux pleurs des Juifs, ce qui fait dire à ces derniers : Voyez comme il l’aimait (v. 36). Ne cherchons pas plus loin, Jésus ne voile pas son humanité ni sa capacité d’aimer avec son cœur de chair.

L’homme Dieu

     À travers cette scène familiale, touchante et bouleversante, l’évangéliste Jean nous présente un Jésus puissant, assez puissant pour être capable de faire passer quelqu’un, mort depuis quatre jours, à une vie qui se poursuivra encore quelque temps ici-bas. Décidément, cela ne vient pas d’une puissance humaine mais elle est le fait d’une puissance divine octroyée par le Père. Seul Dieu peut faire surgir un mort d’une grotte fermée par une pierre (v. 38). L’injonction d’une voix forte : Lazare vient dehors! (v. 43) ajoute un élément à cet effet de puissance. Ce commandement, qui devait glacer d’effroi les spectateurs, avait pour but de délester son ami des liens de la mort, liens qui le tenaient prisonnier de son ténébreux tombeau.

Le Christ ressuscité

     On l’aura perçu sans peine, c’est déjà le Christ ressuscité d’entre les morts, le Christ glorieux, que le texte johannique nous fait entrevoir en filigrane. Et dans ce récit, majestueusement construit, c’est la foi chrétienne qui se manifeste et le baptême, libérateur des liens du péché, qu’il nous laisse entrevoir. Parler du retour à la vie de Lazare c’est, pour le rédacteur, nous inviter à croire. Croire que Lazare était vraiment mort mais qu’il est redevenu vivant. Vivant pour demain et les jours à venir. Vivant surtout pour la vie éternelle. Le terme mort, si l’on veutrester dans la perspective johannique, pourrait plutôt vouloir dire transformation.

La foi comme une demande

     Jésus affirme à Marthe, la sœur de Lazare, que son frère ressuscitera (v. 23) mais cette dernière, qui croit en la résurrection au dernier jour (v. 24), s’entend répondre par Jésus : Moi, je suis la résurrection et la vie. Celui qui croit en moi, même s’il meurt, vivra (v. 25). Jésus fait appel à la foi de la sœur éplorée : Crois-tu cela ? (v. 26). Quel touchant dialogue ! Quelle leçon pour la suite des jours ! Il ne faut donc pas regarder cet événement inusité comme une prouesse de la part de Jésus mais bien plutôt comme une ouverture, un appel à la foi, une demande d’adhérer à Lui comme Messie envoyé par le Père, comme le Fils de Dieu (v. 27). C’est d’ailleurs ce que Marthe vient de proclamer : Tu es le Messie (…) tu es le Fils de Dieu, celui qui vient dans le monde (v. 27).

L’espérance silencieuse

     Lorsque Marthe partit à la rencontre de Jésus et qu’elle lui dit savoir que Dieu lui accordera tout ce qu’il lui demandera (v. 22) Marie était resté à la maison (v. 20). Marie est absente de cette première rencontre. Et cette absence est éloquente. Elle n’est pas le fait de la désespérance. Comment pouvoir l’avancer ? Dans son geste spontané. En effet, dès que Marie entendit sa sœur lui dire que Jésus l’appelait : Marie se leva aussitôt et partit rejoindre Jésus (v. 28). Marie, sait. Marie, croit. Chacune des deux sœurs ont leur façon de croire que Dieu, en son Messie, n’a pas dit son dernier mot. Pour sa part, Jésus demeure calme au sein de cette épreuve familiale. Le texte nous apprend qu’il demeure encore deux jours à l’endroit où il se trouvait avec ses disciples (v. 6) avant d’aller rejoindre les sœurs affligées. Il semble se direintérieurement à propos de Lazare : Il ressuscitera le troisième jour comme moi je ressusciterai.

L’amour, source de vie

     L’amour crée la vie au plan charnel comme au plan spirituel. Marthe et Marie aiment leur frère de tout leur cœur. Elles ne peuvent se résigner à sa mort. Peut-être était-il le soutien, le protecteur de ses deux sœurs ? Rien ne nous empêche de l’avancer. Mais, quoi qu’il en soit, elles lui étaient très attachées par les liens du sang. Jésus aimait Lazare, nous l’avons dit. Lui non plus ne peut accepter que cette mort soit définitive. Il veut que son ami vive. Il veut pouvoir encore entrer chez lui, lui faire l’accolade fraternelle à la manière juive. Il veut que son amitié se poursuive. Il semble déjà appréhender que jamais plus il n’ira rencontrer cette famille, entrer dans cette maison pour se reposer etcauser familièrement avec ses membres. C’est là une marque d’amitié toute simple mais combien réconfortante et vivifiante.

Le geste de toute puissance de Jésus

     Si Jésus a pleuré devant les pleurs des autres, si Jésus a pleuré devant le tombeau de son ami Lazare, il veut nous dire que la foi en Lui ne fait pas cesser la souffrance. Croire n’a jamais empêché la douleur de s’installer. La foi n’anéantit pas l’humaine faiblesse. Jésus veut nous enseigner, dans cette longue histoire, peu banale mais vraie, qu’il nous faut voir la mort sous un jour différent. Les croyants chrétiens acceptent, sans preuve pour leur raison, de vivre un paradoxe d’une grande audace : la mort et la vie ont partie liée. Parler du retour à la vie de Lazare, c’est aussi affirmer en même temps que ce frère mort vivra un jour à jamais.

Et pour conclure

     La résurrection n’est pas une opération magique qui nous ferait échapper à la mort qui est le sort de tout homme et de toute femme. La mort est le constat de notre finitude humaine. La résurrection à la fin des temps, comme nous l’enseigne notre foi, c’est un chemin qui passe inéluctablement par la mort pour déboucher en plein soleil, sur la Vie. Elle s’apparente à la naissance du nouveau-né qui sort du sein maternel pour entrer dans un monde tout autre en poussant des cris et en pleurant. Ce qui nous fait revenir à la phrase de Jésus à Nicodème : Il vous faut naître d’en haut! (Jn 3, 7). C’est ce que le retour à la vie de Lazare vient nous annoncer. Jésus est au seuil de sa Passion. Il n’ignore pas ce qui l’attend à Jérusalem. Il ne veut pas que les siens qu’il aime, se laissent abattre par la peine et la douleur de la séparation et de la mort, mais il veut que la foi en Lui soit le fin mot de leur espérance. Jésus ne veut pas la mort mais il sait que la mort viendra pour chacun et chacune de nous. Il veut surtout que la foi en la Vie éternelle triomphe.

 

Ghislaine Salvail, SJSH

 

Source: Le Feuillet biblique, no 2398. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre biblique de Montréal.

 

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