INTERBIBLE
Au son de la cithare
célébrer la paroleintuitionspsaumespsaumespsaumes
off Nouveautés
off Cithare
off Source
off Découverte
off Écritures
off Carrefour
off Caravane
off Scriptorium
off Artisans

 

 
Célébrer la Parole

 

orant

Imprimer

Dimanche du Christ, Roi de l'Univers A - 23 novembre 2014

 

Quand il viendra

 

Le jugement dernier : Matthieu 25, 31-46
Autres lectures : Ezéchiel 34, 11-12.15-17; Psaume 22(23); 1 Corinthiens 15, 20-26.28

 

La célébration du Christ, Roi de l’Univers termine l’année liturgique. Elle se trouve aussi à anticiper le temps de l’Avent, puisqu’elle évoque la venue du Seigneur à la fin des temps. La lecture évangélique de l’année A est bien connue : il s’agit du récit communément appelé « le Jugement dernier », dans lequel « le Roi » met d’un côté les brebis et de l’autre les chèvres. Il se situe dans un ensemble plus vaste que les spécialistes appellent « l’apocalypse de Matthieu » ou « le discours sur la fin ». Il y est en effet essentiellement question de la fin des temps. Jésus se trouve alors à Jérusalem et sent vraisemblablement sa fin venir. Il livre en quelque sorte son testament spirituel, sur un ton solennel. Un fil conducteur traverse les passages qui précèdent : la vigilance. Jésus invite ses disciples à veiller dans l’attente de la venue du Seigneur. Celui-ci, en effet, peut se présenter à tout jour et à toute heure et il importe d’être prêt à l’accueillir. Et dans l’entretemps, que convient-il de faire? La parabole du Jugement dernier répond d’une certaine façon à cette question.

     Le récit se présente en trois sections. La première (vv. 31-33) situe la scène dans un futur indéterminé : Quand le Fils de l’homme viendra. Toutes les nations sont alors rassemblées pour le grand tri final. Dans la deuxième section (vv. 34-40), il n’est étrangement plus question du « Fils de l’homme » mais du « Roi » qui s’adresse d’abord aux « brebis », celle qui se trouvent à sa droite. Puis il se tourne vers les « chèvres » à sa gauche, ce qui constitue la troisième partie (vv. 41-46). L’ensemble du récit présente une sorte de résumé de l’Évangile selon saint Matthieu. On y voit en effet apparaitre un de ses principaux thèmes : l’amour du prochain comme cœur de la foi chrétienne.

À gauche et à droite

     Dans l’introduction (vv. 31-33), le Fils de l’homme reçoit les prérogatives de Dieu telles que reconnues dans la tradition juive : il se présente comme un juge venu siéger au tribunal de la fin des temps. Le moment est venu de séparer les « bons » des « méchants ». L’évangéliste utilise l’image du berger qui, le soir venu, mettait d’un côté les chèvres et, de l’autre, les brebis afin de protéger ces dernières, plus fragiles. Dès le départ, la clé du récit est donnée : les plus vulnérables reçoivent une attention spéciale.

Faire le bien

     Le Roi s’adresse d’abord à ceux qui sont à sa droite et énumère leurs bonnes actions tout au long de leur vie. On y reconnaît ici des attitudes et gestes présentés plus tôt dans l’évangile comme des signes de la venue du Royaume. Mais, plus fondamentalement, le Roi reconnaît que les membres de ce premier groupe, appelés les justes, ont simplement fait le bien autour d’eux. Il n’y a rien d’éclatant ou d’exceptionnel dans ces actes : donner à manger et à boire, visiter quelqu’un qui souffre ou vit dans l’isolement, offrir un vêtement à celui qui en a besoin. La réaction des « justes » en est une de surprise : Quand est-ce que nous t’avons vu…? Ils ne contredisent pas le Roi : ils ont bel et bien fait ce que celui-ci vient de décrire. Rien ne le laisse entendre, mais on peut croire qu’ils ont agi ainsi sans y être forcés de quelque manière que ce soit, en toute liberté.

     La réponse du Roi est frappante : Chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces petits qui sont mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait. Ces mots ont inspiré une multitude de chrétiens et de chrétiennes au fil des siècles qui ont œuvré de diverses manières pour venir en aide aux moins favorisés de la société. Certains ont peut-être agi dans la peur de se retrouver à la gauche, parmi les maudits. Mais la vaste majorité l’a fait simplement parce que pour elles et eux, assister un pauvre, c’était honorer le Christ lui-même. L’évangéliste va ici très loin en identifiant Jésus aux humiliés, à toutes les personnes menacées dans le respect de leur dignité. Et en même temps, il nous les rend terriblement accessibles, proches, à notre portée. Ils peuvent, en effet, se présenter à tout moment et à toute heure, comme le Fils de l’homme!

« Dans le feu éternel »

     Dans la troisième partie, le Roi annonce à ceux qui sont à sa gauche qu’il sont envoyés dans le feu éternel préparé par le démon et ses anges, en contraste avec le Royaume préparé pour vous depuis la création du monde qui attend les « bénis ». Le dialogue qui suit cette annonce ressemble en tout point à celui qui précède. Les maudits expriment la même surprise : Quand est-ce que nous t’avons vu ? Et la réponse est semblable, mais à l’inverse : Chaque fois que vous ne l’avez pas fait… (Nous soulignons.)

     Avec cette mise en scène, l’évangéliste ne cherche vraisemblablement pas à susciter la crainte du « Jugement dernier ». En situant ces paroles à un moment crucial de la vie de Jésus, juste avant sa passion, dans un discours ultime, il montre toute l’importance de la cohérence entre la foi de l’Église et son action dans le monde. En fin de compte, cette parabole concerne peut-être moins la fin des temps que notre temps, celui où il nous est possible d’intervenir en faveur de plus de justice et de dignité autour de nous.

Un berger et ses brebis

     On comprend aisément pourquoi le passage retenu comme première lecture a été choisi (Ez 34, 11-12.15-17). Le prophète Ézéchiel compare Dieu à un pasteur qui prend grand soin de son troupeau. Et puis il y a surtout la conclusion, qui a vraisemblablement inspiré Matthieu pour la scène du Jugement dernier : Apprends que je vais juger entre brebis et brebis, entre les béliers et les boucs. L’évangéliste inverse cependant la perspective puisque, dans son récit, ce sont les bêtes du troupeau qui ont pris soin ou non du maître. Il souligne ainsi que le Royaume s’édifie dans la mesure où chacun et chacune dans le « troupeau » prend sa part de responsabilité, surtout à l’endroit des plus vulnérables.

Le Christ au-dessus de tout

     Le choix de la deuxième lecture (1 Co 15, 20-26.28) pour la célébration du Christ Roi se comprend aussi très bien. Il y est question du pouvoir royal et du règne du Christ, ce qui rappelle le Roi qui vient départager les bénis et les maudits dans la parabole de Matthieu. Saint Paul insiste aussi sur le cœur de la foi chrétienne : Le Christ est ressuscité d’entre les morts pour être parmi les morts le premier ressuscité (v. 20). Les effets de cette résurrection sont la victoire sur la mort et la destruction de toutes les puissances du mal. Le Christ règne donc sur ses « sujets » non pas comme un souverain hautain mais comme celui qui apporte la vie et voit au bien de chacun et chacune.

 

Jean Grou, bibliste

 

Source: Le Feuillet biblique, no 2422. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre biblique de Montréal.

 

Chronique précédente :
Entrons dans la joie du Ressuscité