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23e dimanche ordinaire A - 7 septembre 2014

 

Le pardon des péchés : une démarche d'Église en communion

 

La correction fraternelle : Matthieu 18, 15-20
Autres lectures : Ezéchiel 33, 7-9; Psaume 94(95); Romains 13, 8-10

 

L’enseignement de Jésus sur la vie en Église se situe tout juste avant sa montée finale accompagnée de ses disciples en direction de Jérusalem. À ce point de l’évangile de Matthieu, Jésus, sachant que la fin de son ministère terrestre approche, intensifie son enseignement auprès de ses disciples et transmet de nombreuses directives qui favoriseront le bon fonctionnement de la communauté après son départ. Ces paroles-ci s’insèrent dans un chapitre qui est entièrement consacré à l’esprit de fraternité qui doit animer les membres du Royaume et qui répond à des questions qui touchent à la hiérarchie et au pardon des péchés à l’intérieur de la communauté. La communauté croyante constitue le centre d’intérêt de ce chapitre 18, comme en témoigne le double emploi du terme grec ekklèsia, « assemblée » au verset 17, terme que l’on ne retrouve qu’à un seul autre endroit chez Matthieu, soit dans la confession de foi de Pierre à Césarée (Mt 16,18). Ce nom, qui est à l’origine du terme français « Église » pourrait indiquer que ces deux péricopes de Matthieu sont des compositions tardives de la communauté matthéenne ou, du moins, des paroles de Jésus qui ont été revisitées à la lumière de l’expérience ecclésiale de cette communauté.

Appelés à devenir bergers

     Cette instruction de Jésus suit immédiatement la parabole de la brebis perdue dans laquelle le berger se réjouit davantage du recouvrement de cette brebis unique que du maintien en sécurité des 99 autres. Jésus enseigne ainsi que pour Dieu, la conversion d’un pécheur est une profonde source de joie et une entreprise d’une importance majeure. L’enseignement des versets 15-18, qui suivent cette parabole, s’insère donc dans la même mouvance. Les membres de la communauté sont appelés à s’approcher de leurs frères fautifs de la même façon que ce berger part à recherche de sa brebis égarée, c’est-à-dire en prenant conscience de l’importance de la tâche qu’ils entreprennent et en considérant que la réussite de cette démarche constitue une grande source de joie potentielle. L’action du berger de la parabole devient alors non seulement une représentation de l’attitude de Dieu par rapport aux pécheurs, mais aussi un exemple à incarner pour tout membre de la communauté.

Tout faire pour le salut

     Jésus enjoint d’abord le membre de la communauté à s’approcher de son frère fautif de manière individuelle (Mt 18,15). Il s’agit d’une démarche qui rejoint la condition d’humilité établie par Jésus au début du chapitre (Mt 18,1-5). Si cette démarche n’est pas couronnée de succès, il ne doit pas abandonner, mais revenir à la charge avec un ou deux autres membres de la communauté afin non seulement d’établir des témoins, mais aussi de regagner ce frère perdu (Mt 18,16). Si cette deuxième entreprise se solde également par un échec, toute la communauté est invitée à intervenir. Enfin, si cette dernière et ultime approche ne fonctionne pas, le frère perdu sera considéré comme un païen ou un collecteur de taxe, c’est-à-dire comme une personne qui n’appartient pas à la communauté (Mt 18,17). Cette démarche progressive permet de mettre en évidence que tout doit être mis en œuvre afin de garder dans la communion ecclésiale un membre de la communauté qui s’est égaré.

Dépasser son salut personnel

     La première lecture (Ez 33,7-9) nous indique que cette responsabilité à l’égard des fautifs a toujours été encouragée, voire même exigée par Dieu. Le prophète Ézéchiel explique en effet que le méchant est responsable de sa propre mort, s’il ne s’est pas converti après avoir écouté celui qui connait la volonté de Dieu, mais que c’est celui qui connait la volonté de Dieu qui est responsable de la mort du méchant, s’il n’a pas parlé au méchant afin que celui-ci abandonne sa mauvaise conduite. L’enseignement de Jésus appuie celui du prophète de l’Ancien Testament, mais le parachève et le parfait. En effet, avec le Christ, il n’est plus suffisant d’agir de manière à simplement assurer sa justice et son salut personnels; il faut dépasser cette attitude limitée et tout mettre en œuvre afin non pas de se sauver uniquement soi-même, mais de rétablir aussi son frère dans le salut.

Une démarche d’amour

     L’amour du prochain est le thème central de la deuxième lecture, tirée de l’épitre de Paul aux Romains (13, 8-10). En seulement trois versets, Paul emploie à trois reprises le verbe grec agapaô « aimer » et à deux occasions le substantif agapè « amour/charité ». Paul reprend un commandement du livre du Lévitique (Lv 19,18) que Jésus place, tout de suite après celui de l’amour de Dieu, au sommet des prescriptions de la Loi : Tu aimeras ton prochain comme toi-même (Lv 19,18; Mt 22,39). L’adjonction de ce texte paulinien à l’enseignement de l’évangile de Matthieu nous indique que c’est avec cet amour du prochain que le croyant est appelé à intervenir auprès de son frère fautif. Il ne le fait pas pour une raison légaliste, mais par amour pour son frère dans la foi.

Une Église en communion

     Jésus poursuit son enseignement en assurant que tout ce que la communauté lie ou délie sur terre sera tenu pour lié ou délié au ciel. Il s’agit de la même formule employée pour Pierre en Mt 16,19, dans ce seul autre passage de l’évangile de Matthieu où le terme « Église » est employé. Mais ici, l’objet de cette garantie n’est pas une seule personne, mais l’ensemble de la communauté. Ce qui peut à prime abord sembler être une affirmation de l’autorité de l’Église sur terre est en fait une confirmation de la communion de celle-ci avec l’ordre céleste. On ne saurait en effet penser que Jésus affirme que Dieu se pliera aux décisions de Pierre ou à celles de la communauté. Il cherche plutôt à mettre le premier des disciples et l’ensemble de la communauté en confiance : s’ils suivent son enseignement, ils seront en parfait accord avec la volonté divine et, par conséquent, ce qu’ils lient ou délient sur terre se trouvera logiquement lié ou délié au ciel. Par son ministère, son enseignement, sa mort et sa résurrection, le Christ apporte à l’humanité la possibilité de vivre en parfaite communion et harmonie avec le Père.

Présent partout où il y a communion

     Jésus termine de mettre ses disciples en confiance en leur assurant qu’il sera présent parmi eux partout où ils seront, ne serait-ce que deux, à prier en son nom (Mt 18,19-20). Ces deux versets sont propres à Matthieu et n’ont aucun parallèle chez les autres évangiles synoptiques ou chez Jean. Cette assurance suit cependant de manière logique la mise en confiance du verset précédent : non seulement la communauté peut-elle être confiante d’être en parfaite communion avec la volonté de Dieu, elle peut aussi être assurée que le Christ assiste les chrétiens partout où ils sont en communion ensemble. Si Jésus prend le soin de noter qu’ils doivent être au moins deux, c’est qu’il tient à souligner qu’il parle ici de la communion entre frères. Il ne s’agit pas d’une mise en confiance personnelle où Jésus assurerait à chaque chrétien individuel qu’il est avec eux, mais d’une assurance collective qu’il est présent partout où les croyants sont unis, partout où ils vont l’un vers l’autre dans un esprit d’humilité, partout où ils mettent tout en œuvre pour ramener un frère égaré, partout où ils aiment leur prochain comme eux-mêmes, partout où ils font la volonté de Dieu. La relation horizontale des croyants devient alors en quelque sorte le tremplin qui assure une relation verticale avec Dieu.

 

Francis Daoust, bibliste

 

Source: Le Feuillet biblique, no 2411. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre biblique de Montréal.

 

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