INTERBIBLE
Au son de la cithare
célébrer la paroleintuitionspsaumespsaumespsaumes
off Nouveautés
off Cithare
off Source
off Découverte
off Écritures
off Carrefour
off Caravane
off Scriptorium
off Artisans

 

 
Célébrer la Parole

 

orant

Imprimer

Solennité des Saints Pierre et Paul - 29 juin 2014

 

Deux apôtres, deux missions, une même foi

 

Profession de foi de Pierre : Matthieu 16, 13-19
Autres lectures : Actes 12, 1-11; Psaume 33(34); 2 Timothée 4, 6-8.17-18

 

Aujourd’hui, nous rappelons la mémoire de deux des principaux apôtres fondateurs de l’Église, Pierre et Paul. Heureuse décision que d’honorer le même jour ces deux piliers des origines qui, à travers des visions différentes et complémentaires de l’évangélisation, ont permis que l’Évangile parvienne jusqu’à nous. En lisant certains textes qui les mettent en évidence, que ce soit dans les évangiles, les Actes ou dans les lettres, on pense peut-être qu’il était plus simple de croire au temps de Jésus et au début du christianisme que de nos jours. Mais ce n’est peut-être qu’une illusion.

Une confession de foi anachronique

     Dans l’évangile d’aujourd’hui, quand on lit la confession de Pierre, les choses ont l’air simple. Lui et les Onze cheminent avec Jésus depuis plusieurs mois, ils l’ont vu faire des miracles, ils ont entendu ses paroles pleines de sagesse qui donnent un souffle nouveau à la Loi de Moïse. La confession christologique que Matthieu met dans la bouche de Pierre nous semble donc tout à fait naturelle : Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant. Mais pensons-y un instant : si Pierre avait vraiment prononcé ces paroles, s’il en avait été convaincu, comment aurait-il pu nier connaître Jésus au soir de l’arrestation ? Pourquoi se serait-il enfermé avec les autres disciples après la mort de Jésus ? Peur normale d’un homme devant la violence et l’adversité, dirons-nous. Mais les choses n’étaient peut-être pas si simples et limpides qu’elles nous apparaissent à la lecture des évangiles.

Ce n’est pas la chair et le sang qui t’ont révélé cela,
Mais mon Père qui est aux cieux (Mt 16, 17).

     Matthieu rédige son texte quelques décennies après la mort de Jésus. Il s’adresse à des chrétiens majoritairement issus du judaïsme et qui ont vécu l’exclusion des synagogues, le rejet des leurs, l’abandon forcé de leurs pratiques et l’ouverture nécessaire aux païens alors que la communauté est probablement réfugiée à Antioche de Syrie. Celui-ci, tout en rapportant des faits survenus durant l’existence terrestre de l’homme de Nazareth, les interprète à la lumière de la résurrection. L’affirmation que l’évangéliste met dans la bouche de Pierre est l’aboutissement d’un long processus de maturation dans la foi et d’expérience de vie communautaire sous la mouvance de l’Esprit. Une affirmation post pascale donc, qui reprend probablement un « credo » employé dans la liturgie au sein de la communauté de l’évangéliste. La « parole de Pierre » est davantage une affirmation de la communauté croyante réunie autour de Matthieu qui, à la lumière de la résurrection, a su discerner le mystère du Christ ressuscité.

Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église,
 et la puissance de la mort n’aura pas de force contre elle (Mt 16, 18).

     Ce « credo » n’est pas proclamé par tous les disciples mais mis dans la bouche de « Simon-Pierre » : Simon, un homme de Galilée que ses compatriotes juifs ont connu. Mais Pierre aussi : celui qui, dès les premiers temps, a dû prendre une part importante dans la réflexion, la proclamation de la résurrection et le rassemblement des nouveaux croyants au sein de l’Église de Jérusalem. Le fait de réaffirmer sa primauté, à travers la confession christologique mais aussi à travers l’affirmation de Jésus qui la suit, est certainement le reflet de ce rôle primordial. Ce fut peut-être aussi un réconfort pour ses compatriotes de Jérusalem, juifs eux aussi, qui ont cru à sa prédication et ont vécu, comme lui, le rejet et l’exclusion.

Pierre, Paul … et nous

     L’Église nous propose donc aujourd’hui Pierre et Paul comme deux modèles de foi et d’engagement. Mais si on les reconnaît et les célèbre tous deux comme des modèles, cela ne veut pas dire qu’ils soient aussi différents de nous que les textes nous les présentent. On l’a dit, les choses n’ont certainement pas été aussi simples pour Pierre, comme pour Paul, dans leur adhésion à l’homme Jésus ou au Christ ressuscité. Lorsque Pierre et son frère André sont occupés à leur métier de pêcheurs, Jésus n’a qu’à passer par là et leur dire : « Venez à ma suite ». Le récit nous dit : Laissant aussitôt leurs filets, ils le suivirent (Mt 4, 19). L’engagement nous semble bien aisé. Il en va de même pour Paul : entendant une voix sur le chemin de Damas il est aussitôt atteint d’une cécité divine de 3 jours et, après avoir recouvré la vue, change complètement, passant de persécuteur acharné à héraut de l’Évangile. Décidément, la conversion semble simple à réaliser. Pourtant, ce n’est pas si aisé dans nos vies. Notre cheminement de foi, notre engagement de disciples, notre ardeur à témoigner sont parsemés d’hésitations, de doutes, d’avancées et de reculs. À l’appel de l’engagement, peu de nous laissent instantanément tout pour Le suivre. Sommes-nous si différents de Pierre et Paul ?

     Les auteurs bibliques ont leur manière bien à eux de dire les choses. Dans un style littéraire dont nous n’avons pas toujours les clés, ils expriment avec des images fortes et des adhésions aussi surprenantes que subites, des cheminements qui ont dû prendre du temps, qui ont dû mûrir longuement dans la pensée et le cœur de Pierre, de Paul et des autres témoins. Par exemple, la cécité de Paul évoque un temps d’obscurité de la conscience, de « tombeau » spirituel où le futur apôtre a probablement été déchiré entre la foi qu’il avait pratiquée depuis sa jeunesse et les témoignages dont il avait eu vent. L’Esprit a travaillé son cœur pour qu’il devienne l’apôtre dont nous évoquons la mémoire aujourd’hui. C’est ce même Esprit qui travaille notre propre cœur au quotidien.

Et que dire de miracles comme la libération de Pierre ?

     La libération de Pierre dans les Actes qui nous est proclamée aujourd’hui a des bases historiques incertaines, mais traduit une certitude des croyants, ceux d’il y a 2000 ans comme ceux d’aujourd’hui : dans les épreuves, dans l’adversité, Dieu ne nous laisse jamais seuls. Ses interventions ne sont peut-être pas aussi limpides et éclatantes que celle présentée dans le récit de libération de Pierre, un récit plus imagé et allégorique qu’historique. Mais Il nous offre une aide et un soutien qui n’en sont pas moins réels pour qui met sa confiance en Lui. Une aide, une présence que l’on découvre lorsqu’on prend le temps de faire une relecture de foi de notre vie, de nos épreuves, de nos chutes et de nos relèvements. Une telle relecture nous aide à voir comment des personnes, des événements, des paroles ont pu nous libérer de nos entraves. Nous devenons alors un peu comme Pierre qui, reprenant ses esprits, peut dire : Maintenant, je vois bien que c’est vrai : le Seigneur a envoyé son ange, il m’a délivré du pouvoir d’Hérode et de tout le mal que le peuple juif me souhaitait (Ac 12, 11).

     Si nous aussi, au fil de nos jours et à notre mesure, nous faisons de notre mieux pour être fidèles à notre mission de disciples et à l’écoute du souffle de l’Esprit en nos cœurs, alors, comme Paul au soir de sa vie, nous pourrons dire : Le temps de mon départ est arrivé. J’ai combattu le beau combat, j’ai achevé ma course, j’ai gardé la foi (2 Tm 4, 6b-7). Et, comme lui, nous aurons la certitude d’avoir part à la vie éternelle.

 

Sylvie Paquette, bibliste

 

Source: Le Feuillet biblique, no 2410. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre biblique de Montréal.

 

Chronique précédente :
Invités à la même table