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2e dimanche de l'Avent B - 7 décembre 2014

 

Deux prophètes radicaux : Jean et Jésus

Icône orthodoxe de saint Jean Baptiste

La prédication de Jean le Baptiseur : Marc 1, 1-8
Autres lectures : Isaïe 40, 1-5.9-11; Psaume 84(85); 2 Pierre 3, 8-14

 

Pour moi, Jean Baptiste va avec la Fête nationale québécoise au mois de juin. Pourtant la liturgie nous propose de nous attarder à son rôle dans la foi chrétienne en ce temps de l’Avent, où l’on se prépare à la fête de la naissance de Jésus. En effet, le ministère de Jean Baptiste est certainement lié au début du ministère de Jésus. L’Évangile de Marc ne commence pas par un récit de naissance, il commence en présentant Jean, un prophète qui a certainement inspiré Jésus. Prenons le temps de voir qui est ce prophète radical.

Le look d’un prophète

     Le folklore associé à la Fête nationale nous rappelle l’époque des défilés où Jean Baptiste était représenté par un enfant aux yeux bleus et cheveux bouclés, vêtu d’une tunique et accompagné d’un mouton. Pourtant, cette représentation est loin d’être celle que les évangiles nous ont transmise au sujet de Jean, surnommé le baptiste.

     Les récits anciens ne nous disent rien au sujet des cheveux ou des yeux de Jean. Mais si vous avez voyagé en Palestine et en Israël, vous savez que les personnes aux yeux bleus dans cette région sont presque toujours des touristes! Par ailleurs, le Nouveau Testament fournit quelques mots sur son apparence et ses habitudes alimentaires : Jean était vêtu de poil de chameau avec une ceinture autour des reins; il se nourrissait de sauterelles et de miel sauvage (Mc 1,6). Cette description n’est pas anodine; elle le rapproche du prophète Élie qui portait un vêtement de poils et un pagne de peau autour de ses reins (2 R 1,8).

     Jean n’était pas un homme comme les autres. Il nous est présenté comme un prophète extrême. Il vivait dans le désert, dans un lieu qui rappelle le temps de la rencontre de Dieu et du cheminement d’Israël vers la terre promise. Sa diète et son mode de vie prophétique interpellent ses contemporains à retrouver Dieu par un contact avec sa création. Loin des villes et des structures de pouvoir corrompues, Jean vivait en symbiose avec la nature. Son message radical attirait les foules qui venaient à lui.

Un critique du système

     Jean critiquait le système de son temps. Par le baptême qu’il offrait gratuitement pour le pardon des péchés, Jean s’opposait au système économique et religieux associé au Temple de Jérusalem. À cette époque, pour obtenir le pardon, il fallait faire un pèlerinage au Temple, changer son argent, acheter sur place un animal à sacrifier et faire une offrande pour les prêtres. Le Temple était l’institution économique la plus importante de la région. Le pardon des péchés faisait rouler l’économie alors que Jean, par son baptême, offrait aux gens d’entrer directement en lien avec Dieu pour obtenir le pardon.  

     Et il n’a pas la langue dans sa poche! Jean ose dénoncer le pouvoir religieux des Pharisiens et celui des Saducéens qui sont les alliés du pouvoir impérial en place : Engeance de vipères, qui vous a montré le moyen d’échapper à la colère qui vient ? (Mt 3,7). À la foule, il dit si quelqu’un a deux tuniques, qu’il partage avec celui qui n’en a pas; si quelqu’un a de quoi manger, qu’il fasse de même (Lc 3,11). Il accepte même de baptiser les collecteurs d’impôts, perçus comme ceux qui volaient le peuple au nom du système politique impérial, s’ils renoncent à prendre plus que ce qui est juste. De même, il baptise les soldats, les gardiens du pouvoir impérial et de l’oppression du peuple, à condition qu’ils ne fassent plus violence à personne (Lc 3, 12-14). En suivant Jean le baptiste, les soldats deviennent non-violents et les collecteurs d’impôts se transforment en honnête citoyens. C’est le monde à l’envers… le royaume de Dieu qui commence.

     Jean va mourir à cause de sa dénonciation du roitelet mis en place par Rome : Hérode Antipas. Ce dernier répudie sa première épouse pour marier Hérodiade qui était pourtant déjà la femme de son propre frère. La dénonciation publique de ce geste scandaleux mènera à son arrestation et à son exécution.

Jean se réveille!

     Le hic, c’est que son esprit n’est pas mort aux mains d’Hérode. En entendant parler de Jésus, de ses actions et de son message, Hérode aurait dit : Celui que j’ai décapité, Jean, c’est lui qui s’est réveillé (Mc 6,16). En effet, Jésus continue l’action prophétique radicale de Jean. Les deux ont en commun les valeurs de justice, de partage, de pardon et d’authenticité. Ultimement, ces deux prophètes ont été exécutés parce qu’ils dérangeaient le pouvoir établi.

     Notre monde d’aujourd’hui a plus que jamais besoin que l’esprit de Jean se réveille à nouveau. Le Baptiste dénonçait l’hypocrisie, les vols et la violence faits au peuple par les dirigeants politiques et ceux qui s’étaient acoquinés avec eux. Vivons comme ce prophète qui n’a pas peur de dénoncer les scandales politiques, économiques et religieux pour offrir le pardon et parler de partage et de solidarité radicale.

Commencement de la Bonne nouvelle

     L’extrait d’évangile proposé par la liturgie de ce dimanche correspond au début de l’Évangile de Marc. Les spécialistes nous disent qu’historiquement, c’est le premier évangile à être écrit. Ce texte innove et instaure ce qui va devenir un genre littéraire en soi : l’évangile.

     Évangile (εὐαγγέλιου) signifie « bonne nouvelle ». La première phrase de Marc est une synthèse du reste de son texte : Commencement de la bonne nouvelle de Jésus Christ, le Fils de Dieu (Mc 1,1) L’identité profonde de Jésus est révélée au lecteur dès le premier verset. Par ailleurs, comme le texte n’explique pas en quoi Jésus est Christ ou Fils de Dieu le lecteur devra poursuivre sa lecture pour comprendre ces affirmations.

     En quoi est-ce que ce texte est une bonne nouvelle? Voici quelques éléments de l’Évangile de Marc qui font de ce texte une bonne nouvelle. 1

  • Les miracles et les exorcismes opérés par Jésus en Marc sont à l’image d’un Dieu de compassion qui vient en aide aux exclus et aux malades qui avec lui retrouvent la vie.

  • Le Jésus de Marc transgresse les normes religieuses et sociales de son époque. Il remet en question les institutions religieuses et politiques comme le Temple pour se centrer sur les personnes et leurs besoins réels.

  • Les paraboles énoncées par Jésus sont une bonne nouvelle puisqu’elles permettent de comprendre le Royaume de Dieu dans un langage clair et accessible. Ce royaume n’est pas qu’utopique, avec Jésus commence la construction d’un monde meilleur.

  • Le groupe des disciples est ouvert, il y a bien un noyau central, les Douze, mais le lecteur de l’Évangile de Marc est appelé à s’identifier au groupe et même à s’y joindre. La bonne nouvelle est que nous pouvons encore aujourd’hui être disciples de Jésus.

  • Enfin, la bonne nouvelle selon Marc se trouve paradoxalement dans le récit de la passion et de la crucifixion de Jésus. Il meurt à cause des autorités religieuses et politiques de son temps. Mais cette mort n’a pas le dernier mot. La mort même de Jésus n’arrête pas la bonne nouvelle, au contraire.

1 Ces pistes de bonne nouvelle sont tirées de Élian Cuvillier, L'Évangile de Marc, Bayard, Paris, 2002, 323 p.

Sébastien Doane, bibliste

 

Source : Le Feuillet biblique, no 2424. Toute reproduction de ce commentaire, à des fins autres que personnelles, est interdite sans l'autorisation du Centre biblique de Montréal.

 

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